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Watchmen c’est d’abord un monument dans le monde de la BD, primé du prix Hugo et du prix Eisner. Cette œuvre souvent décrite comme un roman graphique, est à la base une série mensuelle de comics comptant 12 chapitres, parue entre Septembre 1986 et Octobre 1987. Watchmen est publié sous l’éditeur DC Comics. *Au scénario se trouve l’auteur anglais Alan Moore, un habitué de chez DC Comics puisqu’il a travaillé notamment sur Swamp Thing et Batman et a écrit V pour Vendetta quelques années auparavant. Alan Moore, au-delà d’être un auteur prolifique à la manière d’Alejandro Jodorowsky en France, c’est aussi comme cette même figure française, un occultiste avec un profond goût pour la satire. Une de ces œuvres, Promethea est fortement inspiré par ces thèmes mystiques. Il se définit comme magicien et se fascine pour le sacré et le divin : la figure du super héros l’intéresse donc naturellement. A ses côtés, il y a au dessin Dave Gibbons, un habitué de l’industrie de la BD à la chaîne, ce qui signifie qu’il maîtrise parfaitement les codes et les formules de la BD traditionnelle, proche du Golden Age. L’action de Watchmen se situe en 1985 dans une réalité alternative. Le Président américain Richard Nixon est sous son 3ème mandat et le Vietnâm est devenu le 51ème état des Etats-Unis. Les tensions de la Guerre Froide sont à leur paroxysme et les Etats Unis et l’Union Soviétique sont au bord de l’apocalypse nucléaire. Dans cette réalité uchronique, les super-héros existent et ont combattu le crime depuis les années 50s. Mais à cause des dérives, le gouvernement passe une loi en 1977, et leur interdit toute activité super-héroïque. *L’histoire débute donc avec Rorschach, un vigilante, un justicier autoproclamé qui continue à officier. Il traque donc les criminels au mépris de la loi. Le récit s’ouvre sur le meurtre d’un autre justicier qui lui était longuement au service du gouvernement, à savoir Le Comédien. Rorschach apprend qu’il s’agit là d’un assassinat et il décide de mener l’enquête. Il informe par la suite ses anciens collègues de la découverte. Avec l’aide du Hibou, du Spectre Soyeux et du Docteur Manhattan, il découvre finalement que le meurtrier du Comédien n’est autre que Ozymandias, un autre collègue à la retraite. Ozymandias a un plan brillant qui est destiné à changer la face du monde, à rétablir dit-il «la paix dans le monde». Ce plan c’est de faire advenir une menace encore plus grande et tragique que la Guerre Nucléaire*, à savoir une menace extra-dimensionelle. Face à cette nouvelle menace, les pays n’auront pas d’autre choix que de s’unir et ainsi arrêter leur conflit. S’interposer contre Ozymandias qui se compare à Alexandre Le Grand, c’est au final empêcher la paix mondiale. Une paix qui est en vérité basée sur des mensonges. La fin justifie-t-elle alors les moyens ? Quelle est la place de la moralité dans cette histoire ? * C’est autant à ce lecteur intradiégétique sur lequel se clôt le récit que le lecteur extradiégétique, à savoir nous, d’en décider. Watchmen ne propose pas de protagoniste unique même si celui que le lecteur suit le plus c’est Rorschach puisque l’enquête est la trame principale du récit, son journal sert de fil conducteur entre les chapitres. Rorschach est par ailleurs loin du canon des protagonistes de BD : c’est avant tout un exclu de la société avec un caractère antipathique et réactionnaire et il a une vision monomanique de la justice, et va jusqu’à se comparer à un martyr nazi. Le tour de force de Watchmen est que tous les personnages ont à la fois tort ou raison. Il n’y a pas de solution toute faite. Chacun a sa vision du monde, découlant de son passé comme super héros. Les personnages sont loin d’être irréprochables et ce n’est pas un trait de faiblesse mais un standard. Ils sont en proie aux doutes, à la colère et à la frustration et le fait de porter un masque ne leur fait pas oublier qu’ils ne sont que des hommes. C’est une approche clairement à l’opposé de ce qui se faisait à l’époque dans le monde de la BD américaine. Watchmen n’est pas une histoire de super héros, c’est une histoire sur des super héros. Watchmen interroge et fait participer le lecteur, c’est un fait. En fonction du personnage qui retiendra le plus l’attention du lecteur, ou que celui-ci considérera comme le plus important, ou auquel celui-ci s’identifiera, le lecteur en apprendra plus sur lui-même, il saura justement s’il est un optimiste, un réaliste ou un fataliste.