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HAL Id: halshs-00497714 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00497714 Submitted on 5 Jul 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’écriture en sociologie : une question de méthode négligée Vincent Dubois To cite this version: Vincent Dubois. L’écriture en sociologie : une question de méthode négligée. Transversale. Histoire : architecture, paysage, urbain, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux & Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine, 2005, 1, p. 208-217. halshs- 00497714 1 L‘écriture en sociologie : une question de méthode négligée1 Vincent Dubois L‘écriture, au sens de l‘élaboration d‘un texte destiné à des lecteurs2, occupe une place variable mais assurément importante dans le temps de travail des chercheurs en sociologie. C‘est très largement dans et par la mise en forme écrite que se constitue l‘argumentation sociologique. Et c‘est avant tout sur la base de productions textuelles que sont non seulement évalués et discutés mais aussi constitués les résultats de la recherche sociologique. Cependant, les pratiques d‘écriture, les choix méthodologiques qui s‘y opèrent ou les implications épistémologiques des ― styles ‖ de textes sociologiques sont largement absents des réflexions sur la méthode dans cette discipline, autrement prolixe lorsqu‘il s‘agit du recueil ou du traitement des données. Ce bref article n‘a évidemment pas l‘ambition de traiter l‘ensemble des opérations constitutives des textes sociologiques (choix du lexique, construction syntaxique, stratégies de citation, usage du matériau ou encore structuration du développement), ni d‘en épuiser les multiples implications logiques et méthodologiques. Il laisse volontairement de côté d‘importants aspects de la question, comme les relations entre littérature et sociologie qui ont récemment fait l‘objet de nombreux développements en France3. Il invite beaucoup plus modestement à considérer les pratiques d‘écriture comme partie prenante de la pratique sociologique et à les compter de ce fait au nombre de celles qui, comme la constitution d‘un 1 Ce texte est pour partie issu d‘une communication présentée au colloque Littérature et sciences sociales, École normale supérieure, Paris, 10-12 janvier 2001. 2 Deux précisions. D‘abord les pratiques d‘écriture dont il sera question sont celles de la rédaction des textes qui servent de support à la diffusion des recherches sociologiques. On n‘abordera donc pas directement les autres pratiques scripturales engagées dans le travail sociologique : ce que Pierre Achard appelle l‘écriture intermédiaire (fiches de lecture, notes d‘observation, transcriptions d‘entretien, journal d‘enquête, etc.) qui posent chacune des problèmes au moins pour partie spécifiques. Achard Pierre, ― L‘écriture intermédiaire dans le processus de recherche en sciences sociales ‖, Communications, 58, 1994, p. 149-156. Ensuite on se réfèrera aux textes scientifiques présentant les résultats du travail sociologique (articles de revues ou ouvrages académiques). On n‘abordera ici, faute de place, ni les différences qui peuvent séparer les différents supports (revues, thèses, rapports de recherche, etc.), ni les supports de diffusion élargie (manuels, textes de vulgarisation). 3 Ces réflexions ont été notamment initiées par Claude Grignon et Jean-Claude Passeron à propos notamment des classes populaires dans Le savant et le populaire, Paris, EHESS-Gallimard, 1989. Pour un aperçu général récent, cf. Lassave Pierre, Sciences sociales et littérature. Concurrence, complémentarité, interférences, Paris, PUF, 2002. Sur l‘usage de la littérature en sciences sociales, voir aussi Ellena Laurence, ― Argumentation sociologique et références littéraires ‖, Cahiers internationaux de sociologie, 104, 1998, p. 33-54. Sur la dimension sociologique d‘œuvres romanesques voir, à propos de Marcel Proust, Dubois Jacques, Pour Albertine. Proust et le sens du social, Paris, Seuil, 1997 ; Bidou-Zachariasen Catherine, Proust sociologue. De la maison aristocratique au salon bourgeois, Paris, Descartes & Cie, 1997, dont on trouvera une discussion dans Champy Florent, ― Littérature, sociologie et sociologie de la littérature, À propos de lectures sociologiques de À la recherche du temps perdu ‖, Revue française de sociologie, 41 (2), 2000, p. 345-364. 