www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Léopold Sédar SENGHOR (Sénégal
www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Léopold Sédar SENGHOR (Sénégal) (1906-2001) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées (ses poèmes, dont ‘’Le Kaya-Magan’’, et ses essais). À la fin est tentée une synthèse. Bonne lecture ! 1 La naissance de Léopold Sédar Senghor, à Djilor, au sud de Dakar, fut déclarée le 9 octobre 1906 par son père, Basile Diogoye Senghor, lors d’un de ses rares voyages à Gorée. Mais son acte de baptême est daté du 15 août précédent, et il pourrait être né une ou deux années auparavant. On raconte qu’à l’heure de sa naissance un grand baobab, situé à la sortie de la ville, s’écroula dans un terrible craquement : selon la tradition familiale, l’esprit qui l’habitait l’avait quitté pour se glisser dans une autre enveloppe ! Il appartenait à l’ethnie des Sérères qui seraient les premiers habitants du pays. Ils avaient été animistes, attribuant aux choses une âme analogue à l'âme humaine, puis avaient été christianisés. Ses ancêtres étaient des nobles guerriers. Son père était à la fois un «maître de terre» (c’est-à-dire un féodal) et un négociant prospère traitant avec des commerçants bordelais. Son surnom, Diogoye, signifie «le roi lion», et Senghor allait écrire : «Ne suis-je pas fils de Diogoye? Je dis bien le Lion affamé.» (‘’Chant de l’initié’’ dans ‘’Nocturnes’’). Le patronyme Senghor, qui sonne très fort, participe à la fois de la culture africaine et de la culture européenne. En effet, d'une part, «ngor», en ouolof (langue majoritaire au Sénégal), signifie «honneur» et s'emploie comme titre honorifique (à la façon de «Votre Honneur» en français ; d'autre part, Senghor pourrait être d'origine portugaise : «J’écoute au fond de moi le chant à voix d’ombre des saudades. Est-ce la voix ancienne, la goutte de sang portugais qui remonte du fond des âges? Mon nom qui remonte à sa source? Goutte de sang ou bien senhor, le sobriquet qu’un capitaine donna autrefois à un brave laptot?» (‘’Élégie des saudades’’, dans ‘’Nocturnes’’) Ce père, notable fortuné, puissant et respecté, mais résidant en dehors des quatre communes de plein exercice (Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis) dont les habitants avaient reçu la nationalité française, était chrétien, mais eut cependant cinq épouses qui lui donnèrent au moins vingt-cinq enfants. Le poète l’évoqua ainsi : «Je me rappelle les jours de mes pères, les soirs de Djilor Cette lumière d'outre-cieI des nuits sur la terre douce du soir. Je suis sur les marches de la demeure profonde obscurément. Mes frères et mes soeurs serrent contre mon coeur leur chaleur nombreuse de poussins.[…] Et mon père étendu sur des nattes paisibles mais grand mais fort mais beau» (‘’À l’appel de la race de Saba’’, dans ‘’Hosties noires’’). Sa mère, Guilane Bakhoum, était la fille du chef du village de Djilor où elle continua d’habiter avec ses six enfants après son mariage. Il l’évoqua ainsi : «Mère, sois bénie ! Reconnais ton fils à l’authenticité de son regard Qui est celle de son coeur et de son lignage.» (‘’À l’appel de la race de Saba’’ dans ‘’Hosties noires’’). Il regretta aussi de ne pouvoir communiquer avec elle en français car elle était une paysanne sans instruction : «Voici que je suis devant toi Mère, soldat aux manches nues Et je suis vêtu de mots étrangers, où tes yeux ne voient qu’un assemblage de bâtons et de haillons. Si je te pouvais parler Mère ! Mais tu n’entendrais qu’un gazouillis précieux et tu n’entendrais pas.» (‘’Ndessé’’, dans ‘’Hosties noires’’). Il fut, selon la tradition, pris en charge par son oncle maternel, Tokô’ Waly, qui lui donna une éducation marquée par une profonde religiosité animiste : «Tokô’ Waly, mon oncle, te souviens-tu des nuits de jadis quand s’appesantissait ma tête sur ton dos de patience? Ou que me tenant par la main, ta main me guidait par ténèbres et signes?» (‘’Que m’accompagnent kôras et balafong’’ dans‘’Chants d’ombre’’). «Je suis le bourricot de Tokô’ Waly qui ruait sous le bâton, le petit Sérère tout noir et têtu.» (‘’Élégie pour Jean-Marie’’, dans ‘’Élégies majeures’’). Aîné des garçons, il reçut le surnom de Sédar qui signifie «fier», «celui qu'on ne peut humilier», et le prénom européen de Léopold. Ainsi le thème du métissage, qu’il allait défendre à la fin de sa vie, apparaissait déjà dans ses nom, surnom et prénom. 