153 Anna Ledwina Université d’Opole, Pologne aledwina@uni.opole.pl Résumé : Écr

153 Anna Ledwina Université d’Opole, Pologne aledwina@uni.opole.pl Résumé : Écrire pour Simone de de Beauvoir, c’est vouloir reprendre à son compte toute la richesse du monde pour le justifier. Elle tente dans le roman et dans l’autobiographie de créer un monde imaginaire pour le rendre plus clair et plus signifiant. Son oeuvre illustre la quête de l’identité par la femme cherchant dans l’écriture un moyen de réaliser ses aspirations et de trouver la liberté tant dans le domaine professionnel que celui privé. Le besoin de se raconter reste indissociable du désir d’être, afin de se « faire exister » en transmettant aux autres son expérience authentique. La modernité beauvoirienne s’exprime par l’individualité, manifestant sa volonté de « changer le monde ». L’essayiste présente l’esthétique moderne, selon laquelle l’écriture est création d’une image du réel qui en dégage le sens réinventé. Mots-clés : Femme indépendante, vocation littéraire, conscience, sens, liberté, nécessité, travail, identité, désir d’être, philosophie existentialiste Abstract: For Simone de Beauvoir, the art of writing is a conscious desire and a need leading to the understanding and expression of the world’s complexity and wealth. To make reality more lucid and illuminate it with a deeper meaning, the author allows in her novels and autobiographical works elements of her imagination. Thus, de Beauvoir’s output becomes a search for identity by a woman who views literature as a way to artistic and sexual fulfillment. The need to recount oneself and last becomes an intrinsic facet of her output; in this way, the author wants to become known so that she can share her experiences with others. Beauvoir’s uniqueness manifests itself also in the individualism, displaying the author’s desire to change the world. To this end, she conceives a modern esthetics, according to which writing is an interpretation of reality conveying a highlighted message. Key words: Independent woman, Vocation to be a writer, Consciousness, Meaning, Liberty, Necessity, Work, Identity, Desire for existence, Existentialist philosophy Écrivaine, intellectuelle, philosophe, compagne de Jean-Paul Sartre, et chef de file des féministes, Simone de Beauvoir (1908-1986) reste l’une des femmes les plus influentes du XXe siècle (Moi, 1995 : 2), dont elle a marqué la deuxième moitié d’une profonde empreinte en voulant « changer le monde ». Ses ouvrages, Le sens selon Simone de Beauvoir : écrire pour se dire et communiquer avec les autres Synergies Pologne n°6 - 2009 pp. 153-160 154 brisant les tabous, témoignent de sa soif de liberté et d’action, et leur apport paraît inappréciable. Figure emblématique des intellectuelles, elle accomplit sa vie de femme et d’écrivaine avec une indomptable énergie. Personnage à la fois engagé dans la vie et dans l’amour, dans la pensée et dans la politique, mais toujours avec un retrait serein, un regard sur le monde et sur soi qui fait de Simone de Beauvoir, un témoin d’importance, la narratrice de son temps. Notre but est de démontrer que la création beauvoirienne prend acte d’une démarche profonde car elle présente l’épanouissement de la femme cherchant dans l’écriture le sens de son existence, un moyen de réaliser ses aspirations et de trouver la liberté. Étant donné la complexité du problème, ainsi que l’ampleur de l’oeuvre de Simone de Beauvoir , notre propos se concentrera sur ses textes autobiographiques, en mettant en valeur la recherche de l’indépendance et la volonté d’écrire chez la romancière qui avait l’ambition de tout dire et de tout penser (Deguy, 2008). En nous référant aux fragments choisis en fonction de leur originalité littéraire, nous porterons une attention particulière sur la prise de conscience par la femme qui considérait la création comme l’élaboration d’un univers personnel. À la lecture de ses mémoires, Simone de Beauvoir nous apparaît comme une femme sensible, éprise d’absolu. C’est toute la richesse de cet ouvrage de faire découvrir la femme de lettres qui était bien plus que la prêtresse du féminisme. Ses mémoires sont l’occasion, non d’un exercice narcissique d’autosatisfaction mais, tout en parlant de soi, de glorifier la liberté et de réinterpréter une partie de ses actions. L’essayiste a construit sa vie grâce à ses mémoires. Dans l’optique de Beauvoir celle-ci doit mener quelque part, et elle l’affirme dès son plus jeune âge : « Ma vie à moi mènera quelque part » (Beauvoir , 1958 : 145). L’écriture quotidienne du moi lui permet d’avoir l’impression de relater les différents moments de son existence. Toutefois