PASSERELLE DES ARTS Section de musicologie THÉORIE DE L’ÉCOUTE MUSICALE (2003-2

PASSERELLE DES ARTS Section de musicologie THÉORIE DE L’ÉCOUTE MUSICALE (2003-2004) François NICOLAS ANNEXES : Analyse de six moments-faveurs p. 2 (Mozart, Brahms, Schoenberg, Boulez, Ferneyhough, Nicolas) Article d’Albert Lautman : Le problème du temps p. 25 ––––––– 2 Présentation générale (16 octobre 2003) Six œuvres J’ai choisi deux œuvres classiques, trois œuvres du XX° siècle et une du XXI° siècle : Page 3 : Mozart (1° mouvement de la 40°) Moment-faveur au début du développement. Déchirure dans l’apparente continuité tranquille et sereine. Cf. cette infime déchirure si fréquente chez Mozart (majeur  mineur) qui donne ici la clef d’une écoute en délivrant un autre visage aux secondes mineures descendants du thème : dissonance à grande échelle par amplification de la se- conde mineure descendante mélodique (au principe du premier thème : mi bémol — ré) en seconde mineure descendante entre deux tonalités (sol mineur — fa # mineur) — voir mesures 101-105 —. D’où une grande dérive, tel un glissement de terrain qu’il s’agira ensuite de ravauder : remonter la pente tonale pour revenir, dans la réexposition, à la tonique… Page 8 : Brahms (2° mouvement de la 2° symphonie) Moment-faveur par distension des registres : plongée dans le grave d’où jaillissement dans l’aigu. Cf. écartèlement harmonique chez Brahms qui pointe une dimension tragique (et non pas bon- homme !) : ce moment-faveur oriente l’écoute de toute l’œuvre, aimantant l’attention, délivrant comme une sorte de code pour différencier (différentier !) ce qui doit l’être… Page 11 : Schoenberg ( Farben ) Moment-faveur à la fin du développement, juste avant la récapitulation. Tourbillon accéléré produi- sant une sonorité d’orchestre générique qui s’échappe, telle une traînée d’ombre. Ceci éclaire rétro- activement et prospectivement (cf. la récapitulation qui suit) la logique musicale du travail de Klangfarbenmelodie… Page 20 : Boulez ( Structures II ) Moment-faveur vers la fin : plongée dans le grave des deux pianos ; d’où dissolution des identités perceptives, noyades des « structures » au profit d’une énergie musicale du geste… Page 22 : Ferneyhough ( La chute d’Icare ) Affirmation vers la fin d’une pulsation régulière (en fugato : flûte, violon, violoncelle) striant le discours fluide de la clarinette. Apparition inattendue dans ce contexte, et qui fait signe pour l’en- semble de l’œuvre. Page 23 : Nicolas ( Duelle ) J’ai choisi d’inclure une de mes œuvres dans ce bouquet, précisément parce qu’il est particulière- ment difficile d’écouter l’œuvre qu’on a composée, et que l’inscrire à notre programme était pour moi le meilleur moyen de me contraindre à essayer de l’écouter et plus seulement de l’auditionner ou de l’ouïr. Cf. Duelle, œuvre mixte réalisée avec la Timée, dispositif qui sera présenté à l’ENS en février pro- chain et que Célestin Deliège a l’amabilité de présenter dans son dernier livre comme « premier né du siècle nouveau » 1… Moments-faveurs ? Je vous en propose deux, en première instance : La voix de la récitante aspirée par le violon (en X) : ici la parole s’incarne dans le violon… Un violon phrasant une voix parlée (le violon sur l’allemand de Celan…) : ici le violon chante la parole… Enjeux de ces deux moments-faveurs : la dualité parole/chant qui est au cœur même de cette œuvre mixte… ––––––––––––– 1 Cf. Cinquante ans de modernité musicale : de Darmstadt à l’Ircam (Mardaga, 2003) p. 981-982 Premier mouvement de la 40° symphonie de Mozart (18 décembre 2003) Le moment-faveur au début du développement : mes. 101- 105… Déchirure dans l’apparente continuité tranquille et sereine. Cf. cette infime déchirure si fréquente chez Mozart (par exemple par altération de la tierce : majeur  mineur) qui donne ici la clef d’une écoute en délivrant un autre visage aux secondes mineures descendants du thème : dissonance à grande échelle par amplification de la seconde mineure des- cendante mélodique (au principe du premier thème : mi bé- mol — ré) en seconde mineure descendante entre deux tonali- tés (sol mineur — fa # mineur) — voir mesures 101-105 —. D’où une grande dérive, tel un glissement de terrain qu’il s’agira ensuite de ravauder : remonter la pente tonale pour re- venir, dans la réexposition, à la tonique… Analyse descriptive des mesures 98 à 116 Conventions simplifiées d’écriture : fa # : la note {fa #} l’accord mineur / {Fa #} : l’accord majeur [fa #] : la tonalité mineure / [Fa#] : la tonalité majeure. Description  98-99 : Tonalité de [Si bémol]  100 : accord-pivot de {Ré7} faisant passer (comme 7° de dominante) à la tonalité de [sol] (relative mineure de [Si bémol]).  