1 n° 151/152 « Anthropologies de la littérature » format PDFLa sociocritique. D
1 n° 151/152 « Anthropologies de la littérature » format PDFLa sociocritique. Définition, histoire, concepts, voies d’avenirPierre PopovicAprès avoir fait litière de quelques vieux malentendus, cet article de synthèse décrit les avenues dela sociologie de la littérature pour mieux dégager ce qui, en dehors d’elles, fait la spécificité de lasociocritique sur le plan heuristique et épistémologique. Définie comme une perspective critiquesituant leur socialité au principe de la mise en forme des textes, la sociocritique s’est dotée enquelque quarante années d’existence d’un fonds considérable d’idées, de notions, de propositions,d’approches et de résultats. Un tableau détaillé en est proposé. La description des travaux denombreux et importants chercheurs en sociocritique (Claude Duchet, Edmond Cros, Pierre V. Zima,Philippe Hamon, Régime Robin, Marc Angenot, Stéphane Vachon, Michel Pierssens, Jean-FrançoisChassay, Pierre Popovic, Ursula et Jürgen Link, et al.) met en évidence les basesméthodologiques, les concepts élaborés et les articulations théoriques proposées. On examineensuite la convergence possible avecd’autres paradigmes (comme l’ethnocritique) pour finir sur « lasociocritique qui se fait » : nombre de publications récentes et nombre de thèses en cours permettentde signaler quelques-uns des plus prometteurs chantiers d’avenir.Mots-clés : état des lieux – sociocritique – sociologie de la littérature – Théorie littéraire – voisinagethéoriqueLes enjeux passés et futurs de l’imaginaire. Mythème, mythanalyse et mythocritiquePhilippe WalterLa notion d’imaginaire a pu accéder à une compréhension critique dès lors qu’il a été possibled’isoler, en mythologie, des éléments discrets (appelés mythèmes) en permettant l’analyse. Lesmythèmes forment la base des mythes, matrices de l’imaginaire humain. Ces mythèmes n’onttoutefois pas un statut comparable aux lexèmes ou sémèmes de la linguistique. Ils constituent uncomplexe d’éléments langagiers (phonétiques, sémantiques) autant que visuels relevant surtout del’anthropologie. On peut parler d’une verbo-iconicité de l’imaginaire qui reconnaît l’existence d’unevéritable « pensée par images », complémentaire (et non antithétique) de la pensée par concepts.L’existence d’images mnésiques précédant les actes de langage est postulée aux racines mêmes del’imaginaire humain. L’avenir de ces recherches passe désormais par les sciences cognitives,l’imagerie cérébrale et la théorie des fractales qui confirmeront ou infirmeront les intuitionsbachelardiennes sur la morphogénèse des images.Mots-clés : herméneutique – imagerie verbo- iconique – récurrence – mythanalyse – mythocritique– fractales« Il n’y a jamais que des contextes » Les communautés interprétatives de Stanley FishRaymond MichelLa critique littéraire adhère, en général, à un réquisit communément admis : tout texte possède descaractéristiques objectives, inhérentes et essentielles, qui déterminent l’interprétation que l’on peuten faire. Stanley Fish (Quand dire c’est faire. L’autorité des communautés interprétatives) rompt avecune telle conception qui présuppose la possibilité d’une adéquation entre nos discours et un réelpréexistant autonome. Il opère un double renversement. D’une part, déniant toute autorité au texte etrefusant l’existence d’un sens toujours déjà-là, il montre que les lecteurs n’interprètent pas les textes,mais qu’ils les fabriquent, les textes n’étant que ce qu’ils en font lorsqu’ils les lisent ; d’autre part,refusant toute dérive libertaire et idiosyncrasique qui hypostasierait le pouvoir d’un lecteur solipsiste,il reverse ce pouvoir de créer des textes aux communautés interprétatives auxquelles il estimpossible d’échapper. Celles-ci, en fournissant un contexte d’interprétation, régulent lescommentaires des lecteurs et leur donnent des cadres, nécessairement contraignants, d’intelligibilité.Une telle position anti-essentialiste, au-delà de son iconoclastie joyeuse, permet de repenserautrement la puissance ducontexte dans les processus d’interprétation et d’envisager, selon nous,comment peuvent se constituer et s’agencer de singulières communautés d’usage.Mots-clés : Stanley Fish – contexte – recontextualisation – critique 2 littéraire – esthétique pragmatique– Richard Rorty – anti-fondamentalisme – interprétation – lecteur- faiseur de textes – communautéinterprétative – communauté d’usageLittératures et formes de vieFlorent CosteLes études littéraires entretiennent avec les sciences sociales des relations qu’on pourrait qualifier de« faibles ». Sans doute le statut d’exception de l’œuvre littéraire conféré par l’héritage de l’idéalismeromantique la retranche-t-elle partiellement de la vie sociale. Ainsi se trouve bloquée ou empêchéetoute penséequi chercherait à rendre compte de son action, de son pouvoir ou de ses effets(immanents à la société). On se propose ici d’esquisser une anthropologie pragmatique de lalittérature, qui sans dégager des structures, des cultures ou des mentalités qui s’y transposeraient,viserait plutôt à décrire ses manières de s’inscrire dans le tissu du langage ordinaire, pour letransformer de l’intérieur. On s’appuie pour cela sur les deux notions fondamentales de la secondephilosophie wittgensteinienne : le jeu de langage et la forme de vie. Le texte n’est plus subordonnéau contexte, pas plus que les études littéraires ne sont soumises au magistère des sciencessociales. Parce que l’étude de la littérature consiste à décrire les effets du texte sur le