Alliance ou Testament en Hébreux 9.16-17 ? | 1 Diaqh,kh, Alliance ou Testament
Alliance ou Testament en Hébreux 9.16-17 ? | 1 Diaqh,kh, Alliance ou Testament en Hébreux 9.16-17 ? Sylvain Romerowski Résumé : En Hébreux 9.15, l’auteur présente Christ comme le média- teur d’une alliance nouvelle en vertu de sa mort. Il avance aux versets suivants (v. 16-23) deux considérations pour appuyer l’idée que la mort de Christ était nécessaire à la conclusion de l’alliance. Aux versets 16-17, la plupart des traducteurs et exégètes rendent cependant le mot diaqh,kh par testament plutôt que par alliance. L’édition 2015 de la Bible du Semeur a opté pour le sens d’alliance. Le présent article vise à justifier ce choix, non seulement par diverses considérations exégé- tiques, mais aussi sur la base de l’éclairage qu’apporte une coutume proche-orientale ancienne attestée par un traité d’alliance datant du VIIIe siècle av. J.-C. et par l’Ancien Testament. Abstract : In Hebrews 9:15, the author of the epistle depicts Christ as the mediator of a new covenant, on the basis of his death. In verses 16- 23, he then gives two reasons why the death of Christ was necessary for the new covenant to be made. In verses 16-17, though, most translators and exegetes are of the opinion that the word diaqh,kh means a last will and testament rather than a covenant. Besides presenting exegetical considerations, the article shows how an ancient Near Eastern custom attested by a covenant treaty of the 8thcentury BC and by the Old Tes- tament sheds light on these two verses and argues that a covenant is meant. théologie évangélique, vol. 14, n° 2, 2015 2 | À partir de son chapitre 8 et jusqu’en 10.18, l’auteur de l’épître aux Hébreux s’attache à montrer la supériorité de la nouvelle alliance, dont Christ est le médiateur, sur l’ancienne alliance. Cette partie de sa lettre s’inscrit dans une argumentation plus large qui vise à faire ressortir la supériorité de Christ et la nécessité de son œuvre pour le salut, afin d’encourager les lecteurs à s’attacher à Christ, ou à lui rester attachés. Les rites de l’ancienne alliance n’étaient qu’une image et une ombre, autrement dit des types ou préfigurations des réalités de la nouvelle alliance apportées par Christ (Hé 8.4-6). En particulier, au lieu des sacrifices d’animaux qui ne pouvaient pas réellement obtenir le pardon des péchés (10.1-4), Christ a offert le sacrifice de sa propre vie (9.11-14). En vertu de sa mort qui obtient pour les siens le pardon des péchés, notamment des transgressions commises sous l’ancienne alliance, Christ est devenu le médiateur d’une nouvelle alliance, de sorte que ceux qui sont appelés, ceux qui ont part à cette alliance, reçoivent la promesse de l’héritage – ou, plutôt, d’un patrimoine – éternel (9.15). Ayant affirmé que Christ est devenu le médiateur de la nouvelle alliance par sa mort pour le pardon des péchés (9.15), l’auteur se lance dans une argumentation visant à montrer que la nouvelle alliance ne pouvait pas être conclue sans que la mort de Christ intervienne (9.16- 22). Dans cette optique, il rappellera tout naturellement qu’à l’époque de Moïse, lors de la conclusion de l’ancienne alliance, des animaux ont été sacrifiés pour effectuer un rite de purification par l’aspersion de leur sang, en vue du pardon des péchés du peuple d’Israël (9.18-22). Mais tout d’abord, aux versets 16-17, l’auteur énonce un argument qui est habituellement traduit de la manière suivante ou de façon équiva- lente : « Car là où il y a testament, il est nécessaire que la mort du testa- teur soit constatée. Un testament, en effet, n’entre en vigueur qu’après le décès, puisqu’il n’a pas de validité tant que le testateur est en vie » (Bible à la Colombe). Voilà qui est très surprenant : pourquoi parler ici de l’entrée en vigueur d’un testament pour éclairer le fait que Christ a dû passer par la mort pour que la nouvelle alliance puisse être conclue ? On justifie cette traduction en remarquant que le mot grec diaqh,kh a d’abord le sens de testament, même si les auteurs de la traduction Alliance ou Testament en Hébreux 9.16-17 ? | 3 grecque des Septante l’ont employé pour rendre le mot hébreu berîth qui désigne une alliance et non pas un testament. De plus, ce qui fait penser à un testament dans notre texte, c’est l’affir- mation selon laquelle une diaqh,kh n’entre en vigueur qu’une fois consta- tée la mort de celui qui fait diaqh,kh. En effet, une alliance est faite pour régir les relations entre les partenaires qui la concluent