14 Avril 2020 SOCIÉTÉ UN AN APRÈS L'INCENDIE DE NOTRE-DAME, QUE PENSENT LES FRA
14 Avril 2020 SOCIÉTÉ UN AN APRÈS L'INCENDIE DE NOTRE-DAME, QUE PENSENT LES FRANÇAIS ? Jérôme Fourquet, Rudy Reichstadt L’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019 a suscité d’innombrables commentaires à caractère conspirationniste. Un an après, Jérôme Fourquet et Rudy Reichstadt dressent un état des lieux de l'opinion publique sur le sujet et des thèses qui circulent à propos de ce drame national, s'appuyant sur une enquête de la Fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch réalisée avec l’Ifop. PLUS D’UN FRANÇAIS SUR TROIS DOUTE DE LA THÈSE DE L’ACCIDENT Un an après l'incendie, une enquête de la Fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch réalisée avec l’Ifop[1] permet de mesurer ce que représentait, dans l’opinion publique française, la thèse conspirationniste selon laquelle ce drame, loin d’être d’origine accidentelle, serait en réalité intentionnel. Il en ressort que 7% des Français considèrent qu’« il s’agit d’un incendie criminel à propos duquel le gouvernement cherche à dissimuler la vérité » tandis que 29% estiment que « des zones d’ombre subsistent dans cette affaire et qu’il n’est pas vraiment certain que cet incendie soit accidentel ». Ce sont ainsi plus d’un Français sur trois (36%) qui affirment leurs doutes quant à la piste accidentelle de l’incendie, pourtant privilégiée par les enquêteurs. La part des Français qui souscrivent à la thèse selon laquelle l’incendie de la cathédrale est « probablement » d’origine accidentelle est certes majoritaire mais ne s’élève qu’à 54%, 10% des sondés choisissant, quant à eux, de ne pas se prononcer. Infographie : Frédérique Schneider, La Croix. Parmi ceux qui souscrivent le plus à cette « version officielle », on retrouve les seniors. Les plus de soixante-cinq ans sont ainsi 61% à souscrire à la version officielle contre 45% seulement chez les moins de trente-cinq ans. Infographie : Frédérique Schneider, La Croix. Les diplômés de l’enseignement supérieur et les CSP+ sont, de la même manière, surreprésentés chez ceux qui adhèrent à la piste accidentelle. Infographie : Frédérique Schneider, La Croix. Chiffre notable : les catholiques, qu’ils soient ou non pratiquants, ne se distinguent nullement du reste de la moyenne nationale : ils souscrivent majoritairement à la thèse de l’accident avec respectivement 52% et 53% d’adhésion à cette thèse, contre 54% en moyenne, soit des écarts trop faibles pour être significatifs, la marge d’erreur étant ici de trois points. Alors qu’ils ont constitué le groupe le plus affecté par ce drame, les catholiques pratiquants n’ont, pour autant, pas davantage adhéré que la moyenne de la population à une lecture de type complotiste ou intentionnel de l’incendie. La proximité partisane semble, en revanche, être une variable particulièrement prédictive. Ainsi, les sympathisants du Rassemblement national (RN) et les sondés ne se déclarant proches d’aucun parti politique en particulier sont ceux qui souscrivent le moins à la version accidentelle de l’incendie avec respectivement 30% et 38% d’adhésion à cet énoncé contre 54% en moyenne. Dans notre échelle de réponse, la proposition intermédiaire, qui n’est pas à proprement parler conspirationniste mais plutôt dubitationniste (elle n’affirme pas l’existence d’une manipulation ou de ce qui pourrait s’y apparenter mais fait valoir une incertitude, des doutes s’agissant de la piste privilégiée par les autorités) suscite l’adhésion de 35% des sympathisants des Républicains (LR) et de 44% des sympathisants du RN, contre 29% en moyenne. On voit à ces chiffres que l’électorat frontiste se défie toujours plus que la moyenne de la population des « thèses officielles ». Mais c’est surtout s’agissant de la thèse de la manipulation que les sympathisants du RN se distinguent de manière spectaculaire des autres électorats. Alors que cette thèse ne concerne que 7% des sondés en moyenne, et qu’elle ne recueille par exemple l’approbation que de 2% des sympathisants de la majorité présidentielle, cette théorie du complot est trois fois plus prégnante parmi les sympathisants du RN (21%), ce qui corrobore le constat, déjà formulé dans nos travaux antérieurs, d’une porosité très forte de l’électorat frontiste à l’imaginaire conspirationniste[2]. Au demeurant, il convient de rappeler que deux semaines après les faits, lors de son traditionnel hommage du 1er mai à Jeanne d’Arc, l’ancien président du Front national, Jean-Marie Le Pen, laissa entendre que l’incendie selon lui « criminel » de la cathédrale serait l’œuvre d’un « service », a priori étranger[3]. Rappelons aussi que Claude Sinké, ex-candidat du Front national et auteur de l’attaque de la mosquée de Bayonne le 28 octobre 2019, assura lors de son audition par les enquêteurs qu’il avait voulu « venger la destruction » de