Explication de l’incipit de Thérèse Raquin Objectifs : - rappeler les fonctions

Explication de l’incipit de Thérèse Raquin Objectifs : - rappeler les fonctions de l’incipit romanesque - montrer en quoi le roman naturaliste est créateur d’atmosphère 1. Un incipit a pour fonction de répondre à plusieurs questions = visée informative : où ? ici, lieu essentiel ! (Cf importance des liens lieu/ personnages dans le naturalisme) Quand ? Pas de date, mais lieu où évoluent les petits commerçants (Paris fin XIXème siècle) et atmosphère lugubre... Qui ? On peut deviner que les personnages auront un lien avec cet univers du commerce et cette atmosphère sombre et renfermée. Mais effet d'attente. 2. Il doit aussi programmer la suite du roman. Visée programmatique essentielle ici ! Dimension symbolique du texte très importante. Idée d'enfermement des personnages (Thérèse étouffe dans sa vie, Laurent et elle vont se piéger eux-mêmes en tuant Camille – la mort annoncée... comme la cicatrice de Laurent ...) 3. Visée apéritive : donner envie de poursuivre la lecture : intriguant ici, envie de voir les personnages, on joue sur l'effet d'attente A la fin du XIXème siècle, le mouvement naturaliste fait suite au Réalisme, ajoutant à ses principes une dimension scientifique. Emile Zola, auteur des Rougon-Macquart, était considéré comme le chef de file de ce mouvement et avait pour ambition de reproduire la réalité avec rigueur et précision. Roman publié en 1867, d'abord dans la Revue « L'Artiste », sous le nom de la nouvelle qui en posait les fondements en 1866, « Un mariage d'amour », Thérèse Raquin relate la relation adultère de Thérèse et Laurent. Ceux-ci vont tuer le mari de la jeune femme pour s'assurer une tranquillité alors qu'au contraire, le meurtre sera déclencheur de souffrances psychologiques qui vont mener le couple à la folie et à la mort. L'extrait étudié constitue l'incipit du roman. Il offre une description minutieuse qui tente de reproduire avec réalisme l'aspect lugubre du lieu décrit, tout en laissant filtrer la subjectivité du narrateur. En quoi cet incipit romanesque est-il caractéristique d'un roman naturaliste ? I. Une description objective et minutieuse : A) Les précisions spatiales: - Au bout de la rue Guénégaud (l.1), A gauche, (§3), A droite, sur toute la longueur du passage, (§4), « Au- dessus du vitrage »,(§5 ) : indicateurs temporels = La description est très détaillée : le narrateur situe les éléments les uns par rapport aux autres. . Le lieu est étroit et fermé. On ne voit ni le ciel, ni le soleil. - « Guénégaud », «le passage du Pont-Neuf », « la rue Mazarine », « la rue de Seine » : Noms de lieux réels, indicateurs de lieux, toponymes = des lieux réels de Paris : faire croire au lecteur que cette histoire est vraie, puisque le lieu de l’action est réel : cela s’appelle l’effet réaliste. - « ce passage a trente pas de long et deux de large au plus », l.4-5 ; « coupé à angle droit » l.6-7 (§1) : mesures – vocabulaire mathématique = compléter les références géographiques pour donner au texte une tonalité rigoureuse et l'apparence de la vérité. B) Les notations temporelles : - Antithèse et parallélisme : « Par les beaux jours d'été », « Par les vilains jours d'hiver » : la description prend soin de couvrir toutes les parties de l'année = coloration réaliste. - « un lourd soleil brûle les rues » / « Les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes » = présent à valeur de vérité générale, sorte de permanence, de vérité du décor. C) Les tournures impersonnelles : Description faite à la 3ème personne. - §1 « ce passage a », §2 « une clarté tombe », « les vitres ne jettent que de la nuit », §3 « se creusent des boutiques obscures », §4 « s'étend une muraille » : sujet des phrases : objet ou lieu décrit – notamment 2 verbes réfléchis = le narrateur fait mine de s'effacer derrière les éléments de la description - §3 « il y a là des bouquinistes, des marchands de jouets d'enfant, des cartonniers (...) » : présentatif « il y a », qui introduit dans la description les dimensions de neutralité et d'objectivité, est suivi d'une énumération = donner l'impression que l'on dit tout. II. La manifestation d'une