contexte, ellepeut et doit prétendre – à égalité avec toutes les autres – au statut de science sociale. Les étudeslittéraires, si elles souscrivent à cette exigence anthropologique, doivent donc rechercher à élargirnotre sens et notre définition de la littérature en explorant des contrées lointaines (dans le temps oudans l’espace) et différentes (d’un point de vue générique ou technique) et en cultivant, à l’instar del’ethnographe, une attention particulièrement critique à l’égard de ses outils de description.Mots-clés : anthropologie – littérature – philosophie – pragmatique – jeu de langage – forme de vie– WittgensteinAnthropologie et narratologie croisées : à propos des héros de contes folkloriquesDaniel ArandaLa diversité des contes folkloriques merveilleux n'est pas un obstacle à une descriptionmorphogénétique de leurs héros. Considérés en masse, ces récits offrent en effet le spectacle d'unelente révolution narrative et axiologique des protagonistes. Ceux-ci passent sans solution decontinuité du type du héros monstrueux à celui du héros-victime, avec des solutionsintermédiaires comme celle d'un protagoniste à monstruosité réversible ou à culpabilité atténuée. Enparallèle l'histoire mute progressivement. Les versions les plus archaïques rapportent la coercitionvictorieuse qu'une communauté exerce sur un être malfaisant, et à l'autre extrémité les plusmodernes racontent comment une victime finit par triompher d'un entourage hostile. Ce doublebouleversement est la conséquence d'une mutation anthropologique faible mais déterminante :même si le conteur se limite à transférer les qualifications néfastes du héros à un autre acteur,l'innocence et non plus la culpabilité devient le principe qui commande sa conception du monde.Mots-clés : anthropologie – axiologie – conte folklorique – héros – morphogenèse – narratologieLa Princesse de Clèves et le processus de civilisationAnne LöcherbachNotre analyse du roman de Mme de Lafayette La Princesse de Clèves réfère à la théorie de N. Eliassur le processus (occidental) de civilisation et s’autorise principalement des travaux de R. Wild. Cecritique allemand a travaillé à transposer les concepts fondamentaux de la pensée éliasienne (culturecuriale, auto- contrôle, homo clausus, tensions civilisatrices, etc.) à la compréhension des grandesfonctions de la littérature (usage mimétique et usage critique). Notre propos se développe en deuxtemps – la fiction comme grammaire historique d’un comportement social et comme mise en scènedes apprentissages culturels de la maîtrise conflictuelle de soi, ses jeux, ses enjeux et ses coûts.C’est le destin de la figure centrale du roman – la jeune princesse de Clèves – qui est au cœur denos analyses qui croisent des corpus littéraires (le roman psychologique), des documents culturels(les traités de morale) et des travaux d’anthropologie historique (N. Elias, La civilisation des mœurset La Société de cour).Mots-clés : La Princesse de Clèves – civilisation des mœurs – Norbert Elias – culture curiale– moralistes – littérature et modèle comportemental – littérature et tensions culturelles – contrainteset auto-contrôle – destin de femme – interdisciplinaritéMésusages du don et interventions du surnaturel dans quelques textes des XIIe etXIIIe sièclesSophie AlbertL’article illustre les apports et les limites de l’anthropologie sociale pour l’étude de la littératuremédiévale, et montre la nécessité d’une historicisation des concepts issus de cette discipline. Pource faire, il étudie la question du don dans quatre textes des XIIe et XIIIe siècles qui 3 articulent unmésusage du don et l’intervention d’un être surnaturel. Le recours à la théorie de Marcel Mausss’avère possible et fructueux dans le cas de textes promouvant une culture de l’honneur comparableà celle des sociétés étudiées par l’anthropologue ; dans les autres cas, la question du don doit êtrereplacée dans le contexte des conceptions chrétiennes relatives aux biens matériels, aux échangeset à la charité. L’analyse fait apparaître que les textes ordonnent, dans la sphère de l’imaginaire,plusieurs fonctions sociales. D’une part, face à un dominant ayant manqué à ses devoirs delargesse, de charité ou de rétribution, se positionne un héros démuni : chevalier, clerc ou jongleur.D’autre part, face aux carences des biens et des acteurs terrestres, chaque texte met en scène unêtre surnaturel revêtu d’une fonction compensatoire, qui peut relever du merveilleux, du diaboliqueou du divin.Mots-clés : Moyen Age – Marie de France – Gautier Map – Rutebeuf – Légende du saint Voult– Marcel Mauss – don – surnaturel – largesse – avarice – charité – christianismeAmbivalences face à l’écrit sous la IIIe République : de Vallès à CélineJérôme MeizozNotre contribution porte sur l'ambivalence des écrivains, tout au long de la IIIe République, à l'égardde la culture écrite transmise par l'Ecole. A partir d'une analyse de la trilogie romanesque de JulesVallès (centrée sur L'Enfant) et jusqu'à Mort à crédit (1935) de L.-F. Céline, on s'efforce de montrerles contre-argumentations et les stratégies stylistiques opposées, dans les œuvres, au règne d’unelittératie qui se voudrait sans partage.Mots-clés : Jules Vallès – L'Enfant – L.-F. Céline – Mort à crédit – École – littératie – IIIe République– critique sociale – résistances culturelles uploads/Litterature/ anthropologies-de-la-litterature.pdf
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- Publié le Sep 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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