Torquato Tasso De toutes les œuvres inspirées du Tasse, plus importante est ass

Torquato Tasso De toutes les œuvres inspirées du Tasse, plus importante est assurément le Torquato Tasso en cinq actes de l'écrivain allemand Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), repré-senté en 1807 à Weimar, et en 1816 à Berlin. Cette pièce, où la psychologie l'emporte sur l’action, n'est pas un grand succès. Dans une première rédaction en prose (1780-1781) qu'il devait détruire plus tard, Goethe, influencé par sa passion pour Charlotte von Stein, voyait surtout dans les malheurs du Tasse le drame de l'amour contrarié et du poète aux prises avec la société (l'écrivain allemand faisait alors ses débuts à la cour de Weimar). Ce sentiment d’une affinité spirituelle avec le poète italien lui était venu en lisant la biographie du Tasse par Manso. Mais en 1785, lors de son voyage en Italie, Goethe découvrit la Vie de Torquato Tasso [Vita di Torquato Tassa] de l'abbé Pierantonio Serassi, puis, mûri par des expériences nouvelles, composa en 1789 un nouveau drame, en pentapodes iambiques, plus profondément pensé, et conforme à sa nouvelle conception de la vie et de l'art. L'idée dominante n'était plus, dans cette seconde pièce, le conflit qui oppose l'artiste à son milieu, mais le contraste entre les exigences de l'idéal et la dure réalité. Et Goethe de préconiser un sage accommodement de ces deux tendances, personnifiées l'une par le Tasse et l'autre par Antonio Montecatino. Car, si elles sont opposées, écrit-il, c'est seulement parce que la nature ne les a pas mises en un seul homme. L'action se développe à la cour d'Alphonse Il, duc de Ferrare, dans son château de Belriguardo. La charmante soeur du duc, Léonore, et son amie et dame d'honneur, la comtesse Léonore Sanvitale, déguisées en bergères, fleurissent les bustes de Virgile et de l'Arioste tout en échangeant leurs impressions au sujet d'un poète nouvellement reçu à la Cour, Torquato Tasso, dont la misanthropie intrigue tout le monde. Ensuite parait le Tasse. Il dépose aux pieds de son maître, le duc d'Este (aimable idéalisation du duc Charles-Auguste de Weimar), sa célèbre épopée de La Jérusalem délivrée, et le prince le fait couronner de laurier par sa sœur Léonore. Arrive alors Antonio Montecatino. Venant de Rome, où il a mené d'heureuses négociations, le secrétaire d'État traite le Tasse avec hauteur, affectant de ne compter pour rien les belles-lettres en regard de la politique. Le poète mortifié se plaint à Léonore qui le réconforte, et sa bienveillance allume en lui le désir. C'est ensuite un dialogue entre le Tasse et Antonio, au cours duquel l'homme d'État se complait à rabattre cruellement l'enthousiasme du poète, si bien que ce dernier, fou le rage, dégaine son épée. Le duc sépare les deux hommes, condamne le Tasse à rester aux arréts dans sa chambre, mais enjoint à Antonio, comme étant le plus raisonnable des deux, de se réconcilier avec le poète. Cependant, Léonore Sanvitale, devinant la jalousie qui sépare les deux hommes, conseille à la princesse d'éloigner provisoirement le Tasse en l'envoyant à Florence où elle prendra soin de lui. Ce disant, elle nourrit l'espoir de faire dériver la passion du poète en sa faveur. Elle fait au Tasse la proposition convenue. Quant à lui, se jugeant abandonné de sa protectrice, il décide de ne plus compter désormais que sur lui-même et de se méfier de tous. Puis, affectant le plus grand calme, il demande à partir, non pas pour Florence, mais pour Rome, afin d'y soumettre son œuvre au jugement des poètes ses pairs. Au moment du départ, il demande vainement au duc de lui rendre le manuscrit de son grand poème qu'il voudrait corriger. Plus que jamais, le Tasse aveuglé par sa manie de la persécution, se croit victime d'un complot. Dans la scène suivante, se méprenant sur la pitié que la princesse a pour lui, il perd tout contrôle de lui-même et la serre follement sur son coeur. Le poète, confié à la garde d'Antonio qui, pour le réconforter, lui offre son amitié, reprend bientôt conscience... de sa dignité, et dit « Quand l'homme du commun reste sans paroles au milieu des tourments, un Dieu m'a accordé le don de chanter ma souffrance. » Puis, reconnaissant que son fol idéalisme ne saurait prévaloir contre l'ordre établi, humblement il se jette dans les bras d'Antonio. Tel est le pathétique épilogue d'un drame dans lequel Goethe, sacrifiant ses ardeurs juvéniles les plus chères, concilie en lui-même les deux caractères opposés du Tasse et d'Antonio (poésie et réalité) et fait bon accueil à tous les aspects de la vie. — Trad. Aubier-Montaigne, 1931 ; Gallimard, 1931. uploads/Litterature/ torquato-tasso.pdf

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