Les couleurs primaires ROMAN MÉLISSA VERREAULT À PROPOS DE L’AUTEURE Mélissa Ve
Les couleurs primaires ROMAN MÉLISSA VERREAULT À PROPOS DE L’AUTEURE Mélissa Verreault est une écrivaine québécoise née en 1983. Elle a grandi près de Québec, puis vécu à Montréal durant ses études universitaires. Depuis 2012, elle habite Lévis, où elle s’est établie après avoir passé quelque temps en Italie. Elle a collaboré pendant plusieurs années au magazine montréalais Urbania et commencé sa carrière d’auteure en publiant des nouvelles littéraires dans différentes revues. Aujourd’hui mère de triplées, elle se consacre à ses enfants et à l’écriture de fiction, en plus d’étudier en traduction et de donner des cours de création littéraire à l’université Laval. Avant Les couleurs primaires, elle a publié deux romans, Voyage léger (2011) et L’angoisse du poisson rouge (2014), ainsi qu’un recueil de nouvelles, Point d’équilibre (2012). Son prochain roman, Les voies de la disparition, paraîtra à la fin de l’été 2016. Dans la collection Mondes en VF La cravate de Simenon, NICOLAS ANCION, 2012 (A2) Pas d’Oscar pour l’assassin, VINCENT REMÈDE, 2012 (A2) Papa et autres nouvelles, VASSILIS ALEXAKIS, 2012 (B1) Quitter Dakar, SOPHIE-ANNE DELHOMME, 2012 (B2) Enfin chez moi !, KIDI BEBEY, 2013 (A2) Jus de chaussettes, VINCENT REMÈDE, 2013 (A2) Un cerf en automne, ÉRIC LYSØE, 2013 (B1) La marche de l‘incertitude, YAMEN MANAÏ, 2013 (B1) Le cœur à rire et à pleurer, MARYSE CONDÉ, 2013 (B2) La voyeuse, FANTAH TOURÉ, 2014 (A2) New York 24 h chrono, NICOLAS ANCION, 2014 (A2) Orage sur le Tanganyika, WILFRIED N’SONDÉ, 2014 (B1) Combien de fois je t’aime, SERGE JONCOUR, 2014 (B1) Un temps de saison, MARIE NDIAYE, 2014 (B2) Nouvelles du monde, AMÉLIE CHARCOSSET, HÉLÈNE KOLSCIELNIAK, NOURA BENSAAD, 2015 (A2) L‘Ancêtre sur son âne et autres nouvelles, ANDRÉE CHEDID, 2015 (B2) Après la pluie, le beau temps, LAURE MI HYUN CROSET, 2016 (A2) © Les Éditions Didier, Paris, 2016 ISBN 978-2-278-08097-7 LA COLLECTION MONDES EN VF Des œuvres littéraires contemporaines d’auteurs francophones Collection dirigée par Myriam Louviot Docteur en littérature comparée www.mondesenvf.com Le site Mondes en VF vous accompagne pas à pas pour enseigner la littérature en classe de FLE par des ateliers d’écriture avec : • une fiche « Animer des ateliers d’écriture en classe de FLE » ; • des fiches pédagogiques de 30 minutes « clé en main » et des listes de vocabulaire pour faciliter la lecture ; • des fiches de synthèse sur des genres littéraires, des littératures par pays, des thématiques spécifiques, etc. Téléchargez gratuitement la version audio MP3 sur le site. PREMIÈRE PARTIE Rouge Une vie en noir et blanc Je m’appelle Camille. Depuis dix ans, je suis employée 1 chez un grand fabricant de peinture. Mon rôle est de trouver un nom pour chaque teinte 2que nous produisons. Chaque année, nous mettons sur le marché près de 2 000 sortes de couleurs. Les clients apprécient cette grande variété. Moi, je la déteste. Parce que cela signifie que tous les ans, je dois trouver 2 000 noms de couleurs originaux. Je n’aime pas mon travail. En fait, je n’aime pas ma vie en général. J’habite seule dans un grand appartement. Les gens disent souvent que c’est beau chez moi, que j’ai beaucoup de goût. La décoration est épurée 3, les accessoires ont été choisis avec soin. Chaque chose est à sa place, rien ne dépasse. Personnellement, je trouve que ça manque de vie. J’aurais voulu avoir des enfants. Cependant, pour faire des bébés, il est plus pratique d’avoir un partenaire. Cela fait cinq ans que je suis célibataire. Mon appartement est situé dans le Vieux-Montréal, un quartier chic et branché 4 de la ville. On y retrouve plusieurs bars, restaurants, studios de yoga, galeries d’art et boutiques pour touristes. Je n’ai rencontré l’homme de ma vie dans aucun de ces lieux. Tous les hommes que je croise me semblent fades 5, inintéressants. Ma sœur croit que je suis en dépression. Je pense seulement que mes critères de sélection sont trop sévères. Heureusement, il y a mon chat Cyrille pour me tenir compagnie 6. Tous les soirs, lorsque je rentre du travail, il m’attend. Il m’aime beaucoup. C’est normal : c’est moi qui le nourris. Je lui achète toujours les meilleures croquettes 7 et des pâtés savoureux 8. Vers 19 heures, nous mangeons ensemble, en silence. (Je ne mange pas son pâté pour chat, quand même. Ma vie n’est pas si horrible que ça. Je m’achète mes propres repas surgelés). Ensuite, nous regardons généralement la télévision jusqu’à ce que je m’endorme sur le divan. Il m’assiste pendant que je prends