101 : [sol]. Mais aussitôt dérive : accord de 7° diminuée, polymorphe. Vers [do] (cf. la fondamentale fait penser à un accord de {Sol} en V2) ?  102 : effacement de la fondamentale et des basses (vc + cb). Tierce mineure de quel accord ??  103 : Descente de tierces (cf. mes. 20 pour introduire à la reprise du thème dans l’exposition). D’où {La} (comme II de [Sol]) ? puis {Mi} (comme II de [ré]) ?? Rentre alors le thème qui pose clairement [fa#] et fait entendre rétroactivement le second accord de la mesure 103 comme {Do #}, ou V de [fa #].  104 : cadence (I-V) de [fa #]  105 : Tonalité de [fa #] bien posée (cf. retour de la fonda- mentale et des graves). Donc passage en 4 mesures de [sol] à [fa #], soit la seconde mineure descendante qui en- tame le thème principal (mi b—ré ; ici ré—do#).  107 : {Sol} comme II de [fa #] par altération locale (si# et non pas bécarre) par rapport à une transposition stricte de la mesure 5.  108 : accord incertain qui va s’éclairer mesure suivante.  109 : {Do # 7} comme V7 de {fa #}  111 : Même transformation qu’en 107 par rapport à une pure et simple transposition de la mesure 9 (la # et non pas bécarre). D’où une 7° diminuée en lieu et place d’un {fa #} = accord-pivot pour une nouvelle modulation qui va s’avérer plus loin être [mi].  112 : L’accord se transforme et va s’avérer un {Si} fonc- tionnant comme V de [mi].  113 : {Si7} = V de [mi]  115-116 : cadence en [mi]. Puis cela repart pour de nouvelles modulations. Résumé Donc [sol]—[fa #]—[mi]—… Brèche, puis dérive, puis ravaudage pour revenir en [sol] pour la réexposition mes. 164. À proprement parler, le moment-faveur durerait 3 mesures : 102 à 104 (très bref donc). Il est caractérisé par une désorien- tation tonale et une perte des appuis dans les graves et les fon- damentales (ce qui n’était pas le cas de la même manière dans la mes. 20, équivalente de la mes. 103, sachant qu’en plus la mesure 102 n’équivaut pas à ce qu’on trouvait précédemment mesure 19). Le dérapage, la glissade (perte du sol en 102) retrouve un fon- dement en 105, mais le glissement n’a fait que se rattraper à [fa #] si bien que la dérive va bien vite repartir de plus belle : alertes en 107 par altération du si #, puis mes. 111 l’appui n’est pas vraiment repris sur [fa #] comme il aurait dû l’être s’il s’agissait d’une simple transposition de l’exposition, d’où [mi] inattendu en 113 suivi de nouvelles modulations… Caractéristiques de ce moment-faveur  Il est précisément situable, écrit et par là structurellement ancrable.  Il est bref.  Il est doté d’une intériorité en mouvement : il s’y passe quelque chose.  Ses frontières sont ouvertes. Il n’est pas fermé. Ici il est particulièrement ouvert « à droite », dans son prolonge- ment possible.  Il fait contraste avec ce qui le précède (ici avec la tran- quillité mélodique et l’assise tonale, et avec la seconde mineure descendante comme délicate mise en relief de la dominante).  Il ouvre à quelque chose de nouveau : il sépare un avant d’un après.  Sa saisie sensible comme moment-faveur (c’est-à-dire comme brèche surprise déstabilisante et impulsant un nouveau mode d’énergie musicale) dépend cependant de l’interprétation : son identité structurale de moment thé- matique, perceptible à tout coup, ne garantit pas son effi- cace sensible pour l’écoute. Ici l’interprétation devrait rendre le dérapage, l’incertitude et non pas traverser ce moment avec la même tranquillité d’esprit que dans l’ex- position. ––––––– & b bC 3 œ œœœœœœ œ 7 œ œ œ œ # œ œ œ œ œ œ œ # & b b 105 œ # œ œ # œ # œ n œ œ # œ # 109 œ n œ # œ # œ # œ œ # œ n œ # 11 3 œ n œ # œ n œ # œ n œ n œ œ œ # Notes : do# si# si la# la sol fa# Accords : {fa#} {Sol#} {Do#7} {Fa#7} {Si7} {mi}… Tonalités : [fa#] ? [mi] … –––––– Deuxième mouvement de la deuxième symphonie de Brahms (18 janvier 2004) Contexte Il faut s’avancer en uploads/Litterature/ theorie-de-l-x27-ecoute-musicale.pdf

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