Monsieur Michel Zink Monsieur Pierre-Yves Badel Histoire littéraire In: Actes d
Monsieur Michel Zink Monsieur Pierre-Yves Badel Histoire littéraire In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 20e congrès, Paris, 1989. L'histoire médiévale en France. Bilan et perspectives. pp. 199-218. Citer ce document / Cite this document : Zink Michel, Badel Pierre-Yves. Histoire littéraire. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 20e congrès, Paris, 1989. L'histoire médiévale en France. Bilan et perspectives. pp. 199-218. doi : 10.3406/shmes.1989.1510 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/shmes_1261-9078_1991_act_20_1_1510 Histoire littéraire Michel Zink* avec la collaboration de Pierre-Yves Badel Les littéraires sont toujours flattés quand les historiens recon naissent qu'ils existent. Mais le droit à l'existence leur est-il concédé au prix d'un malentendu sur leur essence ? Ils sont éga lement prompts à le soupçonner. C'est pourquoi nous sommes partagés entre la gratitude — celle de voir l'histoire littéraire admise dans ce volume au sein de l'histoire — et la perplexité. Le rapport qui nous est confié est réputé porter sur l'« histoire littéraire », dénomination inévitable pour justifier son existence au regard de la société et du congrès d'historiens qui ont bien voulu l'accueillir. Mais il ne saurait séparer l'histoire littéraire de la critique littéraire et de la philologie, les trois approches étant elles-mêmes imbriquées et indissociables dans les études litté raires. Son titre est donc de circonstance plus qu'il ne définit, et surtout qu'il n'épuise, son contenu. Ce titre est d'autant plus ambigu que la notion d'histoire littéraire ne va pas de soi. La période envisagée par ce congrès — les vingt dernières années — est précisément celle de sa remise en cause, suivie, il est vrai, de sa réhabilitation, mais dans une perspective différente, en même temps qu'elle est celle du développement de nouvelles approches critiques. Ces mouve ments ne sont pas propres aux études médiévales, mais ils les ont marquées, comme ils ont marqué l'ensemble des études litté raires. Qu'ils nous soit permis, pour donner d'entrée de jeu une idée de leur nature et de leur direction, de faire appel, avant de * L'introduction et les parties I, II, III, IV, VI sont dues à M. Zink, la partie V à P.-Y. Badel. 199 L'HISTOIRE MÉDIÉVALE EN FRANCE nous borner au domaine français, à un exemple étranger. En 1967 — au seuil de la période qui nous intéresse — H.R. Jauss publie sa leçon inaugurale à l'université de Constance sous le titre programmatique : « Die Literaturgeschichte als Provoka- tion der Literaturwissenschaft ». Dans l'édition de poche parue un peu plus tard ce titre est abrégé, mais voit du coup son sens radicalise et profondément modifié — dans un sens hostile à l'histoire littéraire : Literaturgeschichte als Provokation (Franc fort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1970). Or H.R. Jauss, qui invite ainsi à substituer une « science de la littérature » à l'« histoire de la littérature », est le père de la théorie de la réception, dont on sait l'influence considérable à l'heure actuelle — théorie essen tiellement historique. Il est aussi le fondateur du Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters (Heidelberg, C. Winter, 1968-1988), entreprise historique s'il en est. Dans le domaine français — ou au moins francophone — la période est marquée par les travaux de P. Zumthor, sans doute le médiéviste qui a exercé la plus grande influence depuis vingt ans. Or P. Zumthor, qui s'écarte de la perspective historique avec son Essai de poétique médiévale (Ed. du Seuil, 1972), y revient dès Le Masque et la Lumière (Ed. du Seuil, 1978) et Parler du Moyen Age (Ed. de Minuit, 1980). Enfin, et d'une façon qui n'est paradoxale qu'en apparence, le moment où l'histoire littéraire a été au plus bas a aussi été celui où les médiévistes littéraires se sont mis le plus délibérément à l'école des historiens des mentalités. C'est pourquoi on envisagera ici d'un point de vue global les répercussions sur les études médiévales du débat critique des deux dernières décennies, de manière à mettre en lumière — au moins l'espère-t-on — le renouvellement et la variété méthodol ogiques de nos études, en même temps que le caractère problématique des notions mises en jeu. I. Instruments de travail, éditions, collections Les considérations qui précèdent pourraient laisser croire que les remous de la critique ont ébranlé jusqu'aux soubassements de 200 HISTOIRE LITTÉRAIRE la philologie et de l'érudition en entraînant une désaffection pour les travaux préparatoires à l'exercice de la spéculation. Il n'en est rien. Les dernières années ont vu un renouvellement considéra ble des instruments de travail, des éditions, mais aussi des manuels et des collections. S'agissant des instruments de