Presses Universitaires de France Victor Hugo juge de Jean-Jacques Rousseau Auth
Presses Universitaires de France Victor Hugo juge de Jean-Jacques Rousseau Author(s): Raymond Trousson Source: Revue d'Histoire littéraire de la France, 86e Année, No. 6, Victor Hugo (Nov. - Dec., 1986) , pp. 979-987 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40528689 Accessed: 30-10-2015 11:56 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue d'Histoire littéraire de la France. http://www.jstor.org This content downloaded from 128.210.126.199 on Fri, 30 Oct 2015 11:56:08 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions This content downloaded from 128.210.126.199 on Fri, 30 Oct 2015 11:56:08 UTC All use subject to VICTOR HUGO JUGE DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU Si Victor Hugo a grandi, comme on sait, au cceur d'une véritable constellation voltairienne, et s'il a tout au long de sa vie pris parti contre et pour le patriarche de Ferney, il s'en faut de beaucoup que la personne de Rousseau ait exercé sur tui la meme séduction. A cet égard, Hugo constitue une exception parmi les hommes de sa génération. De son enfance, peu d'éléments a retenir. Sophie Trébuchet si friande, parait-il, de Voltaire, lisait-elle Jean-Jacques ? Peut-etre Léopold Hugo est-il, par tempérament, plus sensible a certains aspects du rousseauisme. En tout cas, il croit aux préceptes d'Émile sur l'allaitement maternel et ne dédaigne pas, daos ses lettres a Sophie, une certaine emphase sentimentale, un pathos rappelant les transes de Saint-Preux 1• Quant a l'enfant qui grandit dans la retraite des Feuillantines, avec « Dieu pour livre et les champs pour l. Voir lettres du 16 novembre 1798 et du 3 juin 1800 (t. I, p. 1026, 1028-1030). Nous citons d'apres les CEuvres completes (Éd. chronologique publiée sous la direction de J. Massin. Paris, Club Franc¡ais du Livre, 1967-1970, 18 vol.). R.H.L.F., 1986, n° 6, p. 979-987 A l'initiative de la Société d' Histoire littéraire de la France et de la Société des Études romantiq international « Víctor Rugo et le dix-neuvieme siecle » s'est tenu a Paris pour le centenaire de la mo célébrations nationales et la Vil/e de Paris, dont les aides ont rendu possible cette manifestation journées. Le présent fascicule rassemble, sous forme d'articles, quelques-unes des communications du co This content downloaded from 128.210.126.199 on Fri, 30 Oct 2015 11:56:08 UTC All use subject to 980 REVUE D'HISTOIRE LITT'ÉRAIRE DE LA FRANCE grammaire », il gardera de ce temps d'innocence et d'authenticité un souvenir tout comparable a celui que conservait Jean-Jacques de son séjour a Bossey. Meme leur découverte de la lecture les rapproche : Rousseau, livré a lui-meme, se gavait des ouvrages empruntés a la Tribu, loueuse qui lui en foumissait « de toute espece » ; Hugo trouve tres tót sa pature dans l'entresol du libraire Royol. C'est la, d'apres le Victor Hugo raconté, qu'il découvre les « philosophes », en particulier Rousseau (I, 928), mais sans préciser par quelles reuvres il a abordé le Genevois. Un peu plus tard, interne chez Edmond Cordier, voltairien, mais aussi « passionné de Jean-Jacques Rousseau, dont il avait adopté jusqu'au costume arménien » (I, 952), le jeune homme aborde les Confessions et, grace a son maitre d'étude, Félix Biscarrat, La Nouvelle Héloise, qui lui parait distiller « l'ennui sous toutes ses formes » 2• Son gout pour Rousseau, déja modéré, n'est pas encouragé par son maitre de philosophie : Jean-Baptiste Maugras, dont il suit les cours a Louis-le-Grand, fait du Genevois le responsable de toutes les utopies prónées par la Révolution et dénonce ses paradoxes, ses chimeres politiques, ses « sophismes démagogiques » et sa philosophie déclamatoire. Les premiers contacts ne sont done guere fructueux. Le milieu ou évolue Hugo est hostile a Rousseau, desservi par le républicanisme du Contrat social comme par le culte fanatique que lui avaient voué les ·fractions extrémistes de la Révolution, et dont la Profession de foi du vicaire savoyard concordait mal avec le déisme voltairien de Sophie Trébuchet. Peu favorable a l'homme des Confessions, spontanément réfractaire aux enchantements de La Nouvelle Héloise, mis en garde par Maugras contre une éloquence captieuse, le jeune Hugo a d'emblée peu de sympathie pour celui qu'il nommera un jour un« faux misanthrope rococo » (IV, 936). Aussi les rencontres, au cours des premieres années d'activité littéraire, ne sont-elles pas nombreuses, meme si l'on peut, daos Le Bonheur que procure l' étude dans toutes les situations de la vie, réponse au concours organisé par l'Académie en 1817, déceler quelques réminiscences du Verger de Madame de Warens, médiocre épitre en vers de Rousseau, dont Hugo avait pu prendre connaissance dans la boutique du bonhomme Royol 4. En 1821, 2. Cité par G. Venzac, Les Origines religieuses de Victor Hugo. París, 1955, p. 174, note 2. 