pendant leur vie ; la mort de celui qui conclut alliance n’a donc pas à intervenir pour que celle-ci entre en vigueur, bien au contraire. Enfin, la mention de la pro- messe de l’héritage a pu conduire à la pensée d’un testament. Aussi la majorité des commentateurs se rallie-t-elle à l’interprétation qui consi- dère que l’auteur fait référence à un testament aux versets 16-17 1. Ainsi, C. Spicq par exemple écrit : Grâce à un jeu de mots sur diathèkè signifiant alliance dans les Septante (v. 15, 18-20) et testament dans le grec profane (v. 16-17), et à la commune exigence de l’effusion de sang dans l’un et l’autre cas, l’auteur établit que le Christ devait mourir pour fonder la nouvelle alliance et que les croyants héritent de ses biens divins 2. Et il écrit encore par la suite : « Il était donc indispensable que le Christ mourût pour que son testament soit exécuté 3. » Cependant, une telle compréhension du texte attribue à l’auteur de l’épître une confusion entre deux réalités très différentes tour à tour dési- gnées par le mot diaqh,kh. Peut-on accorder une quelconque validité à un raisonnement qui tire argument du fait qu’un testament entre en vigueur seulement après le décès de son auteur pour conclure à la nécessité de la mort de Christ pour que la nouvelle alliance, qui n’est pas un testament, soit établie ? En outre, l’idée que nous serions au bénéfice d’un testament de Dieu ou de Christ qui ne peut prendre effet qu’à la condition de la mort de Christ ne se retrouve nulle part ailleurs dans l’Écriture. Loin d’apparaître comme un testateur dont la mort serait la condition pour que nous recevions un héritage, Christ est plutôt présenté ailleurs 1. Par exemple, F.F. BRUCE, The Epistle to the Hebrews, Grand Rapids, Eerdmans, 1964, p. 209-214 ; P .E. HUGHES, A Commentary on the Epistle to the Hebrews, Grand Rapids, Eerdmans, 1977, p. 368-371 ; S. BÉNÉTREAU, L’épître aux Hébreux, tome 2, Vaux-sur-Seine, Édifac, 1990, p. 84-87. 2. Ceslas SPICQ, L'épître aux Hébreux, Paris, Gabalda, 1977, p. 156. Voir de même Her- mann Strathmann, L'épître aux Hébreux, Genève, Labor et Fides, sans date, p. 86. 3. SPICQ, op. cit., p. 157. théologie évangélique, vol. 14, n° 2, 2015 4 | comme le premier héritier, dont nous sommes nous-mêmes co-héritiers (Rm 8.17). H. Strathmann lui-même, bien qu’il souscrive à l’interprétation majoritaire, en relève les difficultés : Le Christ n’est pas le testateur, mais le garant de ce « testament ». Quel héritage nous aurait-il laissé, qu’aurait-il laissé derrière lui qui puisse nous revenir ? D’après Hébreux, les biens que Christ nous communique, il nous les communique parce qu’il est le Vivant, dans le ciel ! Les croyants sont ses « participants » (3.14) comme ils sont, selon Paul, ses « cohéritiers » (Rm 8.17). L’auteur laisse sans réponse toutes ces questions 4. Ces remarques lucides sont bien le signe d’un embarras devant l’inter- prétation traditionnelle. On peut ajouter que l’argument tiré de la mention de l’héritage est sujet à caution. En effet, dans ce contexte où l’auteur compare l’ancienne et la nouvelle alliance, cette mention renvoie à une réalité de l’ancienne alliance : le pays de Canaan accordé aux Israélites en vertu de l’ancienne alliance est vu comme le type de ce qui est obtenu par Christ pour les croyants de la nouvelle alliance. Le terme grec klhronomi,a employé ici et que l’on traduit habituellement par « héritage » servait dans la Septante à rendre le mot hébreu năhlāh, souvent utilisé en référence au pays de Canaan. Ce mot hébreu a pour sens « héritage », ou « possession », « patrimoine ». En Nombres 34.2 par exemple, on lit : « Quand vous serez entrés dans le pays de Canaan, voici quel territoire vous reviendra comme possession » (hébreu : năhlāh ; LXX : klhronomi,a). Or ici, la pre- mière génération possédant le pays est concernée. Celle-ci n’hérite donc pas le pays. Le terme hébreu năhlāh que la LXX a rendu par klhronomi,a a simplement le sens de possession ou de patrimoine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les traducteurs de la Bible du Semeur ont souvent évité de rendre le mot hébreu par « héritage » et lui ont plutôt préféré « patrimoine ». De même, outre le sens d’héritage, le mot grec klhro- nomi,a peut lui aussi prendre le simple sens de « possession » et c’est le cas par exemple en Actes 7.5 et Hébreux 11.8. Dans le verset 15 uploads/Litterature/ thev-2015-14-2-srp1-12.pdf
Documents similaires










-
23
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1159MB