les deux premierès parties du cycle autobiographique : Les Mémoires d’une jeune fille rangée (1958) et La Force de l’âge (1960) ont la particularité de lier synchronie et diachronie puisque Simone de Beauvoir utilise son journal pour écrire ses mémoires et expliquer sa quête du sens. Elle écrit son autobiographie à la façon des grandes autobiographies romantiques. Tout comme le Bildungsroman, le lecteur découvre le sens de la vie de Simone de Beauvoir en suivant le devenir de son existence. Le sens de celle-ci n’est pas donné d’avance mais se découvre petit à petit. La quête du sens est toutefois facilitée par une grande ligne directrice dont la romancière a conscience très tôt. La jeune fille veut se perfectionner, progresser dans l’existence. Dans Tout compte fait (1972), qui résume toute son entreprise autobiographique, l’écrivaine affirme : « À travers toute mon enfance et ma jeunesse ma vie avait un sens clair : l’âge adulte en était le but et la raison. (...) C’est pourquoi Les Mémoires d’une jeune fille rangée ont une unité romanesque qui manque aux volumes suivants. Comme dans les romans d’apprentissage du début à la fin le temps coule avec rigueur » (Beauvoir, 1972 : 14). Tout au long des Mémoires d’une jeune fille rangée et La Force de l’âge, l’auteure cherche le fil conducteur de sa vie : « Il m’a fallu prendre un certain nombre de décisions mais là encore, il ne me semble pas avoir opté : j’ai suivi Synergies Pologne n° 6 - 2009 pp. 153-160 Anna Ledwina 155 impérieusement le chemin que m’indiquait mon passé » (Beauvoir, 1960 : 22). Cette volonté de voir la vie comme une continuelle ascension lui fait écrire au sujet de ses rêveries alors qu’elle est âgée de quinze ans : « Je pensais à moi du dedans comme à une personne en train de se faire, et j’avais l’ambition de progresser à l’infini, l’élu, je le voyais du dedans comme une personne achevée... » (Beauvoir, 1958 : 209). Simone de Beauvoir cherche constamment le sens de son existence. Pour ce faire, elle s’assigne des projets successifs qui lui fixent des buts et redéfinissent sa vie à neuf, conciliant ses goûts, ses valeurs et son statut d’être mortel. Petite fille, elle veut servir Dieu et obéir parfaitement à ses parents. Elle apprend à lire, à compter pour satisfaire son père, et elle remplit avec exactitude ses devoirs de chrétienne pour plaire à sa mère. La jeune Simone s’adonne à ses études qui lui fournissent un nouveau projet : elle doit devenir la meilleure élève du cours Désir . Les études sont un point de repère tellement essentiel dans son existence. Elles permettent de noter les progrès au moyen des grades scolaires que la jeune fille franchit étape par étape afin d’avancer : « Le trimestre s’acheva. (…) C’était agréable d’aller vite et de réussir » (Beauvoir , 1958 : 396). Cette volonté de progresser à l’infini, lui fait refuser le destin des femmes de la bourgeoisie française des années vingt : se marier et devenir mère. Nous assistons ici à l’émergence de la pensée développée par l’auteure dans Le Deuxième Sexe (1949) : « J’avais décidé depuis longtemps de consacrer ma vie à des travaux intellectuels. Zaza me scandalisa en déclarant d’un ton provoquant : “mettre au monde des enfants ça vaut bien autant que d’écrire des livres”. Je ne voyais pas de commune mesure entre ces destins. Avoir des enfants qui à leur tour auraient des enfants, c’était rabâcher à l’infini, la même ennuyeuse ritournelle ; le savant, l’écrivain, le penseur , l’artiste créaient un autre monde lumineux et joyeux, où tout avait sa raison d’être » (Beauvoir , 1958 : 234). L’étude constitue une nécessité et donne encore plus un sens à sa vie lorsque la petite fille se résout à enseigner . Elle transmet ses connaissances à ses poupées et à sa soeur : « Ce qui m’importait c’était de former des esprits et des âmes (…)» (Beauvoir , 1958 : 79). Grâce à l’étude, l’écrivaine apprend l’indépendance, et elle se révolte contre ses parents. Le sens qu’elle veut donner à sa vie, elle doit le trouver seule dans l’accomplissement total de toutes ses potentialités. Elle choisit alors de se perfectionner et de perfectionner l’autre. Elle trouve son but dans l’enseignement. Toutefois ce nouveau projet est satisfaisant jusqu’à ce qu’elle rencontre Élizabeth Mabille, appelée Zaza, qui est dotée d’un caractère original. Simone de Beauvoir est totalement perdue vis-à-vis de sa nouvelle amie qui lui révèle qu’elle n’est pas la représentation de l’absolu qu’elle croyait être. Elle modifie alors son projet en décidant de rester la meilleure amie de Zaza et de uploads/Litterature/etude-stylistique-sb.pdf

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