JEAN TROUILLARD- PIERRE HADOT- HEINRICH Di:iRRIE FERNAND BRUNN:ER - MAURICE DE

JEAN TROUILLARD- PIERRE HADOT- HEINRICH Di:iRRIE FERNAND BRUNN:ER - MAURICE DE GANDILLAC - STANISLAS BRETON ÉTUDES NÉOPLATONICIENNES LANGAGES A LA BACONN lÈRE - NEUCHATEL © 1973, Revue de Théologie et de Philosophie, Lausanne, Suisse AVERTISSEMENT La présente publication reprend les articles parus dans le numéro II- 1973 de la Revue de Théologie et de Philosophie. Ce numéro réunit les conférences données pendant l'année 1971-1972 à l'Université de Neuchâtel, dans le cadre d'un des séminaires romands de philosophie, dits de troisième cycle et groupant des participants des Universités de Fribourg, Genève, Lausanne et Neuchâtel. Le séminaire, présidé par M. Fernand Brunner, était consacré au néoplatonisme 1 • Les conférences se suivent ici dans l'ordre suggéré par leur contenu et, après chacune d'elles, on trouvera la liste des travaux de son auteur, relatifs au néoplatonisme ou à sa sphère d'influence. Nous remercions nos collègues étrangers de nous avoir donné l'autorisation de publier leur texte: MM. Jean Trouillard et Stanislas Breton, de l'Institut catholique de Paris ; M. Pierre Hadot, directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris; M. Heinrich Dorrie, professeur à l'Université de Münster; et M. Maurice de Gandillac, professeur à l'Université de Paris-!. ' Cf. le N° V de 1972, p. 305. Revue de Théologie et de Philosophie LE <<PARMÉNIDE>> DE PLATON ET SON INTERPRÉTATION NÉOPLATONICIENNE Le néoplatonisme succède au <<moyen platonisme)) le jour où les platoniciens se mettent à chercher dans le Parménide le secret de la philosophie de Platon. Ce moment, semble-t-il, c'est Plotin avec sa théorie des 3 un 1 • Mais Plotin n'a pas composé un commentaire systématique du Parménide. Il y a puisé une inspiration fondamentale, mais diffuse. Porphyre, en revanche, avait rédigé un commentaire dont il reste quelques fragments, réunis par Kroll et reconnus par Pierre Hadot 2 • Chez Proclos nous trouvons un commentaire suivi des deux parties du Parménide. Malheureusement il s'arrête à la fin de la première hypothèse. Il faut le compléter à l'aide des indications qu'il contient sur les autres hypothèses et que confirme un ouvrage postérieur de Proclos, la Théologie platonicienne (voir le premier volume publié aux Belles Lettres avec une copieuse introduction, par Saffrey et Westerink). Nous avons de Damascios un commentaire complet de la deuxième partie du Parménide, donc des neuf hypo- thèses. Ouvrage précieux, qui manifeste une vive conscience des problèmes que suscite l'interprétation néoplatonicienne. Certains interprètes anciens se sont préoccupés de donner au Parménide un sous-titre qui enchaîne ses deux parties : << des idées )), <<de l'être)), <<des principes)), Mais les néoplatoniciens ont souligné que le problème de l'un domine le dialogue entier, puisque les idées y apparaissent comme des puissances d'unification. Ce qui fait dire à Proclos : Le Parménide étudie bien les principes et tous les ordres de l'Etre, mais en tant qu'ils sont illuminés, unifiés et déifiés par l'Un. Car l'Un diffuse l'imité comme le soleil sa clarté. Le Parménide consi- dère toutes choses du point de vue de l'Un. C'est pourquoi, selon Jambli- que et Proclos, ce dialogue est le centre de la métaphysique de Platon, de même que le Timée résume sa philosophie de la nature 3. ' Ennéades, V, I, 8. • Cf. Porphyre et Victorinus, 2 vol., Etudes augustiniennes Ig6g. 3 Cf. PROCLOS : In Parmenidem, Cousin, 1864, 641-642. IO JEAN TROUILLARD La présentation du dialogue est deux fois indirecte. Céphale en rapporte le récit tel qu'il le tient d'Antiphon, grand amateur de chevaux, qui lui-même l'avait appris par cœur d'après la narration de Pythodore. C'est chez celui-ci