3. G. Vcnzac, Les Premiers maitres de Victor Hugo. París, 1955, p.310-311. 4. Voir Trousson, Le Tison et le Flambeau. Victor Hugo devant Voltaire et Rousseau. Bruxelles, 1985, p. 59-61. This content downloaded from 128.210.126.199 on Fri, 30 Oct 2015 11:56:08 UTC All use subject to HUGO JUGE DE ROUSSEAU 981 faisant a pied la route de Dreux pour rejoindre Adele Foucher, il se voit pourtant comparé a Rousseau par Alfred de Vigny : « Vous étiez done comme Jean-Jacques, heureux sur les grands chemins avec de belles pensées, ce ne sera pas la votre seul rapport, vous serez illustre aussi, mais plus tót, et votre gloire sera plus pure » (8 aout 1821, 11, 1296). Avec Han d'Islande en tout cas, il songe a « [se] créer une existence idéale, peuplée de ceux qui [lui] sont chers » (11, 1291) comme Rousseau avait songé, avec La Nouvelle Hélofse, a s'entourer « d'etres selon [son] creur ». Cela demeure peu de chose, et il est significatif que Hugo, a la différence de ses contemporains, n'affectionne pas les pelerinages rousseauistes : pas de trace de visites a Montmorency ou a Ermenonville, rien sur Annecy, Chambéry ou les Échelles lors de son voyage aux Alpes, en 1825, en compagnie de Nodier (11, 1552-1560) ; en 1839, il passera1 par Vevey, Bourg-Saint-Andéol, Thun, Bienne sans rien dire de ces localités rendues fameuses par les Confessions ; dans Le Rhin, enfin, meme silence sur Vevey et Meillerie (VI, 484), lieux saints du rousseauisme. De meme, les allusions a l'reuvre sont rares - d'ailleurs presque toujours négatives - et l'on ne soup onnerait pas, a lire Hugo, que Jean-Jacques, sous la Restauration, n'excite pas moins les polémiques que Voltaire, toujours présent, lui, a la pensée du poete. Dans Le Conservateur littéraire, en janvier 1820, il raille Émile, irréaliste, et son éducation en vase dos produisant un individu incomplet (I, 517) ; il se moque, a la suite de Maugras, de !'origine des sociétés selon le Discours sur l'inégalité ; « Jean Jacques les fait commencer par un planteur de pieux » (I, 522) ; a propos de ses opinions sur le duel dans la Julie, il traite Rousseau de «Don Quichotte du paradoxe » (I, 525) ; il se gausse de son idée d'unir les jeunes gens, au nom de l'égalité, selon les caracteres plutót que selon les conditions sociales, la fiancée füt- elle la fille du bourreau (1, 563). Dans La Muse fran aise, il próne le roman dramatique a la maniere de Walter Scott contre les artifices du roman épistolaire, « genre de composition qui a pu refroidir parfois l'éloquence brulante de Rousseau » (II, 434). Au cours de cette premiere période, rien ne signale un intéret de Hugo, ni pour le pédagogue, ni pour le romancier, ni pour le penseur politique : en toute circonstance, il adopte pour parler de Rousseau le ton persifleur et sarcastique de Maugras. En face de Voltaire, alors le grand pervertisseur, Rousseau, pourtant plus compromis que lui dans la Révolution, n'existe pratiquement pas. Entre 1827 et 1851, les allusions se font plus nombreuses, comme aussi les réminiscences. Dans la préface de Cromwell, la description This content downloaded from 128.210.126.199 on Fri, 30 Oct 2015 11:56:08 UTC All use subject to 982 REVUE D'HISTOIRE LllTÉRAIRE DE LA FRANCE de l'époque primitive doit peut-etre quelque chose a la représentation de l'humanité au stade he reux antérieur a l'invention de l'agriculture et de la métallurgie, telle qu'elle est faite dans le Discours sur l'inégalité (III, 45). Sans doute Rousseau n'est-il pas étranger non plus a la réflexion de Hugo sur la responsabilité de l'ordre social dans l'existence du mal et de la criminalité. L'homme nait bon, disait Rousseau, et la société le déprave. Le theme apparait en 1829 dans Le Dernier !our d'un condamné - [ « Et pourtant, misérables lois et misérables hommes, je n'étais pas un méchant » (III, 698)] uploads/Litterature/ trousson-victor-hugo-juge-de-jean-jacques-rousseau.pdf
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- Publié le Jul 30, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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