2 échantillon ou le libellé d‘un questionnaire, doivent être soumises à l‘exigence de réflexivité constitutive de la rigueur méthodologique en sociologie. Pour tenter de livrer quelques pistes en ce sens, je voudrais dans un premier temps montrer comment les manières d‘appréhender l‘écriture sociologique, loin d‘être distribuées au hasard de préférences personnelles, s‘articulent à des conceptions de la sociologie et de son épistémologie. Ce premier aperçu sera l‘occasion de montrer que des opérations importantes se jouent dans l‘écriture, ce que j‘essaierai de préciser dans un deuxième temps. Écriture sociologique et postures épistémologiques Les disciplines voisines de la sociologie ont intégré les problèmes liés à l‘écriture dans leurs réflexions épistémologiques et méthodologiques. C‘est le cas de longue date et de manière centrale pour l‘histoire, autour du rapport à l‘écriture littéraire, du statut du ― récit véridique ‖ ou de la ― mise en intrigue ‖4. C‘est le cas également de l‘anthropologie et de l‘ethnologie, confrontées au problème de rendre intelligibles par leurs descriptions et analyses des cultures ― exotiques ‖5. C‘est le cas enfin plus récemment et dans une moindre mesure de l‘économie, dont le ― discours ‖ fait l‘objet d‘une analyse critique sous l‘angle de la ― rhétorique scientifique ‖ et de sa légitimation6. C‘est nettement moins le cas en sociologie. On voudrait en donner un aperçu, en montrant en même temps comment la place accordée — ou non — aux questions d‘écriture varie en fonction des conceptions épistémologiques. Une science sans écriture ? Cette place est particulièrement réduite dans l ‗épistémologie qu‘on peut appeler ― classique ‖ formulée par Émile Durkheim, dont les principes et l‘entreprise à laquelle elle est liée (affirmer le caractère scientifique de la sociologie), conduisent à occulter les problèmes liés à l‘écriture. Se constitue alors la fiction d‘une science sans écriture. Cette occultation et cette fiction ne sont bien sûr pas spécifique à la sociologie : le rêve d‘une science débarrassée de toute rhétorique, dont le texte ne serait composé que de faits et de lois 4 Pour ne citer que ces deux exemples, qui se réfèrent explicitement à l‘écriture dans leurs titres : Veyne Paul, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971 ; de Certeau Michel, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975. 5 Pour une synthèse et de nombreuses références voir Hammersley Martyn, ― Ethnographic writing ‖, Social Research Update, 5, March 1993 ; Laplantine François, La description ethnographique, Paris, Nathan, 1996. Cf. aussi Geertz Clifford, Ici et là-bas. L’anthropologue comme auteur, Paris, Métailié, 1996. 6 Cf. le chapitre consacré à l‘économie dans Coorebyter Vincent (de), (dir.), Rhétoriques de la science, Paris, PUF, 1994 et le dossier sur ― La légitimation du discours économique ‖, Sciences de la société, 55, février 2002. 3 se retrouve dans la plupart des histoires disciplinaires7. Et la sociologie n‘est pas la seule discipline où la mise en évidence de procédés rhétoriques et, plus généralement, de la dimension textuelle du travail de recherche, fait naître le soupçon : ne risque-t-on pas ce faisant de scier la branche scientifique jusqu‘à laquelle on s‘est péniblement hissé ? ― Alors qu‘il devrait s‘agir d‘une composante parmi d‘autres de l‘histoire des sciences, écrit Vincent de Coorebyter, l‘étude des procédures rhétoriques organisant ou émaillant le langage savant fait naître le soupçon. À s‘attacher aux textes qui font vivre et progresser la science, on la détache des laboratoires et des ordinateurs pour la rendre au destin commun de l‘écriture, de la persuasion, voire de la séduction. La démarcation entre science et non-science, si longue à s‘imposer, si difficile à fixer, risque de s‘effacer au profit d‘un compagnonnage douteux, où le savant côtoie le philosophe, le publiciste, l‘idéologue peut-être. La mise en avant de la dimension rhétorique du discours scientifique serait comme une régression, un retour à l‘indistinction primitive, ramenant à une époque où la science se distinguait mal du mythe et de la métaphysique. ‖ 8 Si le problème n‘est pas spécifique à la sociologie, il apparaît toutefois plus particulièrement dans cette discipline. La démarcation à l‘égard des disciplines littéraires et la prétention à se caler sur le modèle épistémologique des sciences exactes qui ont marqué son histoire conduisent en effet à refouler la question de l‘écriture et du style. C‘est ce qu‘indique Wolf Lepenies qui montre que les grands sociologues classiques, Durkheim comme Weber, ont savamment mis de côté leur culture littéraire. Durkheim l‘a fait au nom du caractère collectif de l‘entreprise sociologique, composée de sociologues définis comme des ― travailleurs ‖ spécialisés, autrement dit comme des techniciens maniant un vocabulaire technique et non comme des gens d‘esprit soucieux de se distinguer9. Weber quant à lui, même s‘il accorde une grande importance à l‘intuition et à l‘inspiration dans l‘activité scientifique, met en garde contre la tentation de privilégier ― la forme esthétique de la présentation, choisie dans l‘intérêt de l‘influence psychologique sur le lecteur ‖ et opte explicitement pour ― un refus de la forme ‖ 10 . De ce refus uploads/Litterature/ vincent-dubois-l-x27-e-criture-en-sociologie.pdf
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- Publié le Jul 21, 2022
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