Archives Proudhoniennes 2009 Publié avec le concours du Centre National du Livr
Archives Proudhoniennes 2009 Publié avec le concours du Centre National du Livre * Bulletin annuel de la Société P.-J.Proudhon 2 Sommaire Présentation générale………….......................................………… p. 3 1ère Partie : Deux articles de Jean Bancal……….….........……… p. 7 2ème Partie : Deux lettres inédites de Pierre-Joseph Proudhon issues de la donation de Jean Bancal et présentées par Chantal Gaillard........ p. 73 3ème Partie : Trois objets issus de la donation de Jean Bancal.....… p.105 ISSN : 1260-9390 © Société P.-J.Proudhon Paris 2009 3 Présentation générale Décédé le 15 août 2008, Jean Bancal fut le co-fondateur, au début des années 1980, avec Rosemarie Ferenczi et Bernard Voyenne, de la Société P.-J. Proudhon, dont il fut le premier président. Nous ne rappellerons pas ici des livres comme Proudhon, Pluralisme et autogestion (Aubier, 1992, en deux volumes), Proudhon et l’autogestion (Edition du Groupe Fresnes Antony de la Fédération anarchiste, 1980), L’économie des sociologues (PUF, 1974), ou encore les Œuvres choisies de Proudhon (Idées Gallimard, 1967). La carrière de Jean Bancal, qui passa de la pratique à la théorie, n’eût sans doute pas déplu à Proudhon : sa vie professionnelle commença dans l’industrie ; il entra ensuite au ministère des Finances, puis devint assistant de François Perroux au Collège de France, avant d’être professeur de Sociologie économique à la Sorbonne. Ce qui est moins connu est sa proximité avec la famille de Proudhon et notamment Suzanne Henneguy. Ils livrèrent ensemble le combat contre l'institut catholique qui, à la mort de Mgr Haubtmann entendait conserver les papiers divers que Suzanne Henneguy lui avait confié. C'est ainsi que ces manuscrits, dont les fameux carnets, purent être intégré au fonds de la bibliothèque nationale. En souvenir de cela 4 Suzanne Henneguy légua à Jean Bancal différents souvenirs familiaux en contrepartie de la création d'une association consacrée à l'œuvre de son grand père. C'est ainsi que la Société P.-J. Proudhon, cofondée par Jean Bancal, s'est à son tour trouvée héritière, grâce à l’amabilité de Madame Bancal, d’une partie de ce patrimoine familial (ouvrages dédicacés à la veuve et à la fille de Proudhon et objets décrits en troisième partie) ainsi que des dossiers de Jean Bancal réunissant ces travaux sur Proudhon. L'ensemble de ces livres et de ces manuscrits seront réunis, sous une appellation spéciale, au Fonds Proudhon que la Société P.-J. Proudhon a créé au Musée social. Ce numéro des archives proudhoniennes, nous permet de transmettre une partie de cette mémoire en rééditant, avec l’autorisation de sa veuve, deux articles de Jean Bancal qui sont devenus indisponibles. Le premier article porte sur La rencontre entre deux cultures. Proudhon et Tolstoï. Influence de Proudhon sur l’œuvre du grand créateur russe. Il provient de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon (extraits des procès-verbaux et mémoires, volume 181, années 1974-1975). Jean Bancal y traite, sinon de manière exhaustive (il y aurait fallu un livre entier…), du moins de manière détaillée et précise d’un thème que les biographes russes et français n’ont en règle générale que brièvement signalé : « l'intensité et de la constance de la fascination que la personne et l'œuvre de Proudhon exercèrent sur la personnalité et les ouvrages de Tolstoï ». 5 Le second article s’intitule Proudhon : démocratie, démopédie et république. Il provient d’un colloque tenu à Orléans les 4 et 5 septembre 1970 sur L’esprit républicain et publié en 1972 sous le même titre aux éditions Klincksieck avec une présentation de Jacques Viard. « Démocratie, c'est démopédie, éducation du peuple », écrivait Proudhon, cité par l’auteur. Dans ce 'fonds Bancal', nous avons également retrouvé les copies de deux lettres de Proudhon que nous publions accompagnées d'une présentation de Chantal Gaillard. Les deux lettres de Proudhon ne se trouvent ni dans les quatorze tomes de la Correspondance éditée par J. A. Langlois (édition Lacroix et Cie, Paris, 1875), ni dans les Lettres de Proudhon au citoyen Rolland éditées par Jacques Bompard (Grasset, 1946). Elles sont donc, semble-t-il, inédites. Elles sont adressées par Proudhon à des amis proches, Plumey et Rolland. La lettre à Plumey du 17 octobre 1852 a été envoyée à Jean Bancal par une personne dont nous n’avons pu retrouver la trace, à cause d’une adresse périmée (peut-être se signalera-t-elle à nous après avoir lu cette publication…). La lettre à Rolland du 15 octobre 1859 provient sans doute d’un don de Suzanne Henneguy, la petite-fille de Proudhon. Le lecteur retrouvera dans les deux lettres l’étonnante capacité du penseur à mêler, sur un ton familier, détails de la vie quotidienne, problèmes politiques internationaux et considérations philosophiques… 6 Enfin, nous présentons trois objets ayant appartenu à la famille Proudhon et qui faisaient partie de la donation : le rond de serviette de P.