THÉORISER LA TRADUCTION Jacqueline Guillemin-Flescher Pub. linguistiques | Revu

THÉORISER LA TRADUCTION Jacqueline Guillemin-Flescher Pub. linguistiques | Revue française de linguistique appliquée 2003/2 - Vol. VIII pages 7 à 18 ISSN 1386-1204 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2003-2-page-7.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Guillemin-Flescher Jacqueline, « Théoriser la traduction », Revue française de linguistique appliquée, 2003/2 Vol. VIII, p. 7-18. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Pub. linguistiques. © Pub. linguistiques. 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Abstract: Theory of translation is approached in this paper with special emphasis on the 20th century. The previous situation is briefly recalled to trace back to its origin the prevalent bone of contention: namely, orientation towards the source language or the target language. The large-scale development in both the practice and theory of translation in recent years has opened out new perspectives. These are defined and examined with respect to the relation between practice and theory and between theory of language and theory of translation. Finally the differences that are brought to light are shown to affect the concept of theory itself. La réflexion sur la traduction a été caractérisée pendant plusieurs siècles et, dans une certaine mesure encore aujourd’hui, par des oppositions binaires : langue source / langue cible ; texte original / texte traduit ; littéralisme / traduction libre ; traduction de la lettre, traduction de l’esprit. Comme en témoigne la terminologie, ces polarités ne sont pas strictement du même ordre. En dépit des variations, un phénomène reste cependant central, l’orientation vers le texte source ou vers le texte traduit. L’alternance entre ces deux courants s’observe aussi bien dans les positions individuelles que dans les positions collectives à des époques données. Deux facteurs semblent avoir joué un rôle décisif dans ce débat. Le premier concerne le rapport entre pratique et théorie. Les traducteurs justifiaient a posteriori les choix opérés dans leur activité de traduction et érigeaient en théorie les principes qui avaient motivé les solutions retenues. Ces positions s’exprimaient sous forme de préface à l’oeuvre traduite ou de lettres polémiques. Le deuxième facteur est lié à la nature des textes traduits qui nourrissaient cette réflexion. Il s’agissait presque exclusivement d’une part de la Bible, d’autre part de la littérature et plus particulièrement de la poésie. 1. Avant le 19e siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 190.220.240.242 - 13/05/2012 04h05. © Pub. linguistiques Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 190.220.240.242 - 13/05/2012 04h05. © Pub. linguistiques 2 L’origine de ce débat remonte à l’Antiquité. Si le fait de privilégier la langue source ou la langue cible est depuis cette époque une préoccupation majeure et constante, les motivations qui la sous-tendent sont cependant loin d’être univoques. C’est à Cicéron que revient le rôle d’initiateur et ceci à double titre, puisqu’il a le premier exprimé ses positions quant à l’activité de traduction, et a parallèlement ouvert le débat sur le pôle à privilégier. Il entendait en effet « latiniser » les textes grecs. Son objectif, qui était à la fois politique et culturel traduisait le souci d’affirmer la suprématie romaine. Sur le plan linguistique, il manifestait par ailleurs une conscience aiguë de l’hétérogénéité des langues, et on ne peut exclure la possibilité que ce paramètre ait joué un rôle dans la position adoptée. Sa célèbre devise « traduire sens pour sens et non mot pour mot » a cependant été reprise tantôt par les partisans du texte original, tantôt par les partisans du texte traduit. Dans la mesure où la teneur exacte de ces propos n’est pas spécifiée, il est aisé de comprendre pourquoi sa devise a été diversement interprétée. Au Moyen Âge création littéraire et traduction étaient souvent mises sur le même plan. Ainsi Chaucer, dans ses écrits, n’établissait guère de différence entre ses œuvres originales et celles qu’il avait traduites. Ces dernières étaient envisagées comme création à part entière avec un statut autonome par rapport à l’oeuvre originale. A l’époque de la Renaissance et plus particulièrement dans la traduction de la Bible de Luther, une nouvelle préoccupation se fait jour : celle de rendre les textes traduits intelligibles pour le peuple. C’est à cette fin que Luther mettait l’accent sur la langue courante et justifiait la modification des termes et des structures qui n’étaient pas facilement reconnaissables en allemand. Au 17e siècle et dans une large mesure au 18e, la conception de la traduction marque un tournant radical. Au nom de la liberté, les traductions transforment l’oeuvre originale au point d’être souvent une adaptation, d’où l’expression « les belles infidèles » Si les courants évoqués jusqu’ici privilégient à des titres divers le texte cible, l’orientation vers le texte source est néanmoins également largement représenté. Ainsi, dans la traduction de la Bible, à diverses périodes de l’histoire le souci de ne pas trahir la parole divine a entraîné un respect de la forme d’origine qui allait parfois jusqu’au littéralisme. On peut citer dan cette optique, les traductions bibliques de l’Antiquité, la Revised Version de la Bible en Angleterre (1881-1885) et la American Standard Version (1901). La valorisation du texte source était également au cœur de l’idéologie allemande à l’époque du romantisme. Il s’agissait alors de ressourcer sa propre langue et d’enrichir sa littérature par le biais du texte original. 2. Le 20e siècle 2.1. Traduction et théorie du langage Au 20e siècle la situation devient beaucoup plus complexe. Si le débat central évoqué plus haut continue, un changement radical apparaît néanmoins parallèlement dans plusieurs ouvrages théoriques. L’avènement de la linguistique marque en effet un tournant dans les positions adoptées. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 190.220.240.242 - 13/05/2012 04h05. © Pub. linguistiques Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 190.220.240.242 - 13/05/2012 04h05. © Pub. linguistiques 3 L’incidence de la linguistique apparaît tout d’abord dans le cadre théorique du structuralisme, à la fois en Europe de l’Est avec le Cercle de Prague et aux États-Unis, sous l’impulsion d’Eugene Nida, président de l’Association de la Traduction de la Bible. La traduction, jusque là considérée comme un art, devient un objet d’étude scientifique. Comme en témoignent les publications de Nida : Toward a Science of Translating (1964) et Language Structure and Translation (1975), et en collaboration avec Charles Taber : The theory and Practice of Translation (1969), la théorie de la traduction était pour la première fois étroitement liée à la théorie du langage. L’influence de la linguistique s’est par la suite fait sentir en Europe avec une diversification des cadres théoriques. La nécessité du lien entre une théorie de la traduction et une théorie du langage est soulignée par plusieurs théoriciens : Georges Mounin dans Les problèmes théoriques de la traduction (1963), Henri Meschonnic dans Pour la Poétique II (1973), George Steiner dans After Babel (1975), Louis Kelly dans The True Interpreter (1979), Jean-René Ladmiral dans Traduire : théorèmes pour la traduction (1979), Peter Newmark dans Approaches to Translation (1981) et Antoine Berman dans L’épreuve de l’étranger (1984) et Pour une critique des traductions : John Donne (1995). Des différences marquées apparaissent cependant entre les auteurs cités, et ceci sur plusieurs points. De même que les débats sur langue source / langue cible, les divergences s’expriment généralement en termes antinomiques. Le premier point, et ceci peut paraître paradoxal, concerne le rapport entre linguistique et théorie du langage. Si pour la majorité des théoriciens l’association des deux notions ne fait pas problème, pour Henri Meschonnic elles sont nettement dissociées, la linguistique étant rejetée comme non pertinente à la théorie de la traduction. Ce rejet est motivé par une des propositions clefs de : Pour la poétique II (314), à savoir : « ... on ne traduit pas de la langue dans un texte. On traduit et on théorise un rapport uploads/Litterature/ theoriser-la-traduction.pdf

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