*Un test de personnalité donc qui renvoie directement au test d’Hermann Rorschach. Le succès de Watchmen * mais aussi de The Dark Knight Returns de Frank Miller, va orienter le monde des comics vers une nouvelle direction, plus adulte avec des héros torturés qui se remettent souvent en question. Ces œuvres inaugurent donc le Dark Age des comics. Il faut dire aussi qu’en changeant le cours de l’histoire dans son récit, Moore donne naissance non seulement à son monde imaginaire mais aussi à un tout autre monde pour la BD américaine, en général. Ainsi on voit que Watchmen est profondément citationnelle et intertextuelle. * Les personnages originaux de Watchmen sont d’ailleurs des réécritures de personnages déjà existants. Alan Moore s’est vu refusé les droits d’exploitation de super héros du Golden Age de chez l’éditeur Charlton Comics. En réponse, il a crée les Watchmen qui sont des pâles copies de super héros. Umberto Eco justement parle de cette intertextualité décisive dans l’analyse sémiotique : il souligne la pertinence d’une connaissance encyclopédique pour déchiffrer les réseaux de signes. Le Lecteur Modèle, comme il le nomme, c’est celui qui est initié au système signifiant, « celui qui actualise les sens de tout ce que le texte veut dire en tant que stratégie ». Eco le dit lui-même, « le texte est un tissu de signes, une machine paresseuse qui exige du lecteur un travail coopératif acharné pour remplir les espaces de non- dit ou de déjà-dit restés en blanc ». Cette participation active du lecteur passe par le déchiffrage des connotations, des symbolismes et de la matière intertextuel : un exercice auquel nous allons nous confronter avec la séquence filmique qui suit. * Watchmen, le film de 2009 est réalisé par Zack Snyder et est distribué par Warner Bros. Il reprend plus ou moins l’histoire de l’hypotexte ; ce qui différencie les deux œuvres c’est surtout le ton, le propos et le climax. Analyse du générique composé de 22 vignettes : • Le premier Hibou, Hollis Mason, qui défend un couple contre un aggresseur. Il se trouve à Gotham et on peut en déduire grâce aux signes indiciels qui parcèment le plan (Die Fledermaus, Batman #1*), qu’il s’agit du couple Wayne, les parents de Bruce Wayne. D’emblée donc, le film nous place dans une réalité alternative, voire un univers parallèle à celui où se trouve Batman. Dans cette réalité, Thomas et Martha Wayne sont sauvés et par conséquent Bruce ne deviendra pas le Batman qu’on connaît. Ce clin d’oeil n’est pas anodin puisque le film sort tout juste après The Dark Knight de Christopher Nolan qui instaure la vision sombre du super héros au cinéma, le Dark Age des super héros au cinéma. • La chanson en elle-même ensuite est très significative *. The Times They Are A-Changing de Bob Dylan nous dit clairement qu’il y a un changement de temporalité. On bascule dans un autre temps et la chanson annonce l’euchronie qu’on ne remarque pas encore à l’écran. Elle est utilisée comme un prolepse. Dylan avec ce texte parle aussi des poètes et écrivains qui se doivent d’anticiper une nouvelle société au travers de l’activisme social qu’ils témoignent : «Come writers and critics who prophetize with your pen». Le temps change aussi plus généralement dans le contexte de sortie du film : les films de super héros deviennent plus matures dans les propos abordés, ce qui résonne avec la transition du Bronze Age au Dark Age des comics. *Les références à Dylan dans Watchmen sont nombreuses : ses textes sont cités à quelques reprises. • On a là une référence historique détournée : Sally Jupiter, le premier Spectre Soyeux en bombshell sur un Enola Gay*, avec Hiroshima dans le fond. • On a ensuite un autre détournement qui joue justement sur le changement de réalité : la photo d’Alfred Eisenstaedt, *V-J Day in Times Square qui célèbre la victoire américaine au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. • Ici, bien évidemment*, il y a à La Cène de Léonard de Vinci. Le Comédien représente à juste titre Judas puisque c’est lui qui cherche à mettre en péril le plan d’Ozymandias, et par extension, il s’oppose contre une nouvelle version du monde en paix. Comme Judas, il est aussi intimement lié à celle qui représente Jesus, à savoir le Spectre Soyeux. Il s’attaque en effet au sacré puisqu’il la viole. Le film instaure donc une connotation évidente du super héros avec le royaume des Dieux, ce uploads/Litterature/ watchmen.pdf
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- Publié le Aoû 05, 2022
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