Le Passé simple: une histoire simple? La traduction de l’aspect transculturel d

Le Passé simple: une histoire simple? La traduction de l’aspect transculturel dans Le Passé simple de Driss Chraïbi (1954) Robbin Besselink (4110536) Mémoire de fin d’études Master Vertalen Université d’Utrecht Sous la direction de Dr. Katell Lavéant Juin 2014 2 Table des matières Introduction 3 1. Partie historique 5 1.1 Histoire du Maroc 5 1.2 La littérature maghrébine d’expression française 5 2. L’écrivain Driss Chraïbi 7 2.1 Biographie 7 2.2 Écrivain marocain ou français ? 7 2.3 Choix de la langue d’expression 8 3. Le Passé simple 10 3.1 Parution 10 3.2 Résumé 10 3.3 Critique sur Le Passé simple 11 3.4 Aspect autobiographique 13 4. Problèmes de traduction 15 4.1 Problèmes généraux des romans maghrébins 15 4.2 Problèmes spécifiques dans Le Passé simple 16 4.3 Les realia dans Le Passé simple 18 Théorie 18 Noms de lieux et de personnages 20 Termes liés à la culture arabe 21 Aspects religieux 24 4.4 Locutions arabes transposées en français 26 Théorie 26 Application 28 5. Traduction des premières pages du Passé simple 31 5.1 Traduction annotée 31 5.2 Critique de la traduction 48 Conclusion 51 Bibliographie 53 Annexe : texte original 55 3 Introduction En 1954 parut Le Passé simple de Driss Chraïbi. Selon la quatrième de couverture, ce livre « fit l’effet d’une véritable bombe, tant en France qu’au Maroc qui luttait pour son indépendance. »1 À cette époque-là, le Maroc était encore un protectorat français, mais le pays était en train de regagner plus d’indépendance. Les Marocains se penchaient alors sur la question de savoir ce que leur pays devrait devenir après avoir regagné toute son indépendance : retourner aux anciennes traditions ou développer la modernité qu’avait apportée la France. Le Passé simple parut justement dans ce contexte. Les critiques se levèrent au Maroc et en France et tous se demandèrent si ce livre de Chraïbi était pour ou contre le protectorat et pour ou contre les traditions musulmanes du Maroc. Bien que Le Passé simple ait été interdit au Maroc pendant une certaine période, jusqu’en 1977, on le voit aujourd’hui comme le début de la littérature marocaine moderne et Chraïbi est considéré comme le père de la littérature marocaine moderne.2 Cette littérature fait partie de ce qu’on appelle la littérature maghrébine d’expression française, mais ce terme est un peu problématique, comme nous le verrons plus tard. En néerlandais, il existe beaucoup de traductions de romans maghrébins écrits en français, mais aucun roman de Driss Chraïbi n’a été traduit. Cela est remarquable, vu qu’il est considéré comme le père de la littérature marocaine moderne. Il est alors intéressant de regarder ce premier livre de Chraïbi de plus près et d’examiner quels types de problèmes de traduction apparaissent si un traducteur veut traduire ce livre en néerlandais. Dans ce mémoire nous commençons par regarder le contexte de la parution de ce livre, en passant par l’histoire du Maroc et la naissance de la littérature maghrébine d’expression française. Puis, nous nous concentrons sur Driss Chraïbi, son œuvre et Le Passé simple en particulier. Dans un troisième temps, nous parlerons des problèmes de traduction qu’un traducteur rencontre s’il va traduire Le Passé simple en néerlandais. D’abord, nous discutons les problèmes généraux dans la traduction des romans postcoloniaux ou maghrébins, puis les problèmes de traduction dans Le Passé simple en général. Dernièrement nous nous orientons vers les problèmes de traduction dans Le Passé simple qui ont à faire à la double identité et à la double culture de Driss Chraïbi et son personnage 1 Driss Chraïbi, Le Passé simple (Paris, Denoël, 1954), quatrième de couverture. 2 P.N. Parekh et S. F. Jagne ed., Postcolonial African Writers. A Bio-bibliographical Critical Sourcebook (London et New-York 1998), 96. 4 principal Driss Ferdi. La question de recherche sera de savoir comment l’identité transculturelle s’exprime dans le roman et comment il faut traduire cette double identité en tant que traducteur. 5 1. Partie historique 1.1 Histoire du Maroc Au moment où le royaume marocain s’affaiblit, l’Europe obtint petit à petit une influence grandissante sur le Maroc. Cette influence commença avec des contrats commerciaux, mais la présence occidentale devint bientôt si grande qu’en 1912 un protectorat français fut mis en place. Les Français prirent sur eux de gérer toute l’administration directe et l’économie du pays et commencèrent à installer des écoles et des lycées. Vers les années 1940-1945, les Marocains réalisèrent qu’il serait avantageux d’apprendre le français. Pour eux, c’était la langue de la modernité. Ainsi naquit une littérature marocaine en langue française. Pourtant, les Marocains réussirent à garder ses