DELEUZE, GUATTARI ET MARX Isabelle Garo, Anne Sauvagnargues Presses Universitai
DELEUZE, GUATTARI ET MARX Isabelle Garo, Anne Sauvagnargues Presses Universitaires de France | « Actuel Marx » 2012/2 n° 52 | pages 11 à 27 ISSN 0994-4524 ISBN 9782130586999 DOI 10.3917/amx.052.0011 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2012-2-page-11.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) deleuze/ guattari Dossier coordonné par Guillaume SIBERTIN-BLANC © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) _ 12 _ deleuze/guattari Actuel Marx / no 52 / 2012 : Deleuze/Guattari Deleuze, Guattari et Marx Discussion avec Isabelle GARO et Anne SAUVAGNARGUES Dans ce dossier, le rapport de Deleuze et Guattari au Marxisme est appré- hendé principalement par l’intermédiaire de ces deux ouvrages majeurs que sont L’Anti-Œdipe et Mille plateaux. En guise d’introduction aux articles qui suivent, nous avons souhaité revenir sur la trajectoire spécifique de ces deux auteurs et sur la manière dont leur propre rapport à Marx s’inscrit dans une période où le signifiant « Marx » était surchargé d’enjeux théoriques et poli- tiques et objet de stratégies d’appropriation diverses. Nous avons interrogé à ce propos une spécialiste de Deleuze, Anne Sauvagnargues (Deleuze et l’art, PUF , 2005 ; Deleuze, l’empirisme transcendantal, PUF , 2008) et Isabelle Garo, spécialiste de Marx, qui vient de publier un ouvrage où Deleuze appa- raît comme l’une des figures symptomatiques des transformations du rapport à la politique qui caractérisent les années 1970 (Foucault, Deleuze, Althusser & Marx, Éditions Demopolis, 2011). Comment décririez-vous le rapport de Deleuze à Marx et au Marxisme avant sa rencontre avec Guattari ? Isabelle Garo (I. G.) : Le jeune Deleuze n’a jamais été tenté par une forme d’engagement militant ; il se révèle dès sa prime jeunesse un théo- ricien précoce et ambitieux, pas- sionné puis déçu par Sartre, lecteur fervent de Bergson, qui est pourtant identifié alors au spiritualisme uni- versitaire le plus conservateur, en- treprenant très tôt une critique de la famille et de l’État. Si l’on en juge par ce premier projet intellectuel, il faut admettre qu’une telle orienta- tion intellectuelle est d’entrée de jeu politique. En même temps, s’il est légitime de la qualifier ainsi, il faut aussitôt préciser que cette politique- là relève d’une tout autre modalité que l’adhésion à une organisation. C’est cette autre voie de la politique, cette modalité théorique de la poli- tique et, en retour, cette politisation singulière de la philosophie que va frayer et explorer Deleuze à partir de ce moment, par le biais de l’élabora- tion d’une œuvre savante et décalée, à la fois académique et rebelle. Pour le dire de façon lapidaire, c’est donc un certain rapport au communisme, qui passe par le refus de l’engagement mais aussi par le développement d’une sensibilité cri- tique, indiscutablement de gauche, qui précède et induit la rencontre de Marx et du marxisme, chez Deleuze. I. GARO, a. SAUVAGNARGUES, Deleuze, Guattari et Marx © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) _ 13 _ présentation DOSSIER interventions entretien livres Car il faut rappeler que rencontrer Marx, à cette époque, c’est d’abord rencontrer la culture communiste, qui s’en réclame et en assure la dif- fusion sous un mode spécifique. Cette promotion, du côté du Parti communiste principalement mais aussi d’autres courants de la gauche à un moindre degré, est elle-même complexe et contradictoire et j’y consacre une partie de mon livre : si Marx est une référence, ses œuvres sont pourtant rarement lues de fa- çon intégrale, et leur publication se fait lentement, devenant plus systé- matique seulement au début des an- nées 1970. Tout conduit à faire du nom de Marx un insigne, un sym- bole, bien plus que le nom propre de l’auteur d’une œuvre difficile et vaste. Enfin, Deleuze se situe aussi par rapport à cet autre pôle qu’est l’Université et la Faculté de philo- sophie : dans ce cadre-là, Marx n’est pas présent et sa mention peut jus- tement permettre d’y construire une voie intellectuelle originale. Pour toutes ces raisons, qui n’ont rien d’une stratégie tôt élaborée, mais qui émergent d’une biographie in- tellectuelle enracinée dans l’histoire