-J. Proudhon, le masque mortuaire de sa fille Charlotte et le buste de Marius Durst qui appartint à la famille de Proudhon. L'idée, nous est alors venue de faire réaliser un buste aux dimensions plus modestes que l'on pourrait diffuser à un certain nombre d'exemplaires pour commémorer le bicentenaire de la naissance de Proudhon. Société P.-J. Proudhon 7 Première partie : Articles 8 9 La rencontre de deux cultures : Proudhon et Tolstoï Influence de Proudhon sur l'œuvre du grand créateur russe Jean Bancal 1 Les critiques les plus qualifiés ont dit en leur temps tout le bien qu'il fallait penser d'un Tolstoï comme celui dépeint par Henri Troyat. À l'inverse des ouvrages qui avaient tenté de ne saisir qu'un aspect de ce « monstre » protéiforme, le kaléidoscope qu'Henri Troyat avait alors monté— tout en donnant les mécanismes et les couleurs de base —nous restituait une image dont le mouvant et les contours nous procuraient le sentiment complexe du réel et de l'expliqué. Le biographe renonçait à la statuaire. Par-delà l'œuvre, l'homme apparaissait pitoyable et magnifique, grand et bouffon, profondément attachant et puissamment antipathique, dans une lumière cruelle et crue. Et l'acteur, le grand acteur, le sublime acteur se découvrait alors dans l'ambiguïté de son rôle : « cabot de la sainteté » (R. Kanters), écrivant son Roman d'un tricheur, et auteur de l'humanité, vivant la tragédie d'un héroïsme. Au-delà des bandelettes, imprégnées des aromates de la dévotion et du goudron de l'exégèse, se dévoilait la personnalité « pâteuse », liquide de Tolstoï, celle d'un grand enfant génial jamais formé, celle d'un immense Bernard-l'hermite toujours en quête de nouveaux logements intellectuels et accumulant sur lui coquille sur coquille. D'où sa constante habitude de 1 Nous remercions Chantal Gaillard pour son travail de relecture et de correction du texte publié par l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon (extraits des procès-verbaux et mémoires, volume 181, années 1974-1975). Les notes de bas de page qui suivent sont de Jean Bancal. 10 se penser dans la pensée des autres, de s'y couler, de les agglomérer entre elles, de les déformer, et de s'en couvrir comme d'un manteau d'arlequin. D'où aussi cette immense disponibilité, cette pénétration à l'intérieur des personnages, cette reconstitution de la vie à partir de la vie. Une certaine « faiblesse » de Tolstoï comme penseur — sa magnificence comme écrivain — cette fascination pour des modèles vivants qu'il pille et déforme, faute de pouvoir s'y conformer, cette création continue d'êtres imaginaires ayant cette vie et cette vérité que son être véritable désire ardemment et refuse constamment, — toute cette contradiction existant entre sa faiblesse personnelle et sa force romanesque, s'expliquent par un même trait psychologique : ce que nous appellerons son hétéromorphisme. Ce fut un des mérites de certains livres, comme celui d'Henri Troyat, que de nous le faire pressentir. Mais toute biographie, même la meilleure, reste par nature monographie. Tout autre est l'optique que nous adoptons. Nous voudrions montrer, comment, par le jeu d'une influence déterminante, celle de Proudhon sur Tolstoï, deux grandes civilisations et deux grandes cultures se rencontrent, dialoguent et convergent par leurs sommets, comment deux immenses « phares », l'un typiquement français et l'autre typiquement russe, s'éclairent mutuellement pour projeter ensemble ces faisceaux de lumière qui, au-delà de toute frontière, tracent cette voie lactée des lettres, des arts et des sciences où l'homme prend sa dimension cosmique. Un patrimoine culturel, même le plus typique, est toujours universel. C'est ce que démontre cette influence-rencontre que bien des auteurs français, au contraire des critiques russes, ont si peu étudiée, voire complètement ignorée. Ce qui frappe lorsque l'on aborde cette question, c'est le manque apparent de documents qui s'y rattachent, et corollairement la brièveté des développements qui y sont consacrés. La généralité des biographes français de Tolstoï (dont la plupart semblent n'avoir qu'une faible connaissance de l'œuvre de Proudhon) font mention seulement de la visite de Tolstoï à Proudhon en mars 1861 et de l'emprunt qu'il lui fit du titre de son livre : la Guerre et la Paix. Rares sont ceux qui, comme Henri Troyat, citent la lettre de Proudhon à Chaudey. Et aucun avant lui n'avait mentionné une des phrases 11 frappantes que Proudhon prononça sur la Russie lors de ses entretiens avec Tolstoï. Mais ces faits tiennent en quelques lignes. Et cette étendue reflète à peu près celle des uploads/Litterature/archives-proudhoniennes-2009-bulletin-annuel-de-la-societe-p-j-proudhon.pdf