Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis U.F.R. Arts, philosophie, esthétique

Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis U.F.R. Arts, philosophie, esthétique THESE pour obtenir le grade de Docteur de l’Université Paris 8 Discipline : Esthétique, sciences et technologies des arts, spécialité : théâtre et danse présentée et soutenue publiquement par Julie PERRIN le 4 avril 2005 titre : De l’espace corporel à l’espace public Directeur de thèse : Monsieur le Professeur Philippe Tancelin Codirectrice : Madame Isabelle Ginot Jury : Monsieur le Professeur Luc Boucris Madame Véronique Fabbri Monsieur le Professeur Didier Plassard 2 « Le théâtre, par essence, est la mise en jeu de la question de l’assemblée. La figuration de ceci : quelle est cette assemblée qui s’assemble, quel est ce nous ici même réuni ? Qui est ce nous ? Qui sommes-nous ? Quoi nous assemble ? Que faisons-nous, là, ensemble ? Voilà ce que demande, me semble-t-il, le théâtre. » Denis Guénoun, « L’Insurrection, toujours » « Le sens est le produit d’une interaction entre l’artiste et le regardeur, et non pas un fait autoritaire. Or, dans l’art actuel, je dois, en tant que regardeur, travailler à produire du sens à partir d’objets de plus en plus légers, incernables, volatiles. Là où le décorum du tableau offrait un cadre et un format, nous devons souvent nous contenter de fragments. Ne rien ressentir, c’est ne pas travailler suffisamment. » Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle Remerciements Je tiens à remercier l’équipe du département danse de l’Université Paris 8 Saint- Denis, dont l’enseignement et les réflexions ont suscité mon désir d’engager cette recherche. Je suis tout particulièrement reconnaissante à Isabelle Ginot d’avoir accompagné ce travail par ses conseils et lectures critiques. Les débats et questionnements au sein du comité de rédaction de la revue de danse Funambule, dont j’ai fait partie durant ces cinq dernières années, ont également nourri ma réflexion. Je remercie également Danielle Perrin pour sa relecture. 3 Sommaire SEUIL p. 6 PREMIERE PARTIE : PASSAGES p. 22 Du passage p. 23 I. La question du public p. 28 A – Qu’est-ce qu’un public ? p. 32 1) Définitions p. 32 2) Méthodologie critique p. 34 3) Dépasser l’approche sociologique ? p. 40 B – L’invention du public p. 50 1) Le public comme observateur p. 53 2) Le public comme récepteur p. 66 3) Le public comme regardeur p. 71 II. Pour une approche de l’espace p. 88 A – Lieu p. 91 1) Un lieu pour la danse ? p. 91 2) Le lieu théâtral en question p. 99 B – Représentation p. 107 1) Des différentes représentations de l’espace p. 107 2) L’enjeu politique de l’espace p. 121 C – Habiter p. 128 1) Spatialités scéniques p. 130 2) Spatialités corporelles p. 144 3) Cadres p. 152 4 SECONDE PARTIE : DISPOSITIFS p. 168 1 . Xavier Le Roy, Self-Unfinished p. 169 Introduction p. 169 A – La scène comme laboratoire du visible p. 179 B – Le corps comme Figure p. 191 C – Du plateau à la scène p. 206 2 . Le bouleversement du visible p. 214 3 . Yvonne Rainer, Trio A p. 227 A – Questions d’histoire p. 228 1) Le choix d’une œuvre emblématique p. 228 2) Trio A, le film p. 240 B – Regard sans lieu p. 246 1) Resserrement p. 246 2) Dispersion et continuité p. 251 C – Du public p. 259 1) Résistances p. 259 2) Déconstruire la relation duelle narcissisme/voyeurisme p. 267 4 . Le revers des limites p. 284 5 . Olga Mesa, Suite au dernier mot : au fond tout est en surface p. 292 Introduction p. 292 A – L’invention d’un lieu p. 301 1) Inscrire un territoire p. 303 2) Déconstruire une géographie p. 307 3) Voyager, malgré tout p. 313 B – le partage d’une intimité p. 327 1) Le public à l’œuvre p. 327 2) Aux frontières de l’intime p. 345 6 . Le plateau contrasté. Quelques réflexions sur l’habiter p. 360 5 7 . Boris Charmatz, Con forts fleuve p. 373 Introduction p. 373 A – Mise à mal du visible p. 382 1) Déséquilibrer l’architecture p. 383 2) Déstructurer p. 386 3) Décadrer p. 394 4) Renversements p. 400 B – Mise en scène du vide p. 407 1) Ambiguïté. (Ou l’atteinte au visage) p. 407 2) Béance p. 421 8 . Allers et retours p. 427 9 . Merce Cunningham, Variations V p. 439 Introduction : Merce Cunningham, la critique et le public p. 439 A – La singularité de Variations V p. 447 1) Une relation entre danse et musique ? p. 447 2) Une œuvre multimédia p. 453 3) Composition p. 458 B – Une philosophie de l’espace p. 466 1) Le privilège de l’espace sur le lieu p. 466 2) Le jeu des figures p. 481 C – Une pensée du public p. 491 