Pratiques Linguistique, littérature, didactique 143-144 | 2009 Écrits de savoir

Pratiques Linguistique, littérature, didactique 143-144 | 2009 Écrits de savoirs Rapport à l’écrit et construction de connaissances disciplinaires. Étude de cas Marie-Cécile Guernier et Christine Barré-De Miniac Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pratiques/1457 DOI : 10.4000/pratiques.1457 ISSN : 2425-2042 Éditeur Centre de recherche sur les médiations (CREM) Édition imprimée Date de publication : 15 décembre 2009 Pagination : 203-217 Référence électronique Marie-Cécile Guernier et Christine Barré-De Miniac, « Rapport à l’écrit et construction de connaissances disciplinaires. Étude de cas », Pratiques [En ligne], 143-144 | 2009, mis en ligne le 13 juin 2014, consulté le 04 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/pratiques/1457 ; DOI : 10.4000/pratiques.1457 © Tous droits réservés 1. Écrits disciplinaires : apprentissages et rapport à l'écrit 1.1. Écrire pour apprendre : diversité et normalisation Écrire permettant d'apprendre, une des fonctions principales des activités d'écriture en classe consiste à consigner et formaliser les savoirs en cours de cons- truction, à retenir, à réviser et à restituer le plus souvent dans le cadre des évalua- tions. Ainsi l'activité d'écriture est-elle au cœur de l'activité épistémique et de conceptualisation. L'école ayant organisé l'enseignement des savoirs selon des disciplines le plus souvent issues des disciplines universitaires, chaque discipline scolaire a déve- loppé des modalités et des formes d'écriture spécifiques, en lien d'une part avec les habitudes et normes scolaires, d'autre part avec les savoirs disciplinaires à cons- truire et ses propres conceptions épistémologiques. De ce fait, les fonctions pédagogique et didactique assignées aux écrits et aux activités d'écriture entraînent leur transformation et leur adaptation au projet et au contexte d'enseignement et d'apprentissage dans lesquels ils sont utilisés : objec- tifs d'apprentissage visés, niveau d'enseignement, situation d'enseignement–ap- prentissage. Les écrits scolaires présentent donc des caractéristiques particuliè- res. Et chaque discipline scolaire a ainsi développé des normes qui lui sont pro- pres. C'est ainsi que la dissertation est un exercice d'écriture réservé au lycée et plutôt aux disciplines des sciences humaines (français, philosophie, histoire, géo- graphie, langues), alors qu'au collège on écrira plutôt des rédactions. On lit et écrit des récits plutôt en cours de français et des textes expositifs, informatifs et expli- catifs plutôt en biologie, histoire, géographie. L'inverse est pourtant possible. En mathématique, on lit des problèmes et des énoncés d'exercices et on rédige des dé- 203 PRATIQUES N° 143/144, Décembre 2009 Rapport à l'écrit et construction de connaissances disciplinaires. Étude de cas Marie-Cécile Guernier Université Claude Bernard Lyon 1 – IUFM, LIDILEM Université Stendhal Grenoble 3 Christine Barré-De Miniac Université Joseph Fourrier Grenoble 1 – IUFM, LIDILEM Université Stendhal Grenoble 3 monstrations et des résultats. Alors qu'en grammaire on fait des exercices mais on ne résout pas de problèmes. Alors qu'on pourrait le faire. Chaque discipline déve- loppe ainsi des formes discursives spécifiques : consigne, questions, énoncé de problème, énoncé d'exercices, texte didactique qui présente une notion, réponses types, exercices d'écriture types, etc. La norme scripturale scolaire peut donc être envisagée selon deux aspects : pre- mièrement une norme encadrante générale qui concerne d'une part les aspects pragmatiques, c'est-à-dire les formes et les types d'usages de l'écrit en contexte scolaire, d'autre part les aspects linguistiques et codiques de l'écrit : correction grammaticale et orthographique, registre en conformité avec les usages scolaires ; deuxièmement une norme spécifique qui concerne les genres textuels et discursifs en usage dans chaque discipline en lien avec les exercices et les types de textes dé- veloppés par chaque discipline (Barré-De Miniac & Reuter, 2006) et que l'on peut apparenter aux genres secondaires décrits par Bakhtine (Bakhtine, 1984). L'élève se trouve ainsi confronté à une diversité scripturale importante et doit identifier ce qui caractérise les spécificités des écrits et des activités d'écriture de chaque discipline et en apprendre les modalités pour apprendre les savoirs mêmes de la discipline (Lahanier-Reuter & Reuter, 2006). Ainsi apprendre à écrire à l'école ou écrire pour apprendre à l'école consiste-t-il à apprendre à écrire selon les normes et les règles scolaires, et apprendre les savoirs d'une discipline consiste-t- il aussi à apprendre les modalités et les normes scripturales de la discipline. Ces différents aspects ont été déjà largement décrits (INRP, 1999, Pratiques, 2002a et b), et selon une perspective sociologique / socioculturelle, l'hypothèse a été formulée (Charlot, Bautier & Rochex, 1992, Charlot, 1999, Lahire, 1993) que ces types d'usages et ces formes discursives normalisés, parce qu'ils sont spécifi- ques à l'école et construisent d'une part un rapport distancié entre le langage et ses référents, d'autre part une conception objectivante du langage pouvaient en partie être responsables des difficultés scolaires de certains élèves, et plus particulière- ment de ceux qui les maîtrisaient le moins. En revanche, on sait moins comment les élèves perçoivent ces normes et comment ils se les approprient d'un point de vue psycho-cognitif. C'est ce point de vue que nous voudrions explorer ici à partir de la notion de rapport à l'écrit à propos d'activités d'écriture proposées dans trois disciplines : le français, l'histoire, les mathématiques, et une activité transversale : un atelier d'écriture. 