travail, l'événement majeur a été la publication en 1986, par les soins de F. Vielliard et de J. Monfrin, du premier volume du troisième supplément (1960- 1980) du Bossuat, Manuel bibliographique de la littérature française du Moyen Age (Paris, Ed. du CNRS, 1986). Fidèles à l'esprit de leur prédécesseur, à l'organisation qu'il avait retenue et qui est si familière à tous les médiévistes, les deux auteurs n'en ont pas moins introduit des innovations et des améliorations considérables, en particulier dans le chapitre préliminaire consa cré aux généralités. La publication de cet ouvrage, dont le second volume est attendu avec impatience, a permis de mesurer dans toute son ampleur un phénomène que chacun soupçonnait : la multiplication des publications. Sur les légendes épiques et le roman courtois, objets du premier volume, elles sont presque deux fois plus nombreuses de 1960 à 1980 que des origines de la philologie à 1950. Mais ce phénomène n'est certainement pas propre à notre discipline et inviterait à une réflexion d'ensemble sur le fonctionnement du monde académique. Les instruments de travail, ce sont aussi les répertoires, comme ceux qui facilitent désormais le dépouillement de la littérature religieuse (P. Rézeau, Les Prières aux saints en français à la fin du Moyen Age, Genève, Droz, 1982-1983, 2 vol.), ou comme celui d'A. Moisan {Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste françaises et les œuvres étrangères, Genève, Droz, 1986, 5 vol.), ou encore les concordances qu'à Aix, à Limoges, à Nancy des équipes ont multipliées ces dernières années. Les instruments de travail, ce sont enfin les manuels, grammat icaux et littéraires, dont beaucoup ne se contentent pas de vulgariser ou d'exposer avec une clarté pédagogique des connais sances acquises, mais mettent à profit leur effort de synthèse pour proposer une réflexion nouvelle. La Grammaire de l'ancien français de G. Moignet (Klincksieck, 1976), la Syntaxe de 201 L'HISTOIRE MEDIEVALE EN FRANCE l'ancien français de Ph. Ménard (Bordeaux, Sobodi, 1973, 3e éd. revue et augmentée, 1988) et la Syntaxe du moyen français de R. Martin et M. Wilmet, (Bordeaux, Sobodi, 1980), YHistoire de la langue française aux XIVe et XVe siècles de Ch. Marchello-Nizia (Bordas, 1979), pour ne citer que ces quelques ouvrages, ont tous paru entre 1973 et 1980. On note l'intérêt nouveau pour le moyen français ; il se manifestera avec plus d'éclat encore dans les années à venir, lorsque aboutira le grand projet de Diction naire du moyen français dirigé par R. Martin, qui utilise les moyens laissés disponibles par l'achèvement du TLF. En 1969, YIntroduction à la vie littéraire du Moyen Age de P.-Y. Badel (Bordas, 1969) offrait, sous une forme condensée et modeste, une approche limpide et nouvelle de la littérature médiévale, approche très marquée, on le verra, par la leçon des historiens. De nombreux manuels littéraires ont paru depuis. Citons seule ment, parce qu'il reflète assez bien les tendances du moment, le Précis de littérature française du Moyen Age, ouvrage collectif publié sous la direction de D. Poirion (PUF, 1982). Les bornes nationales de ce rapport nous interdisent malheureusement de nous appesantir sur l'événement dans la trop longue durée que constitue la lente progression du Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, mais le dernier volume paru, La Littérature française aux XIVe et XVe siècles, sous la direction de D. Poirion (Heidelberg, C. Winter, 1988), est entièrement français — ou à peine franco-belge. En revanche — et sans quitter les ouvrages de longue haleine — , il est permis de saluer la parution de deux nouveaux volumes de YHistoire littéraire de la France (Académie des inscriptions et belles-lettres, 1974 et 1981). Parmi la masse des publications nouvelles, les moins utiles ne sont certainement pas les éditions de textes. Dans ce domaine la France a tenu plus qu'honorablement sa place. La Société des anciens textes français continue à donner, à un rythme un peu lent peut-être, des éditions de très haute tenue. Les Classiques français du Moyen Age, dont le directeur, F. Lecoy, a largement payé de sa personne en éditant lui-même plusieurs textes essentiels, fournissent toujours à nos étudiants des textes sûrs et d'accès commode. Droz a ces dernières années mis à la disposi- 202 HISTOIRE LITTÉRAIRE tion de ceux que n'effraient pas les devises fortes bien des éditions françaises excellentes. Il n'est pas question d'énumérer ici tous ces travaux. Mais comment passer sous silence l'exploit d'A. Micha qui a, tout seul, publié intégralement le Lancelot en neuf volumes (Genève, Droz, 1978-1983)? uploads/Litterature/ zink-michel-histoire-litteraire.pdf
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- Publié le Sep 25, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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