RIDEAU ? p. 503 BIBLIOGRAPHIE p. 515 INDEX p. 535 Seuil 6 . Seuil Theatron. L’étymon grec de théâtre désigne d’abord le lieu d’où l’on regarde, autrement dit, le lieu où se tient le public de la représentation. Il signifie ensuite le public lui-même, puis, dernière acception, le spectacle. Convoquer l’étymologie de ce terme, au seuil de cette recherche, c’est souligner combien le théâtre, à son origine, renvoie à un événement qui se situe non seulement sur la scène, mais bien dans la « salle » (les gradins ou koilon). Le theatron insiste d’une part sur le lieu, sur une disposition des espaces et une répartition spatiale des acteurs de cet événement. Il renvoie d’autre part à une activité spécifique en ce lieu : theatron dérive du verbe theaomai que l’on pourrait traduire par voir ou contempler. Le public forme ainsi une communauté réunie tant par le lieu auquel elle est assignée que par l’activité perceptive qu’elle engage. C’est bien à l’articulation de ces différents éléments que s’intéresse cette recherche : comment la question spatiale vient-elle nourrir, modeler, la nature de l’échange avec l’œuvre ? Comment le souci du lieu, et plus largement des espaces, détermine-t-il la relation à l’Autre ? Si le théâtre aujourd’hui est tout à la fois un édifice, un art vivant et un genre littéraire, il ne désigne plus directement le public. Pourtant, il continue d’être pensé avec et pour un public : le texte théâtral contient des modes d’adresse au public ; qu’il soit lu ou joué, il donne à voir et entendre, et institue l’Autre comme spectateur ; il définit ainsi un point de theatron contenu dans la parole même. D’une façon similaire, l’architecture théâtrale continue de réfléchir à l’emplacement du public et d’imaginer la meilleure disposition de l’ensemble, s’interrogeant sur le rapport entre la scène et la salle – recherche de volumes adéquats, de proportions, souci de visibilité et Seuil 7 d’acoustique… L’édifice structure la relation ou, tout au moins, atteste d’une conception de cet échange. Enfin, l’art théâtral, mais plus généralement les arts du spectacle qui se tiennent en ce lieu – parmi lesquels l’art chorégraphique –, déploient une série de pratiques qui supposent la présence de ce public dans la salle ; le jeu de l’acteur, la nature de la profération, l’orientation de l’interprète, l’ampleur du geste, les modes d’adresse, relèvent de techniques tout autant culturelles qu’historiques qui témoignent toujours d’une pensée du public. L’œuvre elle-même institue donc un point de theatron. C’est à partir de l’œuvre chorégraphique que l’on entend ici traiter la question du public. Ce point de vue spécifique, restreint, comme on le verra dans une première partie, le champ plus large de l’étude du public. Il détermine une méthodologie propre et définit un objet d’étude : alors qu’une approche strictement sociologique s’intéresse directement au public (par enquête, par interview), afin d’en déterminer la fréquentation des théâtres, la composition (les catégories de population représentées, distinguées par âge, sexe, profession, niveau d’études, etc.) ou les logiques économiques, géographiques et culturelles, l’approche par l’œuvre s’interroge davantage sur la nature de l’expérience esthétique. Il ne s’agit pas de savoir qui va au théâtre, mais de comprendre comment l’œuvre pense le collectif qui s’assemble devant elle. L’expérience esthétique n’est certes jamais détachée des facteurs sociologiques ni même historiques, mais ce qui caractérise le public et le distingue d’un simple extrait de la population, c’est la façon dont l’œuvre le réunit par l’activité perceptive qu’elle exige de lui. Se dégagent ainsi deux hypothèses de travail étroitement corrélées ; elles orientent cette recherche. L’une envisage l’œuvre d’art comme capable de modifier nos modes de percevoir et de sentir. L’autre considère que le public est une communauté spécifique qui transcende, en quelque sorte, les lois de la relation sociale, en permettant de penser autrement la relation à l’Autre et le statut du sujet. Ces deux hypothèses reposent sur une définition de l’œuvre d’art qu’il faut dès lors expliciter : on postule que l’œuvre d’art est le lieu d’un Seuil 8 déplacement des perceptions et des modes habituels d’envisager la réalité, qu’elle provoque un bouleversement des catégories usuelles de la pensée. L’œuvre, ainsi, n’est pas réduite à une activité de représentation, mais devient susceptible uploads/Litterature/ these-julie.pdf

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