propre culture et personnalité qu’ils exprimaient également dans leur littérature en français. Ce protectorat dura jusqu’en 1956, l’année où le Maroc retrouva son indépendance.3 1.2 La littérature maghrébine d’expression française Nous appelons cette littérature, qui naquit aussi en Tunisie et en Algérie, le plus souvent la « littérature maghrébine d’expression française ». Comme souligne aussi Jean Déjeux, nous ne devons pas oublier que ces trois pays du Maghreb dont nous parlons sont très différents et qu’ils ont une histoire et une tradition littéraire très distincte. Les trois pays se ressemblent dans la tradition par l’influence du français sur leur pays d’origine arabe et berbère. Les origines arabes ou berbères sont souvent reflétées dans les romans de ces écrivains d’expression française. De plus, selon Déjeux, les écrivains écrivent en français mais ils restent écrivains algériens, marocains ou tunisiens (ou arabes, berbères). Il explique : « (…) francophone ne veut pas dire nécessairement francophile. »4.5 Au Maroc, les deux premiers romans en français furent publiés en 1932 et 1935. Ces deux romans n’étaient pas extraordinaires dans leur style ou sujet et le public ne les remarqua pas vraiment. Il fallut attendre les années 1950 et les publications d’Ahmed Sefrioui pour que le public aille s’intéresser à des écrits publiés en français. Dans son recueil 3 Jean Déjeux, La littérature maghrébine d’expression française (Paris 1992), 38-39 ; Anne-Marie Gans- Guinoune, De l’impuissance de l’enfance à la revanche par l’écriture. Le parcours de Driss Chraïbi et sa représentation du couple (Groningue 2003) 11. 4 Déjeux, La littérature maghrébine, 3. 5 Ibidem, 3-5. 6 de contes Le Chapelet d’ambre (1949), Sefrioui exprima le désir de montrer la vie intérieure de la société marocaine, tout comme dans son deuxième roman La boîte à merveilles (1954). Jusqu’à cette date, les Européens avaient l’idée du Maroc comme un pays enchanté et merveilleux. Il existait des jeunes Marocains qui voulaient changer cette image, car ils n’étaient pas contents de leur situation. Le premier écrivain qui allait parler de ce mécontentement fut Driss Chraïbi avec son roman Le Passé simple en 1954.6 6 Déjeux, La littérature maghrébine, 39-40 ; Gans-Guinoune, De l’impuissance de l’enfance, 15. 7 2. L’écrivain Driss Chraïbi 2.1 Biographie Driss Chraïbi naquit en 1926 à Mazagan, actuellement El Jadida. Comme l’état civil n’existait pas encore à cette époque-là, Chraïbi ne reçut pas de date de naissance exacte. Il fut enregistré par son père seulement juste avant la Seconde Guerre mondiale parce qu’il devait avoir une pièce d’identité pour pouvoir aller au lycée. À deux ans déjà, Chraïbi avait été envoyé dans l’école coranique et puis dans d’autres écoles où il apprit un peu d’arabe et de français. Son père éduqua ses enfants d’une manière classiquement islamique, tandis qu’il avait eu, lui-même, une éducation assez moderne. Quand le père Chraïbi emmena sa propre famille, avec Driss, pour aller vivre à Casablanca, il envoya tous ses fils au lycée français. Driss profita vraiment de cette éducation pour se développer et il s’intéressa aux études et notamment à la création littéraire. Il acquit également un esprit critique et commença à s’intéresser aux injustices sociales dans la société. En 1946, il termina ses études au lycée et il partit pour la France avec l’intention d’y étudier la chimie. Il devint ingénieur chimique, eut d’autres emplois différents et décida en 1952 de se mettre à l’écriture. Il publia son premier roman Le Passé simple en 1954.7 Quand il vivait au Maroc, il avait une image romantique de l’Occident, pour lui c’était le monde de la modernité. Une fois arrivé en France, il nuança l’image qu’il avait de ce pays : « J’ai appris beaucoup… Je ne veux pas chanter le panégyrique de l’Occident ; j’ai eu des mots très durs contre lui, surtout dans Succession ouverte. Je crois que l’évolution d’un être se fait à travers ses propres contradictions, ses erreurs, ses désillusions, ses angoisses. »8 Cette double attitude qu’avait Chraïbi vis-à-vis de l’Occident et de sa propre société marocaine est visible dans tout son œuvre et surtout dans Le Passé simple. 2.2 Écrivain marocain ou français ? Driss Chraïbi naquit au Maroc, apprit la culture marocaine et musulmane et, tout à coup, il fut envoyé dans une école française où il rencontra une tout autre culture. De plus, son pays était un protectorat français, donc la société arabe et musulmane était déjà très influencée 7 Houaria Kadra-Hadjadji, Contestation et révolte dans l’œuvre de Driss Chraïbi (Paris 1986), 9-30 ; Parekh et Jagne, Postcolonial African Writers, 96-97. 8 Citation de Driss uploads/Litterature/ tweede-versie-passe-simple.pdf

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