Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-
Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0) Sens-Public, 2015 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 20 jan. 2023 07:53 Sens public Double face : Temps et Espace dans Persona d'Ingmar Bergman et Le Miroir d'Andreï Tarkovski Jean-Yves Heurtebise 2015 Je e(s)t un Autre - Philosophie et Esthétiques du dédoublement URI : https://id.erudit.org/iderudit/1040017ar DOI : https://doi.org/10.7202/1040017ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département des littératures de langue française ISSN 2104-3272 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Heurtebise, J.-Y. (2015). Double face : Temps et Espace dans Persona d'Ingmar Bergman et Le Miroir d'Andreï Tarkovski. Sens public. https://doi.org/10.7202/1040017ar Résumé de l'article Notre but dans cet article sera d’extraire de l’étude combinée du Miroir de Tarkovski et de Persona de Bergman, un nouveau cadre transcendantal de la perception sensible de l’espace et du temps. Nous verrons comment au temps linéaire et chronologique, Tarkovski substitue à travers son film un temps sédimentaire où le passé, le présent et le futur coexistent, et comment à l’espace fait de blocs indépendants et séparés, Bergman suggère à travers Persona, l’existence d’un espace fait de niveaux de réalités qui se chevauchent. Cette perception radicalement transformée de l’espace et du temps introduit dans le sujet une profonde mutation de la subjectivité que le spectateur expérimente à travers le cinéma. Revue internationale International Web Journal www.sens-public.org Double face : temps et espace dans Persona d'Ingmar Bergman et Le Miroir d'Andreï Tarkovski JEAN-YVES HEURTEBISE Résumé : Notre but dans cet article sera d’extraire de l’étude combinée du Miroir de Tarkovski et de Persona de Bergman, un nouveau cadre transcendantal de la perception sensible de l’espace et du temps. Nous verrons comment au temps linéaire et chronologique, Tarkovski substitue à travers son film un temps sédimentaire où le passé, le présent et le futur coexistent, et comment à l’espace fait de blocs indépendants et séparés, Bergman suggère à travers Persona, l’existence d’un espace fait de niveaux de réalités qui se chevauchent. Cette perception radicalement transformée de l’espace et du temps introduit dans le sujet une profonde mutation de la subjectivité que le spectateur expérimente à travers le cinéma. Mots clés : temps, espace, miroir, double, Bergman, Tarkovski, cinéma. Abstract : This paper aims at providing a comparative philosophical analysis of Bergman’s Persona and Tarkovski’s The Miror centered on the notions of space and time. A philosophical analysis of a film proposes to understand better its visual meaning via philosophical concepts: both films offer a unique occasion to rethink our presence to the world now (time) and here (space). Keywords: time, space, mirror, double, look-alike, Bergman, Tarkovski, cinema. Contact : redaction@sens-public.org Double face : Temps et Espace dans Persona d'Ingmar Bergman et Le Miroir d'Andreï Tarkovski Jean-Yves Heurtebise e Miroir et Persona ont en commun d’être considérés comme deux chefs d’œuvre incontestés du septième art ; ils ont aussi en commun d’être considérés par leurs auteurs eux-mêmes comme étant une de leurs œuvres les plus réussies sur le plan esthétique en même temps que la plus empreinte de résonances intimes 1. Enfin, ces deux œuvres se situent pratiquement au mitan de la carrière des deux réalisateurs. L Bien entendu, ces œuvres engagent et expriment des styles de cinéma fort différents. Chez Andreï Tarkovski, le cinéma semble proposer au spectateur un espace sanctuarisé de contemplation ; chez Ingmar Bergman, le cinéma semble lui proposer une expérience de vie intense, dramatique (au sens de drama), voire traumatique. Chez l’un, le cinéma cherche à rivaliser avec la musique et la peinture ; chez l’autre, il semble revenir aux sources tragiques d’un théâtre cathartique2. Enfin, Persona semble traduire par sa violence émotive l’intensité explosive des années 1960 tandis que Le Miroir exprimerait par son errance mnésique le flottement sensoriel des années 1970. Pour autant il y a quelque chose qui relie en profondeur ces deux films, c’est l’expression originale et créatrice de la perception du temps et de l’espace. On sait que Tarkovski croit à l’existence d’une articulation essentielle entre Cinéma et Temps : « On peut s’imaginer un film sans acteurs, sans musique, sans décors et avec juste la sensation du temps qui s’écoule dans le plan. Et ce serait du véritable cinéma3. » De fait, Le Miroir de Tarkovski introduit une nouvelle 1 Bergman disait ainsi : « Aujourd’hui, il me semble que je suis allé avec Persona au plus loin de ce que je souhaitais réaliser […] J’ai dit que Persona m’avait sauvé la vie. C’était sans exagération », in Vermilye, Jerry, Ingmar Bergman: his life and films, MacFarland & Company, 2002, p. 123 – nous traduisons. Sur le sentiment de réussite personnel de l’auteur par rapport à son film, voir Tarkovski, Andrei, Sculpting in Time, University of Texas Press, 2003, p. 133. Sur le caractère autobiographique, voir Andrei Tarkovsky, Time Within Time: The Diaries 1970-1986, Calcutta, Seagull Books, p. 367. 