Language, Interaction and Acquisition 3:1 (2012), 7–28. doi 10.1075/lia.3.1.02b

Language, Interaction and Acquisition 3:1 (2012), 7–28. doi 10.1075/lia.3.1.02bar issn 1879–7865 / e-issn 1879–7873 © John Benjamins Publishing Company Synthèse rétrospective et nouvelles perspectives développementales Les recherches acquisitionnelles en français L2 à l’Université de Stockholm Inge Bartning Université de Stockholm Cet article présente une synthèse des recherches en acquisition du français langue seconde/étrangère menées à l’Université de Stockholm. Il fait le lien entre les premiers résultats obtenus au sein du projet InterFra (Interlangue française — développement, interaction et variation) avec les recherches menées récemment sur les stades très avancés. L’article se divise en trois parties. Les deux premières sont rétrospectives, d’abord une description du corpus InterFra — présenté ici dans son intégralité pour la première fois —, puis un bilan des résultats des thèses qui ont utilisé ce corpus, et, finalement, les stades de développement proposés par Bartning et Schlyter (2004). La troisième partie présente un projet sur les stades ultimes d’une L2, High-level proficiency in second language use, programme de recherche commun à cinq départements de l’Université de Stockholm et rend compte des résultats d’études récentes concernant trois groupes d’un niveau proche du locuteur natif, des locuteurs non natifs appelés respectivement avancés, bilingues fonctionnels et quasi-natifs. L’article se clôt sur un bilan de ces études. Mots clefs : acquisition, corpus, français parlé, français langue seconde/ étrangère, stades de développement en français L2, stades ultimes en L2 1. Introduction Cet article présente une synthèse des recherches en acquisition du français langue seconde/étrangère menées depuis deux décennies à l’Université de Stockholm. Il propose aussi de nouvelles perspectives développementales basées sur les pre- miers résultats d’un programme de recherche concernant les stades ultimes en L2. L’étude se présente sous la forme de trois volets. Les deux premiers sont des parties rétrospectives, d’abord une description du corpus utilisé comme base de 8 Inge Bartning données InterFra (Interlangue française — développement, interaction et variation), puis une présentation des résultats des stades de développement de Bartning et Schlyter (2004) ainsi que des thèses basées sur ce même corpus. Le troisième et dernier volet rend compte d’études récentes sur les stades ultimes dans le projet High-level proficiency in second language use, programme de recherche commun à cinq départements à la même université entamé en 2006 (cf. Bartning & Hancock soumis). Il sera donc question de l’acquisition aux stades avancés et très avancés en français L2, stades où il s’agit plutôt de l’usage de la L2 que de l’acquisition pro- prement dite. On s’intéresse aussi bien aux ressources de l’apprenant très avancé qu’aux obstacles dans son cheminement vers le bilinguisme. On se demande alors quels sont les traits du locuteur natif qui sont toujours en développement chez le locuteur non-natif. On se pose ces questions tant pour la théorisation des stades ultimes que pour une description adéquate des données empiriques de ces stades. 2. Synthèse rétrospective 2.1 Le corpus InterFra 1989–2010 Comme il ressort du Tableau 1, le corpus InterFra contient aujourd’hui deux grandes parties, à savoir le Groupe I ‘Français langue étrangère’ (FLE) avec la pro- duction orale de lycéens, de débutants, d’étudiants de 1ère et de 2e année à l’uni- versité, de futurs professeurs et de doctorants, et le Groupe II ‘Français langue seconde’ (FLS) constitué de la production de jeunes suédophones de 20–25 ans, appelés Juniors, qui vivent à Paris depuis au moins 5 ans, ainsi que de suédophones de 40–60 ans, appelés Seniors, qui vivent à Paris depuis 20–25 ans. Tous ces in- formants ont exécuté les mêmes tâches, à savoir des interviews et des narrations (vidéo et BD) avec les mêmes interlocuteurs. Le corpus inclut aussi un Groupe multi-tâches (II.c), avec des suédophones ayant vécu au moins 5 ans en France et qui ont tous été soumis à des tâches variées (conversations téléphoniques, récits de Frog story (Mayer 1969) et de Modern Times (Chaplin), interviews, etc.). Les apprenants du groupe FLE ont appris le français dans des conditions pour la plupart guidées ou semi-guidées, tandis que ceux des groupes FLS l’ont appris dans des situations non-guidées. Tous ces apprenants ont commencé l’acquisition du français L2 à l’âge de 13–14 ans. Il s’agit donc d’apprenants ‘tardifs’ ou late learners (cf. Birdsong 2003). Ces apprenants/usagers non-natifs (au total 102 informants) sont couplés à des groupes de contrôle de francophones (groupe III, 53 personnes). Le corpus couvre un total de 600 000 mots. Pour transcrire les enregistrements, les prin- cipes de la transcription orthographique ont été choisis (selon les travaux de Synthèse rétrospective et nouvelles perspectives développementales 9 Blanche-Benveniste, par exemple 1997). La plupart des productions du Groupe I (FLE) ont été étiquetées grammaticalement selon le programme Tagger Beta (voir www.fraita.su.se/interfra). Du point de vue chronologique, les groupes FLE ont été les premiers à être en- registrés, à partir de 1989. Certains étudiants universitaires ont été suivis pendant quatre semestres, les débutants et les futurs professeurs pendant deux semestres (avec un stage intermédiaire en France), les lycéens deux fois en deux ans. Tous les groupes FLE ont donc été enregistrés de façon longitudinale, hormis les docto- rants. L’enregistrement des groupes FLS est plus tardif (2006–2008) ainsi que celui des groupes de LN, sauf les étudiants ERASMUS (1993). Dans le Tableau 1 nous présentons les groupes selon les neuf paramètres suivants : groupes d’apprenants, date d’enregistrement, nombre d’informants, nombre d’années d’étude, durée de séjour dans un pays francophone, âge de l’apprenant, tâches, type d’étude et type d’acquisition. Pour plus de détails sur ces groupes de locuteurs, voir Bartning (1997, 2009). Le corpus InterFra sera, sous peu, converti dans son intégralité en format xml et rendu accessible à la communauté scientifique sur le web. 2.2 La perspective développementale en RAL et les stades de Bartning et Schlyter (2004) Depuis le commencement des recherches en RAL (Recherche en acquisition des langues), la perspective développementale s’est imposée dans des cadres théo- riques différents mais toujours basée sur des données empiriques (R. Ellis 2008, Ch. 4). A titre d’illustration, on peut mentionner les études suivantes : le projet ZISA (Meisel et al. 1981), le projet ESF (European Science Foundation, Perdue 1993 ; Klein & Perdue 1997), le projet de Pavia (Giacalone Ramat 1992), le projet InterFra (Bartning 1997 ; Bartning & Schlyter 2004), le projet de Lund (Granfeldt 2003 ; Schlyter 2003), la théorie de la « processabilité » (Pienemann 1998), et, no- tamment pour le français L2, les travaux de Dewaele (2005), Housen et Kuiken (2009), Myles (2005) et Towell et al. (1996). Pour des synthèses des résultats sur le développement du français L2, voir Bartning (2009) et Labeau et Myles (2009). Pour des synthèses générales sur la perspective développementale en L2, voir R. Ellis (2008, Ch. 4), Bardovi-Harlig (2006) et Doughty et Long (2003). 2.2.1 Les stades de Bartning et Schlyter (2004) Sur la base d’un échantillon des groupes suivants : les débutants, les lycéens, les étudiants universitaires et les futur professeurs (voir les groupes I. FLE a,b.1–3, Tableau 1), nous avons entamé une collaboration avec Suzanne Schlyter, Univer- sité de Lund, qui a abouti à proposer un continuum développemental sur une 10 Inge Bartning Tableau 1. Le corpus InterFra — tableau synthétique Groupes Date d’enre- gistrement Nombre d’apprenants Années d’étude Durée de séjour en France Âge Tâches Longitudinal/ Transversal Type d’acquisition Locuteurs non-natifs (LNN) I. FLE a. Lycéens 1996–97 20 3,5 1–2 semaines 17–18 Interview BD, Vid Longitudinal 2 ans Guidé b.  Étudiants univer- sitaires 1. Débutants 1999–2001 18 (10 Long) 0 1–2 semaines 19–30 Interview BD, Vid Longitudinal 2 semestres Transversal Guidé 2.  Étudiants de 1ère, 2e année 1989 18 (8 Long) 6 3 mois-1 an 19–26 Interview BD, Vid Longitudinal 4 semestres Transversal Semi-guidé 3.  Futurs profes- seurs 1992 6 7–8 3 mois-1 an 23–34 Interview BD, Vid Longitudinal 2 semestres stage Semi-guidé 4. Doctorants 2003 10 8–9 1–5 ans 23–26 Interview BD, Vid Transversal Semi-guidé II. LNN FLS a. 5–15 Juniors 2006 10 (3–6) 5–15 ans 25–30 Interview BD – Non guidé b. 15–30 Seniors 2006 10 (3–6) 15–30 ans 45–60 Interview BD – Non guidé Synthèse rétrospective et nouvelles perspectives développementales 11 c.  Groupe Multi- tâches 2008 10 (3–6) 5–10 ans 25–30 Interview Conv. téléph Frog Story, Mo- dern Times – Non guidé Total 102 III. Locuteurs natifs (LN) a.  Étudiants d’échange ERAS- MUS 1993 20 Bac+3 – 23–26 Interview BD, Vid _ b. LN Juniors 2006 15 Bac+3 – 25–30 Interview BD, Vid – c. LN Seniors 2006 8 Bac+3 – 45–60 Int, BD, Vid, JdG – d. LN Multi-tâches 2008 10 Bac+3 – 25–30 Int, Conv téléphon Frog, Modern Times – Total 53 (Légende : Int = interview, BD = Récits de bandes dessinées (Kahlmann 1984), Vid = récits de vidéoclip de Mordillo, JdG = tests de jugement de grammaticalité) 12 Inge Bartning échelle de six stades pour l’acquisition du français L2 : 1) initial, 2) post-initial, 3) intermédiaire, 4) avancé bas, 5) avancé moyen, et 6) avancé supérieur. Ce conti- nuum est fondé sur des itinéraires acquisitionnels de 20–25 critères basés sur deux corpus longitudinaux avec 80 enregistrements de français parlé spontané d’ap- prenants suédophones. uploads/Litterature/ synthese-retrospective-et-nouvelles.pdf

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