Mikhaïl Bakhtine De Bakhtine on connaissait jusqu'à présent une le principe int
Mikhaïl Bakhtine De Bakhtine on connaissait jusqu'à présent une le principe interprétation de Dostoïevski comme créateur du dialoeiaue roman polyphonique, et de Rabelais, comme aboutis- ® ^ sèment de la culture populaire et carnavalesque. On découvre maintenant que ces deux études étaient issues d'un vaste projet qui renouvelle autant l'épis- témologie que la linguistique, l'histoire littéraire que l'anthropologie : la mise en œuvre généralisée du principe dialogique. On pourrait accorder sans trop d'hésitations deux superlatifs à Mikhail Bakhtine, en affirmant qu'il est le plus important penseur soviétique dans le domaine des sciences humaines, ainsi que le plus grand théori- cien de la littérature au vingtième siècle. A une époque de surpublication fiévreuse, on peut admirer la détermination de Bakhtine, qui développe pendant cinquante ans les mêmes pensées, tout en les enfermant dans ses dossiers. Mais on peut se demander aussi dans quelle mesure toute la théorie du dialogue n'est pas née du désir de comprendre cet état insupportable — l'absence de réponse... C'est pour remédier à cette carence que j'ai essayé, dans ces pages, de faire entendre à nouveau la voix de Bakhtine : pour que le dialogue puisse enfin com- mencer. T.T. Quatre textes des années vingt, issus du cercle de Bakhtine et jamais auparavant publiés en français, accompagnent cette première introduction à la pensée d'ensemble de Mikhaïl Bakhtine ; ils sont traduits du russe par Georges Philippenko, avec la collaboration de Monique Canto. Tzvetan Todorov *' Directeur de recherches au CNRS, né en Bulgarie en 1939, est l'auteur de nombreux ouvrages traitant de rature, d'histoire, de politique et de morale. Poétique 9 "78202Ô"058308" ISBN 2-02-005830-8 / Impriné en France 4-81-4 1 t Seuilf 30 € i Tzvetan Todorov Mikhaïl Bakhtine le principe dialogique f suivi de Ecrits du Cercle de Bakhtine CCF DE TLEMCEN collection Poétique 10004209 TZVETAN TODOROV MIKHAÏL BAKHTINE LE PRINCIPE DIALOGIQUE suivi de ÉCRITS DU CERCLE DE BAKHTINE EDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris W CE LIVRE EST PUBLIÉ DANS LA COLLECTION POÉTIQUE DIRIGÉE PAR GERARD OENETTE ET TZVETAN TODOROV ISBN 2-02-005830-8 © Éditions du Seuil, 1981 Marxisme et philosophie du langage, © Éditions de Minuit Esthétique et Théorie du roman © Éditions Khoudojestvennaïa Literatura, Moscou, 1975. © Éditions Gallimard, 1978, pour la traduction française de Daria Olivier, coll. « Bibl. des Idées ». Esthétique de la création verbale © Éditions Iskoustvo, Moscou, 1979. © Éditions Gallimard pour la trduction française (à paraître). Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.seuil.com On pourrait accorder sans trop d'hésitations deux superlatifs à Mikhaïl Bakhtine, en affirmant qu'il est le plus important penseur soviétique dans le domaine des sciences humaines, et le plus grand théoricien de la littérature au XXe siècle. Il y a en fait, entre ces deux superlatifs, une certaine solidarité: non qu'on doive être soviétique pour exceller dans lé domaine de la théorie littéraire (quoique la tradition russe soit probablement plus riche que celle de n'importe quel autre pays); mais parce qu'un véritable théori- cien de la littérature doit nécessairement réfléchir à autre chose encore que la littérature : sa spécialité, si l'on peut dire, est de ne pas en avoir. Réciproquement (qui sait?), l'intérêt pour la littéra- ture est peut-être indispensable au spécialiste des sciences hu- maines. Or tel est bien le cas de Bakhtine. Théoricien du texte avant tout (dans un sens non restrictif, c'est-à-dire bien plus large que celui de «littérature»), il s'est vu obligé, pour mieux étayer sa recher- che, à de longues incursions dans les domaines psychologique et sociologique ; il en est revenu avec une vision unitaire du champ entier des sciences humaines, fondée sur l'identité de leur matière : les textes, et de leur méthode : l'interprétation, ou, dirait-il plutôt, la compréhension répondante. C'est aux sciences du langage que Bakhtine apporte une atten- tion toute particulière. Il trouve dans ce domaine, au début des années vingt, deux positions extrêmes. Il s'agit, d'une part, delà critique stylistique, qui ne se soucie que de l'expression de l'indi- vidu; d'autre part, de la linguistique structurale naissante (Sais- LE PRINCIPE DIALOGIQUE sure), qui ne retient, dans le langage, que la langue, la forme grammaticale abstraite. C'est pourtant entre les deux que se situe l'objet privilégié de Bakhtine : à savoir, l'énoncé humain, comme produit de l'interaction entre la langue et le contexte d'énoncia- tion — contexte qui appartient à l'histoire. Contrairement à ce que pensent les linguistes et les stylisticiens, l'énoncé