qui la nourrit, Deleuze va aborder Marx et le marxisme de façon à la fois relativement tardive et puissam- ment originale. Il est frappant que la première mention de Marx se trouve dans un livre consacré à Nietzsche, Nietzsche et la philosophie, qui paraît en 1962. Mais ce livre reprend et développe une intuition bien plus ancienne qu’on rencontre dans le compte rendu que Deleuze avait consacré en 1954 à l’ouvrage de celui qui fut son professeur, Jean Hyppolite. Le livre d’Hyppolite, Logique et exis- tence, est consacré à la logique hé- gélienne. Dans cette note de lecture, Deleuze aborde la question de la dialectique et, plus précisément, celle de la contradiction, suggérant que celle-ci pourrait être « moins que la différence ». Or, dans la lo- gique hégélienne, la différence est un moment subordonné dans le processus qui conduit à l’émer- gence de la contradiction, carac- térisant la chose en propre. Cette remarque technique et, à première vue, sans enjeu politique est en réa- lité une première intervention dans le débat alors politiquement surdé- terminé qui concerne Hegel et sur- tout le rapport entre Hegel et Marx, question abordée plus frontalement par Althusser. Pour sa part, c’est de façon latérale que Deleuze s’inscrit dans ce débat, notamment via ce projet d’une confrontation à la dia- lectique hégélienne et marxienne, qu’il précisera par la suite. Passé ce premier épisode, la re- prise de la question dialectique et la première mention du nom de Marx a lieu en 1962, dans un livre consacré à un adversaire farouche de l’hégélianisme, Nietzsche, et qui n’aborde Marx qu’à titre d’auteur en apparence secondaire. Pourtant, la lecture deleuzienne de Nietzsche enveloppe très exactement et pré- cise un rapport critique à Marx, © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 24/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 191.119.147.8) _ 14 _ deleuze/guattari qui confère toute sa force propul- sive à la référence nietzschéenne et à son actualisation. Là encore, c’est bien une démarche politique, au sens large de ce terme, qui amène Deleuze à entreprendre la promo- tion d’un auteur comme Nietzsche (et Foucault se joindra à lui), dont les visées émancipatrices ne sont guère évidentes. À tel point que Deleuze tient à signaler que l’in- troduction de Nietzsche en France s’est effectuée par la gauche et non par la droite, c’est-à-dire par l’in- termédiaire du syndicalisme révo- lutionnaire de Charles Andler et Henri Albert qui, en effet, en firent le moyen d’une critique virulente mais quelque peu naïve et approxi- mative du marxisme. On peut considérer que la sin- gularité de Deleuze dans son rap- port à Marx se construit vraiment à ce moment-là, même si elle ne se résume pas aux thèses de ce livre, au moment de cette conjonction entre une approche politique, qui reste à l’arrière-plan mais demeure une constante, et la production d’une philosophie novatrice, qui promeut, de façon aussi stratégique que fondamentale, des auteurs alors hétérodoxes, oubliés ou rejetés hors de l’université. Marx fait partie de ces auteurs, mais de façon haute- ment paradoxale, car, dans le même temps, il est aussi un auteur officiel, aux yeux de Deleuze, en tant qu’il est porté par un courant politique alors puissant et central dans la vie politique française, le Parti commu- niste. De ce fait, la figure de Marx chez Deleuze reste marquée par une grande ambivalence. Régulièrement mentionné par Gilles Deleuze, sans jamais être analysé en tant que tel de façon précise, Marx sera tantôt valorisé, tantôt déconsidéré ou jugé obsolète, Deleuze prenant toujours à contre-pied le discours dominant, d’où qu’il vienne. Il faut d’ailleurs préciser que jamais Deleuze ne ver- sera dans l’antimarxisme dominant à partir du milieu des années 1970 et qu’il sera l’un des rares intellec- tuels français à s’opposer à l’opéra- tion des « nouveaux philosophes », à la différence de Michel Foucault, qui leur apportera son soutien. Anne Sauvagnargues, comment percevez-vous, pour votre part, ces rapports de Deleuze à Marx, avant uploads/Litterature/amx-052-0011.pdf
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- Publié le Fev 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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