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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Les cercles littéraires entre pairs en première secondaire : étude des relations entre les modalités de lecture et de collaboration » Manon Hébert Revue des sciences de l'éducation, vol. 30, n° 3, 2004, p. 605-630. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/012084ar DOI: 10.7202/012084ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 20 janvier 2017 08:30 Revue des sciences de l’éducation, Vol. XXX, no 3, 2004, p. 605-630 Les cercles littéraires entre pairs en première secondaire : étude des relations entre les modalités de lecture et de collaboration Manon Hébert, professeure Université du Québec en Outaouais Résumé – Cette étude décrit la dynamique des interactions de nature sociale, métacognitive et cognitive dans les cercles littéraires en première secondaire ainsi que les différences entre les groupes « fort » et « régulier ». L’analyse des transcrip- tions de huit discussions révèle, sur le plan cognitif (ou du contenu discuté), que la compréhension littérale est le mode de lecture le plus employé, même si les modes esthétique et analytique entraînent plutôt des réfl exions plus élaborées. Sur le plan des interactions sociales, il appert que près de la moitié des échanges entre acteurs ont pour but de gérer la tâche et de rétroagir aux propos des pairs. Les groupes « forts » auraient tendance à adopter une modalité plus divergente de coélaboration du sens. Introduction Les approches collaboratives (ou enseignement-apprentissage par les pairs), qui tentent d’intégrer les multiples niveaux de fonctionnement de l’élève (cognitif, affectif, métaco- gnitif et social), auraient des effets nettement supérieurs aux approches individuelles traditionnelles pour l’apprentissage des mathématiques et de la langue maternelle (Peklaj et Vodopivec, 1999 ; Fuchs, Fuchs et Kazdan, 1999). Il ressort, entre autres des travaux de Vygotski (1985), que les processus mentaux de haut niveau, sur lesquels repose en grande partie la lecture littéraire, s’acquièrent par imitation et guidage. Ainsi, les tâches encou- rageant le dialogue et la collaboration (comme le journal dialogué et les cercles littéraires), en permettant aux élèves de générer, de comparer et de confronter leurs propres opinions et questions, favoriseraient la compréhension, l’interprétation et l’appréciation des textes littéraires en classe (Almasi, 1995 ; Pressley, Brown, El-Dinary et Afflerbach, 1995 ; Eeds et Wells, 1989). Mais comment de telles activités d’enseignement plus décentralisées peuvent-elles réellement soutenir l’apprentissage de la lecture littéraire dans le cas plus spécifique de l’œuvre intégrale en première secondaire ? 606 Revue des sciences de l’éducation Problématique La lecture littéraire à l’école : bref survol des différentes approches d’enseignement D’abord, qu’est-ce que l’apprentissage de la lecture littéraire ? Car si la littérature en classe constitue pour certains « la voie d’accès par excellence pour la formation de lecteurs réfléchis et créateurs » (Giasson, 1996, p. 53), il s’agit là d’un domaine d’enseignement encore insuffisamment circonscrit (Petitjean, 1990 ; Reuter, 1996). Ainsi, de nombreuses approches d’enseignement se sont chevauchées au cours des cinquante dernières années, selon que l’on a privilégié l’auteur, le texte ou l’élève lecteur. De manière très schématique, avant la démocratisation de l’enseignement, c’est une approche « sacralisante » qui domine dans les écoles d’enseignement secondaire au Québec : une approche essentiellement centrée sur les « bons » auteurs et les « beaux » textes, précieux objets utiles à la formation culturelle, morale et rhétorique d’une élite. Puis, et bien que toutes ces approches se chevauchent dans la réalité, on peut avancer que les années 1970 ont été marquées au sceau de la narratologie. Cela a entraîné l’abandon de l’histoire littéraire et de la rhétorique au profi t d’une approche structuraliste ou tech- niciste, essentiellement axée sur l’étude des structures narratives, souvent détachée de tout contexte (Langlade, 1991 ; Lebrun et Roy, 1999), et ce, au total détriment des aspects socioaffectif et culturel qui justifi ent pourtant en grande partie, selon nous, l’enseignement de la lecture littéraire à l’école. Parallèlement, l’approche communicative se préoccupe davantage des besoins langagiers des élèves. Le texte littéraire devient peu à peu un discours parmi d’autres et souvent un simple prétexte pour faire « communiquer » les élèves plutôt qu’un objet d’étude en lui-même. Enfi n, les années 1990 sont dominées par l’approche