mon bain, puis nous nous couchons. Mon réveil sonne à 6 heures tous les matins. Je ne me lève jamais avant 6 h 45. Il me reste alors trente minutes pour me préparer et prendre le petit- déjeuner. À 7 h 19, je dois être à l’arrêt d’autobus. À 7 h 58, j’arrive au travail. Je dépose mon goûter dans le réfrigérateur de la salle des employés et je me rends à mon bureau. Puis, plus rien. J’attends que le temps passe. Depuis trois mois, je n’ai plus d’inspiration 9. Mon cerveau est vide. Mon cœur aussi. Les idées me manquent. Je regarde mon écran d’ordinateur, l’air perdu. Je vérifie mon courrier électronique toutes les cinq minutes, comme si j’attendais une nouvelle importante. Je ne sais pas exactement ce que j’espère. Il y a peu de chances qu’on m’écrive pour m’annoncer que j’ai gagné un million de dollars. Les lettres d’amour envoyées par des inconnus sont plutôt rares elles aussi. Ma vie est vraiment ennuyante. Le vide et l’essentiel Aujourd’hui, au lieu de fixer le vide pendant huit heures, j’ai décidé de commencer à écrire un journal. Si Monsieur Paradis, mon patron, apprenait que j’utilise l’ordinateur de la compagnie pour mes projets personnels, il me convoquerait 10 sûrement dans son bureau. Peut-être même qu’il me mettrait à la porte 11. Ce serait une bonne nouvelle. Je doute que ça arrivera. Monsieur Paradis sait très bien qu’il ne trouverait personne pour me remplacer, alors jamais il n’oserait me renvoyer. J’écris ces lignes dans un document que j’ai nommé « Les couleurs primaires ». À force de fréquenter 12 autant de couleurs aux noms étranges et poétiques, j’ai fini par oublier le nom des couleurs de base. Le nom des couleurs qui comptent vraiment. J’aurais besoin d’un retour à l’essentiel. Le bonheur est dans le rouge Ma voisine, Madame Fernandez, est d’origine espagnole. C’est une femme très colorée. Elle est souvent habillée de rouge et d’orangé. Elle porte d’immenses fleurs dans ses cheveux. Lorsqu’elle parle, on dirait qu’elle chante. Elle a 75 ans. On lui en donnerait 25 de moins. Elle dit que c’est le flamenco 13 qui la garde jeune. Encore à son âge, elle donne des cours de danse tous les lundis et jeudis soirs. Je devrais peut-être m’inscrire. Hier, quand je suis rentrée, ça sentait le safran 14 dans le couloir. Madame Fernandez cuisinait une paëlla en écoutant de la musique. Des airs de guitare légers et envoûtants 15 accompagnaient les parfums de crevettes et de poivrons grillés. Chez moi, tout était silencieux et il y avait une forte odeur d’humidité. Cyrille dormait. Il n’est pas venu m’accueillir en ronronnant 16. Le réfrigérateur était vide. Je suis ressortie pour acheter du lait et des céréales au supermarché. Une fois de plus, mon dîner ressemblerait plutôt à un petit-déjeuner. Alors que je fermais la porte de l’appartement, Madame Fernandez s’est approchée de moi. Dans ses mains, elle tenait un plat de plastique duquel s’échappait un fumet 17 appétissant. – Mademoiselle Camille ! a-t-elle lancé avec son accent séduisant. J’ai préparé suffisamment de paëlla pour nourrir l’île de Montréal au complet. Vous en voulez un peu ? Son sourire était si lumineux. Je n’avais pas le choix d’accepter. J’ai fait « oui » avec la tête. – Avec un bon verre de vin rouge, ajouta-t-elle, un Tempranillo si possible, vous allez voir, ce sera délicieux ! Je n’avais pas de vin chez moi. J’en bois très peu. De toute façon, je n’ai personne avec qui le partager. J’ai déposé le plat encore chaud sur le comptoir 18 de la cuisine et, suivant les conseils de ma voisine, je suis allée acheter une bouteille de Tempranillo. Il commence à être temps que j’apprenne à me faire plaisir. Pourquoi attendre de ne plus être seule pour me décider à profiter de la vie ? Aimée sans le savoir En buvant mon verre de vin, assise sur le balcon derrière mon appartement, je me suis demandé comment faire pour rendre ma vie moins ennuyante. Je devrais suivre l’exemple d’Amélie Poulain et poser de petits gestes pour agrémenter 19 l’existence des gens qui m’entourent. Envoyer des fleurs ou des ballons à de vieilles connaissances, sans raison. Choisir des personnes au hasard dans le bottin 20 téléphonique et les appeler pour leur souhaiter bonne journée. Écrire des lettres d’amour enflammées 21 à des étrangers. Cette dernière idée m’a amenée à me poser une question : est-ce qu’un homme a déjà été amoureux de moi sans me le uploads/Litterature/ vocabulaire-de-vetements.pdf
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- Publié le Apv 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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