1 CLÉS DU GENRE ROMANESQUE I. INCIPIT ET DENOUEMENT Le début et la fin d’un rom
1 CLÉS DU GENRE ROMANESQUE I. INCIPIT ET DENOUEMENT Le début et la fin d’un roman sont des lieux stratégiques, comme au théâtre l’exposition et le dénouement de l’intrigue. A. Les promesses de l’incipit Le titre des œuvres manuscrites était souvent précédé de la mention latine Incipit, « Ici commence », qui désigne aujourd’hui le début d’un texte. Le seuil du roman est un moment déterminant dans la poursuite de la lecture, où le romancier peut jouer des attentes suscitées par le titre et les habitudes de lecture. • Définissant la situation initiale, l’incipit met en place un cadre spatio-temporel qui contribue à créer l’illusion réaliste, mais sait aussi revêtir une valeur symbolique. Le début peut se situer au cœur d’une action déjà commencée, in medias res, dans un puissant effet de dramatisation. La présentation du héros est essentielle, qu’elle soit explicite ou énigmatique, qu’elle vise à guider le lecteur ou à le désorienter. • L’art romanesque de l’auteur transparaît dès les premières lignes : le romancier y annonce sa conception du genre, et se situe parfois de manière critique, ironique, provocatrice dans l’histoire littéraire. B. Le sens du dénouement Le dénouement est, lui aussi, un moment capital : outre son intérêt dramatique (l’intrigue est dénouée, les problèmes sont résolus, les destins scellés), on peut être tenté d’y déchiffrer un sens final de l’œuvre. Mais un dénouement est un lieu à la fois fermé (puisqu’il figure un aboutissement) et ouvert (par sa dimension symbolique, ou le mouvement qu’il esquisse vers une suite virtuelles). • Le dénouement moral : dans la littérature édifiante le bon l’emporte toujours sur le méchant, pour inspirer confiance au peuple dans l’ordre public ; dans le conte pour enfants, la structure du récit (séparation d’avec les parents, obstacles, solution trouvée) et sa fin heureuse indiquent à l’enfant qu’il réussira à trouver son chemin dans le monde adulte. • Le dénouement réaliste : Il ne montre pas le monde tel qu’il devrait être, mais tel qu’il est : par ses valeurs émotive et démonstrative, il amène le lecteur à s’interroger sur ce monde. Dans Germinal de Zola, l’échec de la grève des mineurs traduit la situation de la classe ouvrière encore peu organisée. Dans Bel-Ami, le succès de Duroy est immoral, mais conforme à la logique du personnage et de l’époque, dont Maupassant pointe le cynisme. Le réalisme n’exclut pas le symbolisme : la fin, en apparence anodine, ou l’échec final s’ouvrent sur une signification ou une suite qui les dépassent. 2 • Le « non-dénouement» : le dénouement peut être en contradiction avec la logique interne de l’œuvre, ainsi pour les fins heureuses qui sont parfois plaquées pour satisfaire le goût du public. Le dénouement en boucle, lui, peut, de manière troublante, ramener à la situation initiale, laissant l’interprétation ouverte. II. DESCRIPTION ET PORTRAIT Leur usage a évolué dans l’histoire littéraire. On distinguait à l’origine les descriptions de personnages (portraits), de choses (combats, incendies, naufrages…), de lieux, de temps… La poésie et la fiction modernes décrivent surtout les objets, les lieux et les personnages. A. La description • La structure de la description ne suit pas de plan obligé. Elle peut prendre la forme d’une énumération systématique de détails, d’un article de dictionnaire, ou s’inscrire discrètement entre les lignes de la narration. Mais dans tous les cas il y a composition, ne serait-ce que par la mise en situation de l’objet parmi d’autres. • Les marques de la description sont: - le temps employé : l’imparfait dans un récit au passé ou la présent, marquant la simultanéité ; - éventuellement des repères temporels, servant à situer le moment de la perception ; - les repères spatiaux, permettent de situer les lieux, les objets, les personnages les uns par rapport aux autres dans un souci de composition picturale ; - le lexique : noms et adjectifs caractérisant la chose décrite ; verbes d’état ou de mouvement ; champs lexicaux des sensations. • Le point de vue rend la description : - subjective, selon le point de vue d’un personnage ou du poète, dans la littérature romantique par exemple ; - objective, selon un point de vue omniscient ou externe, chez Flaubert ou Balzac, par exemple. • Le mouvement peut dynamiser la description : Contrairement au tableau, elle peut effectuer des mouvements de rapprochement, d’éloignement, de balayage horizontal ou vertical. Elle peut partir d’une vue d’ensemble pour se focaliser sur un détail, ou l’inverse, dans une sorte de « mouvement de caméra ». • Les fonctions de la description sont multiples : - argumentative : c’est la fonction originaire de la description, qui montre les qualités ou les défauts d’une chose ou d’un être ; ainsi dans la littérature religieuse, et selon une tradition remontant à l’Antiquité, le locus amoenus, représentation d’un « lieu idyllique » s’oppose au locus terribilis (escarpement, aridité, nature hostile), opposition qui figure les caractéristiques respectives du Paradis et de l’Enfer ; - narrative : la description caractérise les lieux et les personnages sur lesquels elle fournit des indices précieux pour la compréhension de l’histoire ; 3 - informative, réaliste : dans les récits de voyage ou les romans, elle communique un savoir sur le réel. Dans la fiction, elle crée un « effet de réel » qui assure l’illusion réaliste. Elle devient une sorte de photographie de l’objet décrit et prend petit à petit au XIXème siècle autant d’importance que la narration et le dialogue ; - symbolique : elle peut figurer un état d’âme, ou un certain rapport (social, économique, métaphysique) du personnage au monde extérieur ; - poétique : l’idéal de la description a longuement été de réaliser un tableau vivant (ou hypotypose). La description tend alors à acquérir un statut autonome de prose poétique. B. Le portrait Cas particulier de la description appliqué aux personnages, le genre du portrait, élogieux ou satirique, est très en vogue au XVIIème siècle où il devient un véritable jeu de société, proche du caractère (peinture d’un type moral). Mais c’est dans les romans du XIXème siècle qu’il connait son heure de gloire. Il obéit à une logique de la classification, de l’énumération et du type, et remplit les mêmes fonctions que la description. Dans le roman, il sert à définir le personnage selon des critères croisés : - physique : les traits du visage, l’allure et le maintien du corps sont révélateurs ; - psychologiques et moraux : le narrateur informe le lecteur sur les sentiments, les traits de caractères, les pensées du personnage ; - sociaux : le personnage reflète son milieu (par ses vêtements, son métier, son langage, son idéologie). Au XXème siècle, tandis que se développent le positivisme et l’expérimentalisme, les portraits, chez Balzac, se font l’écho du goût pour la physiognomonie, ‘art d’examiner et de reconnaître le caractère d’après le physique », renouvelé par Lavater. III. ACTION ET TEMPS DANS LE RECIT Dans une œuvre narrative, on distingue le temps de l’Histoire, époque dans laquelle s’inscrivent les faits (La Princesse de Clèves a pour cadre le règne d’Henri II au XVIème siècle), et le temps de l’histoire, sa durée, incluse dans l’époque historique (l’intrigue de La Princesse de Clèves se borne aux années 1558-1889). Ce temps ne se confond pas avec le temps de l’écriture, date présumée de rédaction de l’œuvre (1671-1678 pour La Princesse de Clèves, soit plus d’un siècle de décalage) : les récits, souvent écrits au passé adoptent un point de vue rétrospectif. Les temps grammaticaux sont, eux, les outils du langage permettant le récit d’une histoire. A. TEMPS DE L’ACTION, TEMPS DE LA NARRATION L’ordre du récit Le récit, ou narration, qui n’est pas propre au roman, consiste à relater des faits par oral ou par écrit. L’histoire désigne la succession des faits ou des évènements dont on fait le récit. Il convient donc de distinguer le temps de l’histoire (la chose racontée) et le temps du récit (la narration). Le temps de l’histoire peut occuper une place antérieure, simultanée ou ultérieure par rapport au temps de la narration. D’où de nombreuses combinaisons narratives. Structure et progression 4 Un récit n’est pas toujours linéaire : il peut comporter des épisodes intercalés, des anachronies. On parle d’analepse pour un retour en arrière ou rétrospection (comme au cinéma le flash-back) et de prolepse pour l’anticipation du récit sur l’action. On nomme digression tout développement parasite : c’est le cas des remarques adventices émanant des personnages ou du narrateur dans Jacques le Fataliste. Les effets de fréquence Etudiant les « relations de fréquence » entre les évènements narrés et les récits, le critique Gérard Genette observe qu’on peut « raconter une fois ce qui s’est passé une fois » (récit singulatif), ou « une fois ce qui s’est passé n fois » (récit itératif). L’écrivain en tire des effets particuliers qu’il convient d’analyser. B. LE TEMPO OU RYTHME Un récit ne peut pas tout raconter au même rythme. Dans les scènes, le temps de la narration coïncide à peu près avec celui de l’action – c’est le cas du uploads/Litterature/cles-du-roman.pdf
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- Publié le Mar 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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