n'est pas indivi- duel, infiniment variable et donc impropre à la connaissance; il peut et doit devenir l'objet d'une nouvelle science du langage, à laquelle Bakhtine donnera le nom de translinguistique. Ainsi par- viendra-t-il à dépasser la dichotomie stérilisante de la forme et du contenu, pour inaugurer l'analyse formelle des idéologies. Le caractère le plus important de l'énoncé, ou en tous les cas le plus ignoré, est son dialogisme, c'est-à-dire sa dimension inter- textuelle. Il n'existe plus, depuis Adam, d'objets innommés, ni de mots qui n'auraient pas déjà servi. Intentionnellement ou non, chaque discours entre en dialogue avec les discours antérieurs tenus sur le même objet, ainsi qu'avec les discours à venir, dont il pressent et prévient les réactions. La voix individuelle ne peut se faire entendre qu'en s'intégrant au chœur complexe des autres voix déjà présentes. Cela est vrai non seulement de la littérature, mais aussi bien de tout discours, et Bakhtine se trouve ainsi amené à esquisser une nouvelle interprétation de la culture : la culture est composée des discours que retient la mémoire collective (les lieux communs et les stéréotypes comme les paroles exception- nelles), discours par rapport auxquels chaque sujet est obligé de se situer. Le roman est par excellence le genre qui favorise cette polypho- nie, et c'est pour cette raison que Bakhtine lui consacre une grande partie de ses travaux. En s'attachant à une stylistique du genre, qui est en même temps une mise en évidence de ses structures idéolo- giques, il parvient à brosser un tableau saisissant de toute l'évolu- tion de la prose narrative en Europe. Cette évolution est dominée par le conflit perpétuel, et infiniment changeant, d'une tendance à l'unité et d'une autre tendance, qui maintient la diversité. Plus tard, cette analyse s'étendra aux modèles spatio-temporels («chro- notopes») qu'apportent les différents sous-genres narratifs, et à la stylistique viendra s'articuler une thématique structurale. Bakhtine 8 INTRODUCTION élabore ainsi ce qu'on pourrait appeler une «poétique de renon- ciation ». La solution du conflit sera une victoire de la tendance à la diversité, incarnée à son sommet par les romans de Dostoïevski, lequel n'est pas simplement l'objet du premier livre publié par Bakhtine, mais aussi son maître à penser. C'est pourquoi la ré- flexion bakhtinienne sur le roman culmine dans une anthropologie, et la théorie de la littérature se trouve à nouveau débordée grâce à ses propres résultats : c'est l'être humain même qui est irréducti- blement hétérogène, c'est lui qui n'existe qu'en dialogue: au sein de l'être on trouve l'autre. Cette anthropologie est articulée autour des mêmes valeurs qui dominaient déjà chez lui l'histoire de la littérature, la translinguistique ou la réflexion sur la méthodologie des sciences humaines : en position dominante se trouvent toujours le devenir, l'inachèvement, le dialogue. Souvenons-nous que le mot «problèmes», ou l'un de ses synonymes, figure dans le titre de ses textes les plus importants (alors qu'il a malencontreusement disparu dans plusieurs traductions françaises) : Problèmes de la poétique de Dostoïevski, Questions de littérature et d'esthétique, le Problème du texte... La pensée de Bakhtine est riche, complexe, fascinante. Mais l'accès à cette pensée est singulièrement difficile (bien qu'elle ne soit pas, en elle-même, obscure). Les raisons de cette difficulté sont multiples. La première est liée à l'histoire — non pas tant l'histoire de la rédaction de ces écrits, que celle de leur publication. Deux cir- constances particulières marquent cette histoire. L'une est que, pendant les cinq années précédant la publication de son premier livre, Bakhtine ne publie rien sous son nom, alors que paraissent en ce même temps plusieurs ouvrages, inspirés ou même écrits par lui, mais signés par ses amis V. Volochinov et P. Medvedev. Ce fait était encore ignoré il y a quelques années seulement (jusqu'en 1973), et le débat sur l'identité véritable de l'auteur de ces livres n'est pas prêt de s'éteindre. D'autre part, tout au long de sa carrière ultérieure, Bakhtine écrit sans viser à la publication (exception faite de son ouvrage sur Dostoïevski). Le Rabelais voit le jour vingt-cinq ans après avoir LE PRINCIPE DIALOGIQUE été écrit. Ce n'est qu'après la mort de Bakhtine (en 1975) que seront publiés d'importants textes datant de différentes périodes de sa vie: un premier recueil avait été supervisé par l'auteur; un second fut édité par ceux qui détiennent ses manuscrits. Cette situation crée des uploads/Litterature/ tzvetan-todorov-mikhail-bakhtine-le-principe-dialogique-ecrits-du-cercle-de-bakhtine-jericho.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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