stratégique issue des théories cognitives, ce qui aboutit à une autre forme d’approche techniciste dans les classes, mais cette fois axée sur les structures cognitives du lecteur et où l’objet-texte est plus ou moins considéré comme un ensemble neutre d’informations à traiter et à mémoriser. Actuellement, les derniers programmes ministériels de français du primaire et du secondaire (ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 2001, 2003) tentent d’intégrer l’approche esthétique de la lecture, surtout centrée sur les réactions du lecteur. Dans cette approche développée par l’américaine Louise Rosenblatt (1994), à partir de certains principes issus du pragmatisme américain et des théories littéraires de la réception, le terme « esthétique » désigne cette posture qu’un lecteur adopte lorsqu’il s’engage dans la lecture afi n de vivre une expérience immédiate et imaginaire à travers une création artis- tique de langage. Ce type d’approche vise l’enrichissement du vécu et de l’imaginaire du lecteur et encourage fortement l’expression des réactions personnelles, qui sont considé- rées comme des indices d’engagement et de compréhension. Conséquemment, l’enseignant devrait d’abord amener l’élève à « vivre » le texte plutôt qu’à le résumer et à l’analyser, et ce, en incitant l’élève à faire des associations avec sa vie personnelle, à éprouver des sen- timents, à s’identifi er aux personnages et à leur témoigner de l’empathie, à prédire la suite des événements, à imaginer des paysages, des visages, etc. Outre le fait que, depuis 1995, la lecture d’au moins cinq œuvres complètes par année est prescrite au secondaire, tout semble indiquer que l’on cherche aujourd’hui à mieux 607 défi nir et évaluer la compétence littéraire dans les programmes ministériels. Cependant, et notamment dans le cas plus spécifi que de l’œuvre intégrale qui nous occupe, la jonction et l’opérationnalisation des approches stratégique et esthétique ne vont pas sans soulever plusieurs problèmes en classe de lecture du secondaire. Habiletés et habitudes de lecture des élèves de première secondaire L’un des principaux problèmes qui se pose aujourd’hui en didactique de la littérature est, selon Jocelyne Giasson, « de concilier, dans la pratique, les interventions visant la compré- hension des textes et la réaction à ceux-ci. Comment arriver à enseigner des stratégies de lecture tout en ne perdant pas de vue l’objectif réel de l’appréciation du texte littéraire ? » (2000, p. 12). Car, faut-il le rappeler, selon des résultats d’enquêtes françaises qui s’appliquent à dresser des portraits détaillés des élèves à leur entrée au secondaire, environ 50 % de ces élèves en seraient encore au stade de la reconnaissance des mots ou du décodage et 40 % ne dépasseraient pas la compréhension d’un texte simple (Leclercq, 1981 ; ministère de l’Édu- cation nationale, 1993). Par ailleurs, l’enquête internationale PISA indique que 27 % des élèves québécois âgés de 15 ans ne dépassent pas le niveau de l’inférence simple et que seulement 45 % d’entre eux peuvent réussir des tâches de lecture complexes, comme interpréter le sens à partir de nuances de la langue et évaluer de manière critique un texte (PISA, 2001). Pour ce qui est de la lecture d’œuvres littéraires, même si la plupart des élèves de la fi n du primaire et du début du secondaire disent aimer lire, plus de 50 % avouent ne pas lire du tout ou rarement des romans en dehors de l’école (Gervais, 1997 ; Soussi, 1995 ; MEQ, 1994a). De plus, comme l’école primaire privilégie surtout la lecture/plaisir, les élèves arrivent au secondaire en ayant très peu lu de textes plus résistants, c’est-à-dire de nature à susciter un travail sur le texte ou un début de distanciation (Sorin, 2001). Ce décalage exigerait d’eux un « saut qualitatif que la plupart ne peuvent franchir » (Tauveron, 1999, p. 12). Journal dialogué et cercle de lecture : des dispositifs didactiques encore mal connus pour la construction progressive du sens en lecture Selon les principes de l’approche esthétique, le premier objectif d’enseignement en lecture littéraire devrait être d’encourager la prise de conscience par l’élève et par le groupe de la nature évolutive de leurs processus de compréhension et de la pluralité des interprétations (Rosenblatt, 1982). Or il n’est pas certain que le type de tâches traditionnellement associées à la lecture littéraire dans les classes, comme les questionnaires de compréhension factuels et les résumés de lecture, favorisent l’atteinte de cet objectif ou le passage au « qualitatif » (Veck, uploads/Litterature/cercles-litteraires.pdf

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