2 Singer, Irving, Ingmar Bergman, cinematic philosopher: reflections on his creativity, MIT Press Book, 2007, p. 57: « L’intrigue entière de Persona peut être vue comme découlant de la référence constante aux arts de la scène, par le média desquels, que ce soit dans une salle de théâtre ou de cinéma, Bergman communique à son audience. » – nous traduisons. 3 Tarkovski 1973 : Andrei Tarkovski, « De la figure cinématographique », Positif, 149 : 29-38, 1973. Publication de l'article en ligne : 2015/03 http://www.sens-public.org/spip.php?article1148 © Sens Public | 2 JEAN-YVES HEURTEBISE Double-face : Temps et Espace dans Persona de Bergman et Le Miroir de Tarkovski manière de penser/sentir le Temps : non seulement le temps qui s’écoule dans le plan mais le plan qui se structure selon les rythmes différents du temps. Ce que nous permet le film Le Miroir de Tarkovski, c’est de penser le Temps autrement. De même le film de Bergman, Persona, explore les facettes insoupçonnées de la perception humaine de l’espace et, plus encore, les dimensions cachées de la présence subjective au monde. Notre but dans cet article sera donc d’extraire de l’étude combinée du Miroir de Tarkovski et de Persona de Bergman, un nouveau cadre transcendantal de la perception sensible de l’espace et du temps. Nous verrons comment au temps linéaire et chronologique, Tarkovski substitue à travers son film, un temps sédimentaire où le passé, le présent et le futur coexistent et comment à l’espace fait de blocs indépendants et séparés, Bergman suggère à travers Persona, l’existence d’un espace fait de niveaux de réalités qui se chevauchent. Cette perception radicalement transformée de l’espace et du temps introduit dans le sujet une profonde mutation de la subjectivité que le spectateur expérimente à travers le cinéma. Le Miroir Le Miroir est le quatrième long métrage de Tarkovski (après L’Enfance d’Ivan, 1962, Andreï Roublev, 1966, et Solaris, 1972). De tous ses films, Le Miroir est celui auquel il semblait le plus attaché4 et qu’il présentait comme étant également le plus autobiographique (de fait le premier titre proposé pour le film fut Confession5). Dans Le Miroir, à partir d’un scénario qui tiendrait en une ligne (« Aliocha, un réalisateur mourant, revoit sa vie passée et revit, dans un désordre apparent, ses souvenirs d’enfance »), le cinéma semble avoir produit une de ses œuvres les plus abouties. Ce qui nous intéressera particulièrement, c’est la manière dont le film nous permet de repenser l’intuition sensible du temps et de mettre à jour les conditions de possibilités relativistes par lesquelles notre regard ouvre une fenêtre temporelle sur le monde. Le Miroir présente trois coupes du temps distinctes, réunies par des liens qui tiennent à la fois du souvenir, de l’archive et du rêve6 : le narrateur à l’âge de cinq ans en 1935, le narrateur adolescent durant la Deuxième Guerre Mondiale et le narrateur adulte, au présent (années 1970), devenu invisible pour le spectateur. Sur le plan biographique, il convient de rappeler certains faits. 4 Tarkovski, Andrei, Sculpting in Time, University of Texas Press, 2003, p. 133. 5 Johnson, Vida T. & Petrie, Graham, The films of Andrei Tarkovsky: a visual fugue, Indiana University Press, 1994. 6 Voir Michel Estève – « Le temps du souvenir : note sur Le Miroir » in Etudes cinématographiques n°135/138 : « Andreï Tarkovsky », Minard, 1986. Publication de l'article en ligne : 2015/03 http://www.sens-public.org/spip.php?article1148 © Sens Public | 3 JEAN-YVES HEURTEBISE Double-face : Temps et Espace dans Persona de Bergman et Le Miroir de Tarkovski Tarkovski est issu d’une très ancienne famille russe, plus exactement d’une des grandes familles qui gouvernèrent la province du Dagestan situé à Extrême Sud-Ouest de la Russie, en contact avec l’Iran, l’Azerbaïdjan (les Tarkovski se rattacheraient en lignée directe à l’oncle du prophète Mahomet). Il est né à Zavraje, uploads/Litterature/double-face-jean-yves-heurtebise.pdf
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- Publié le Jul 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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