2 Il passa son enfance à Joal, une ville au sud de Dakar, sur les bords de l'Atlantique, qui, dès le milieu du XVe siècle, avait été en contact avec les Portugais, et avait été tôt christianisée. Cette enfance fut heureuse, il en garda toujours la nostalgie, et elle lui inspira quelques-uns de ses plus beaux poèmes : «Nuit Azilés du Royaume d’Enfance qui chantez à Joal Jusqu’au milieu de l’Hivernage mouraient moustiques et moutous-moutous.» [petites mouches piquantes] (‘’Élégie des Alizés’’ dans ‘’Élégies majeures’’). Vers l’âge de sept ans, il commença à être scolarisé à la mission catholique de Joal. Il y apprit le français, le ouolof, et une Histoire qui commençait par : «Nos ancêtres, les Gaulois…». Puis, de 1914 à 1923, à N’Gasobil, à six kilomètres au nord de Joal, il fut élève à l’école secondaire des pères du Saint-Esprit : «J'étais interne à l'École des Pères, à Saint-Joseph de Ngasobil, petit village sénégalais perché sur les falaises, où soufflait l'esprit des Alizés.» (‘’Liberté 1’’). Il s’y attacha au père Fulgence qui l’emmenait avec lui à la chasse. Son frère aîné, René, était son tuteur et son correspondant ; c’était un commerçant «évolué», qui conduisait une voiture, qui parlait français avec sa femme, Hélène, une brillante élève des sœurs de Saint-Joseph de Cluny à Saint-Louis. Comme ils n’avaient pas d’enfant, Léopold devint une sorte de fils adoptif. Pensant devenir prêtre et enseignant, il fut, de 1923 à 1925, élève au petit séminaire Libermann à Dakar, internat des Pères du Saint-Esprit où il découvrit le latin. Mais ses relations difficiles avec le supérieur, le père Lalouse, qui niait toute valeur à la culture négro-africaine, l’empêchèrent de poursuivre dans cette voie. Il en fut très affecté. Il s’inscrivit alors au cours secondaire public et laïque de la rue Vincens, qui avait été fondé par des Européens pour assurer l’éducation de leurs enfants, ne comptait qu’une quinzaine d’Africains sur plus de cent élèves, et allait devenir le lycée Van Vollenhoven. Élève brillant, il y obtint le prix d’excellence, fut reçu aux deux parties de son baccalauréat avec mention, et obtint une demi-bourse d’études littéraires pour aller en France. En septembre 1928, il arriva à Paris. Calme, réservé et pieux comme il l’était, il fut très dépaysé. Un jour, se promenant dans la ville, il tomba sur l’affiche publicitaire de la marque de cacao ‘’Banania’’ qui montrait un tirailleur sénégalais lippu, hilare, coiffé d’une chéchia, déclarant : «Y a bon Banania !». Rentré chez lui, il écrivit un texte rageur : «Je déchirerai tous les rires Banania sur tous les murs de France.» Cette publicité n’a été abandonnée par la société Nitrimaine qu’en 2006. Il s’inscrivit aux cours du lycée Louis-le-Grand, en «hypokhâgne», classe de préparation à l’École Normale supérieure. Il y rencontra les futurs écrivains Paul Guth, Robert Merle, Henri Queffelec et Thierry Maulnier, et le brillant et chaleureux Georges Pompidou avec lequel il se lia intimement, qui le guida dans le Paris culturel et lui fit découvrir la poésie française, lui faisant aimer Baudelaire et Rimbaud, mais aussi Barrès, Proust, Gide, lui donna le goût du théâtre et des musées : «Je me rappelle nos longues promenades sous la pluie tiède ou dans le brouillard gris bleu. Je me rappelle le soleil dans les rues, au printemps ; en automne, la douce lumière d'or sur la patine des pierres et des visages.» (‘’Liberté 1’’). Il se lia surtout avec le Martiniquais Aimé Césaire, de quelques années son cadet, qui suivait le même cycle d'études, qui venait de formuler le concept de «négritude» pour dénoncer le destin imposé par I'Occident aux Noirs, par la traite qui les a asservis et déportés, et par la colonisation qui les a définis malgré eux, leur faisant croire que leurs traditions ne sont que bêtises, que leur religion n’est qu’un paquet de superstitions, que leurs langues ne sont que des patois indéchiffrables, que leur Histoire n’existe pas, qu’ils sont des individus sans âme et sans repère dont la seule chance de survie est de s’insérer dans une grande nation. Pour combattre cette constante humiliation, cette véritable déshumanisation, il entendait affirmer les valeurs de la civilisation noire. Il rallia Senghor à cette cause. Les deux jeunes gens découvrirent ensemble les écrivains nord-américains de la ‘’Negro renaissance’’ de Harlem (en particulier Langston Hughes), les maîtres à penser noirs américains (comme William E. B. Du Bois) et surtout les ethnologues Frobenius, Delafosse, Rivet, Hardi, Delavignette, Leiris, Griaule, Tempels, pour qui l'Afrique, loin d'être le continent vierge et sauvage décrit par les explorateurs européens, est riche de nombreuses civilisations originales et 3 prestigieuses. Ils fréquentèrent le salon des sœurs Nardal où brillait le Guyano-Martiniquais-Gabonais René Maran, qui avait obtenu le prix uploads/Litterature/ tout-sur-leopold-sedar-senghor 1 .pdf
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- Publié le Apv 14, 2022
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