1.2. Rapport à l'écrit et didactique En effet, si il est indéniable que le décalage entre les pratiques personnelles ins- crites dans les pratiques du groupe social et culturel auquel appartient l'élève et les pratiques scolaires puisse constituer un obstacle à l'apprentissage de l'écrit sco- laire pour certains élèves, il apparaît aussi que de nombreux élèves issus de grou- pes sociaux et culturels réputés en décalage avec les pratiques langagières scolai- res parviennent à maîtriser les formes scolaires de l'écrit (Lahire, 1995). On peut donc faire l'hypothèse que des facteurs d'un autre ordre sont à prendre en compte. Le rapport à l'écritnous semble doté d'un fort pouvoir heuristique (Delamotte R et al., 2000, Chartrand (dir.), 2008). La notion de rapport à l'écrit permet d'explorer les fondements psycho-cogni- tifs de l'investissement d'un individu dans l'activité scripturale. En effet, lire et écrire ne se réduisent pas à des techniques mais s'inscrivent dans une dynamique personnelle et intime dans laquelle c'est l'individu tout entier qui est concerné. La notion de rapport à l'écrit recouvre « l'ensemble des significations construi- 204 tes par le scripteur à propos de l'écriture, de son apprentissage et de ses usages. Si- gnifications singulières pour les uns, partagées par le groupe social pour d'autres, le groupe culturel pour d'autres encore. L'ensemble étant de toutes manières retra- vaillé, réorganisé par un sujet unique, ce que désigne le singulier de l'expression rapport à. » (Barré-De Miniac, 2000 et 2002). Le rapport à l'écriture d'un sujet, que nous utiliserons ici comme outil d'analyse, s'appuie sur le modèle en quatre di- mensions proposé par Christine Barré-De Miniac : 1. L'investissement du sujet dans les activités d'écriture tant au niveau affec- tif que quantitatif. Cette notion réfère à la force de l’attachement et à l’intérêt pour l’écriture. Cette force peut être orientée soit positivement soit négative- ment (par exemple rejet) et d'intensité diverse : forte, moyenne, ou faible. 2. Les opinions, sentiments et valeurs attribués à l'écriture et à ses usages ; et les attitudes qui en découlent. 3. Les conceptions et les représentations concernant l'activité d'écriture et son apprentissage. 4. Les modes de verbalisation sur l'écrit, l'écriture et l'activité scripturale telle que le sujet la pratique. Ainsi au-delà d'une explication des comportements des élèves face à l'écrit par le biais de la motivation personnelle et / ou de la déficience cognitive, la notion de rapport à l'écrit permet de s'intéresser à d'autres paramètres mobilisés par le scripteur et plus particulièrement ceux qui concernent la signification qu'il ac- corde à l'activité scripturale. La notion de rapport à apporte des éclairages qui peuvent nous aider à mieux cerner ce qui se trame entre le sujet et l'écrit auquel il est confronté. Elle peut donc constituer un éclairage pertinent pour analyser com- ment les élèves perçoivent l'activité scripturale dans le cadre scolaire et plus parti- culièrement comment ils perçoivent les normes associées aux écrits scolaires en général et selon les disciplines en particulier. Elle permet aussi de mesurer quelle appréciation de cette normalisation les élèves construisent, en positif ou en néga- tif, et par rapport à leur propre conception de l'écrit ; comment les élèves s'adap- tent aux exigences et règles imposées par l'école ; comment ils en tirent profit ; quelle imbrication ils ont construite entre leur conception personnelle de l'écrit et la normalisation scolaire de l'écrit ; et quels sont les effets sur l'apprentissage. Nous cherchons donc à relier les trois pôles de l'activité scripturale quand elle est mise en œuvre dans une discipline scolaire : – construction de connaissances : dimension épistémique, – normalisation scripturale : dimension sociale – rapport à l'écrit : dimension psychologique Dans la mesure où la notion de rapport à l'écrit s'inscrit dans une perspective subjective, nous illustrerons ici le pouvoir heuristique de cet outil par l'étude du cas de Céline. Ce choix est fondé par notre projet de recherche qui, parce qu'il con- siste à mieux appréhender ce qui relève de l'individuel dans le processus d'appren- tissage, impose comme nécessaire, à certaines étapes de l'exploration, de partir de l'individu. Par ailleurs, il nous semble que s'agissant uploads/Litterature/ voir-plan.pdf

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