Notre-Dame, qu’il attribuait aux « musulmans ». « Cette fois, le complotisme a failli tuer », commenta Laurent Joffrin dans son éditorial de Libération[4]. LE PARCOURS ET LES VISAGES DE LA THÉORIE DU COMPLOT L’incendie qui s’est déclenché à Notre-Dame le 15 avril 2019, aux alentours de 18h50, a détruit les deux tiers de la toiture de l’un des édifices les plus emblématiques de la capitale. La section antiterroriste du parquet de Paris n’a jamais été saisie, aucun élément n’allant, selon le procureur de la République en charge de l’enquête préliminaire, « dans le sens d’un acte volontaire ». Par un communiqué de presse du 26 juin 2019, le parquet du tribunal de grande instance de Paris indiquait qu’« en l’état, aucun élément ne permet[ait] d’accréditer l’hypothèse d’une origine criminelle ». Le feu, dont l’origine n’est, à ce jour, toujours pas clairement élucidée – le parquet évoque un « dysfonctionnement du système électrique » ou encore le résultat d’« une cigarette mal éteinte » –, serait parti de l’échafaudage qui était en cours d’installation pour restaurer la flèche. Il a, en outre, été conjecturé que la catastrophe aurait été rendue irréversible du fait d’une défaillance humaine – comme le note Le Parisien, « une mauvaise interprétation ou transmission du signal au moment du déclenchement de la première alarme semble avoir considérablement ralenti l'appel et donc, l'intervention des pompiers[5] ». L’événement a poussé le président de la République, Emmanuel Macron, à annuler son allocution télévisée prévue le soir même à 20 heures dans lequel il était censé revenir sur le grand débat organisé dans le sillage du mouvement des « gilets jaunes ». Beaucoup refusèrent de voir une coïncidence fortuite entre le déclenchement de l’incendie et le report des annonces présidentielles, spéculant rapidement sur un incendie tombant « à pic » pour le pouvoir. Ainsi, la youtubeuse complotiste australienne pro-Bachar el-Assad, Maram Susli, alias « @Partisangirl », a accusé Emmanuel Macron d’avoir « probablement mis le feu à Notre-Dame pour discréditer les gilets jaunes » (tweet supprimé par la suite). Certains de ses abonnés furent, quant à eux, prompts à y voir l’action des « Rothschild », tandis que, sur Facebook ou Twitter, d’autres accusèrent les « musulmans », les « juifs », les « sionistes » ou encore les « francs-maçons ». Sur le site d’extrême droite Riposte laïque, la fondatrice de Résistance républicaine, Christine Tasin, affirme quelques minutes seulement après l’annonce de l’effondrement de la flèche de la cathédrale qu’« un attentat musulman est très possible. […] Inévitablement, nous avons tous dans la tête que ce n’est peut-être pas un accident mais un attentat contre ce qui représente la France, ô combien ! Notre-Dame où Napoléon a été sacré empereur. Et si c’est un attentat, c’est forcément un attentat musulman ». Puis, de prévenir, menaçante : « Si 'ils' ont osé s’en prendre à Notre-Dame de Paris, cela pourrait bien être le début d’une guerre civile terrible. On ne peut pardonner un tel blasphème, une telle attaque au cœur. » Sur YouTube, dans une vidéo du 18 avril 2019 (« Incendie de Notre-Dame. Et si c’était Macron ? ») vue près de 70 000 fois, le vidéaste complotiste « Angelo Diano » affirme par exemple : « Il ne faut pas exclure l’implication de Macron dans l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, pour faire diversion, à un moment où il est en grande difficulté, où il perd pied, et où il semble lâché par ceux qui ont favorisé son accession au pouvoir. Pourquoi y aurait-il eu intérêt ? À qui profite le crime, si crime il y a eu ? Cependant, il convient de rester prudent, tant que des preuves, ou un faisceau d’indices, graves, précis et concordants, ne permet pas d’affirmer que Macron est bien à l’origine de la destruction de Notre-Dame. Macron porte en lui une forte énergie négative qui attire les périls, en plus de servir les sombres desseins du Nouvel Ordre Mondial, soumis aux sionistes. » L’insinuation selon laquelle le chef de l’État aurait lui-même intentionnellement décidé l’incendie afin d’avoir un prétexte pour reporter son allocution apparut dans plusieurs publications sur Facebook, notamment sur des groupes de « gilets jaunes », mais fut rapidement modérée après avoir été largement fustigée dans les commentaires[6]. Selon le complotiste britannique Paul Joseph Watson, collaborateur du site complotiste américain Infowars, animé par Alex Jones, l’incendie aurait été déclenché délibérément. Paul Joseph Watson se basait sur les dires d’un chroniqueur du Time, Christopher J. Hale, qui revint rapidement sur sa publication, reconnaissant qu’à ce uploads/Litterature/ un-an-apres-l-x27-incendie-de-notre-dame-que-pensent-les-francais.pdf
Documents similaires
-
18
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 31, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.4914MB