subjectivité : A) Le point de vue d'un passant : Rappel : Zola menait des enquêtes approfondies avant chacun de ses romans. On peut imaginer qu'il s'est rendu dans la rue qu'il décrit, d'où la précision à échelle humaine. - cf « on » pronom indéfini l.1 ne désigne personne, mais indique une présence qui organise la description. C'est comme si le narrateur s’adressait au lecteur pour inviter celui-ci à se rendre sur les lieux : les lieux évoqués existent vraiment (ils sont à Paris). Le lecteur peut aller le vérifier par lui-même. C’est l’illusion réaliste. - « trente pas »l.4 : échelle humaine : démarche d'un passant qui sert ici de mesure. - « à gauche » « à droite » par rapport à ce passant + l.19-21 : « au-delà, derrière les étalages, les boutiques pleines de ténèbres sont autant de trous lugubres… » : indicateurs temporels = description en fonction de son champ de vision, où ce qui est invisible apparaît comme effrayant. B) Des termes négatifs - adjectifs péjoratifs : l;3 « étroit et sombre » « jaunâtres, usées »... « sales » l.9 : opinion sur ce qui est vu ; « la nuit salie et ignoble », (19) « trous lugubres » (20), « formes bizarres » (21), « horrible couleur brune » (26) « traîne misérablement dans le passage. » (10), « moirent étrangement' (18) = adjectifs + adverbes modalisateurs = on sort de la description neutre et on va vers de vrais jugements de valeur. Le narrateur insiste sur la tristesse du lieu : cela ne donne pas envie d’y aller. - lexique des couleurs : Jaunâtres, noir, blanchâtre, gris, verdâtres, couleur brune, bleu, noire : Les couleurs choisies par le narrateur sont des couleurs tristes. Trois d’entre eux sont composés avec un suffixe négatif en « -âtre » (« jaunâtres », « blanchâtre », « verdâtres ») : cela exprime quelque chose de terne. L’épithète« bleu », seul adjectif valorisant dans cette série, qualifie le contenu d’une petite boîte : il occupe donc une toute petite place dans le décor. - gradations d'adjectifs qui soulignent le point de vue du narrateur : « jaunâtres, usées, descellées » ; « obscures, basses, écrasées » ; La première gradation montre l’état d’usure des dalles :La deuxième gradation, elle, insiste sur l’idée d’enfermement : C) Le sentiment de la mort : - Passage présenté comme un lieu sépulcral, par couleurs et lexique de l'obscurité : « noir de crasse »(7), « les vitres ne jettent que de la nuit », « obscures » (13), « ombres » (17), « ténèbres » (20), « horrible couleur brune » (26). L’idée générale qui se dégage à la lecture de cette description est l’absence de lumière : c’est un endroit sombre, peu rassurant. Le narrateur insiste beaucoup sur cette obscurité. - Cf 2me § avec le parallélisme de construction pour souligner le manque de couleur et de soleil. - Basculement dans le fantastique avec le mot « caveau », qui a une connotation mortifère : Ce mot évoque la mort des personnages dans la suite du roman : Camille, la morgue et à la fin (la mort de Thérèse et de Laurent). Pour le narrateur, le lieu respire la mort ; c’est un lieu désagréable. = effet d'annonce - « suant toujours une humidité âcre (5-6) ; laissant échapper des souffles froids de caveau. (14) ; ( comme couverte d’une lèpre et toute couturée de cicatrices » (dernier §, l.32): personnification = Les termes utilisés se rapportent normalement à une personne. Le décor est présenté de façon très péjorative : il semble malade, atteint d’une maladie grave (la lèpre). Il se décompose, il est vieux. Il évoque aussi un mort vivant ou la cicatrice au cou de Laurent…Cela laisse penser que les personnages qui vivent ici sont pareils. ( lien chez Zola entre le milieu et les personnages, influence de celui-ci sur eux = déterminisme social. Cf métaphore où « les boutiques (…) sont autant de trous lugubres » = évoque la fosse ! Le lieu décrit dans cet incipit est totalement clos. Le passage est étroit, sombre, comme muré par une épaisse muraille. C'est dans ce décor que se déroulera l'intrigue. Il ne s'agit plus pour le narrateur à présent que d'y plonger ses personnages et d'observer ses réactions. uploads/Litterature/ therese-raquin-incipit-commentaire.pdf

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