qu'aurait eu lieu jadis un entretien entre Parménide, âgé environ de 65 ans, son disciple Zénon, ayant à peu près 40 ans, Socrate alors tout jeune, Aristote (non le disciple de Platon, mais celui qui devait devenir l'un des Trente), et une nom- breuse compagnie. Entretien vraisemblable, mais non nécessairement historique. Parménide et Zénon d'Elée (sur la côte ouest de l'Italie entre Naples et Reggio) sont venus à Athènes à l'occasion des grandes Panathénées. Socrate vient les rejoindre chez Pythodore, pour entendre de Zénon la lecture d'une œuvre de jeunesse qu'il écrivit pour défendre la thèse de l'école d'Elée : unité et continuité de l'être. On lui vola le manuscrit et il fut contraint de le publier. Le dialogue va se distribuer en deux parties. La première est la discussion de la théorie des idées qui fait suite à la lecture de Zénon. La deuxième est la présentation de la méthode dialectique recommandée par Parménide. Première partie LA THÉORIE DES IDÉES Platon ne fait aucun exposé de l'ouvrage de Zénon. Contenait-il, entre autres choses, les fameux arguments polémiques contre le mouvement ? Tout de suite après sa lecture, Socrate prend la parole. En somme, ce que tu veux démontrer, Zénon, c'est l'impossibilité du multiple. S'il y a pluralité, les êtres sont à la fois semblables et dissemblables, ce qui te semble absurde et ruineux pour l'hypothèse. Tu parais d'abord dire autre chose que ton maître. Mais en réalité Parménide soutient que le Tout est un, et toi qu'il n'est pas multiple. Cela revient au même. Tu as raison, Socrate, si tu regardes le contenu de mon étude. Mais tu te méprends sur l'intention. Ce n'est pas l'ambition de la maturité, mais l'ardeur batailleuse de la jeunesse qui l'a inspirée. Les adversaires de Parménide essayaient de montrer que l'unité de l'être entraîne des conséquences contradictoires. Je réplique que la pluralité de l'être produit des corollaires encore plus absurdes. Je rends les coups avec usure. Soit, Zénon ; mais ton argumentation aurait été beaucoup plus convaincante si tu avais pris soin de distinguer pluralité sensible et pluralité intelligible. Car, que les objets empiriques soient à la fois semblables et dissemblables, un et multiples, pleins de contrastes et LE <<PARMÉNIDE l) DE PLATON II d'ambiguïtés, cela n'a rien de scandaleux. On pourrait t'objecter qu'ils sont tels parce qu'ils participent à l'idée de ressemblance et à celle de dissemblance, à celle d'unité et à celle de multiplicité, mais que chacune de ces idées reste pure en elle-même. Si, au contraire, tu réussis à montrer que la ressemblance en tant que telle est dissem- blance, que l'unité en tant que telle est multiplicité, alors tu auras établi une thèse de grande portée. Socrate invite donc Zénon à passer du mélange par aventure à la connexion nécessaire. <<Que l'on commence par distinguer et mettre à part, en leur réalité propre, les formes telles que ressemblance, dissemblance, pluralité, unité, repos, mouvement et toutes essences pareilles; qu'on les démontre ensuite capables entre soi de se mélanger et de se séparer, c'est alors, Zénon, que je serais émerveillé, ravi. Ton argumentation est conduite à mon sens avec une belle et mâle vigueur. Mais avec combien plus de plaisir encore, je le répète, j'applaudirais à qui saurait nous montrer les mêmes oppositions s'entrelaçant en mille manières au sein des formes mêmes ... )) (r29 e - 130 a). Le problème posé est donc celui de la communication des idées. Il domine les deux parties du dialogue. << ... La fusion des sensibles et de l'intelligible se comprendra fina- lement par la fusion des intelligibles les uns avec les autres. Le monde sensible ne peut être compris que si l'on admet le mélange des idées entre elles. Ici encore, nous voyons un lien étroit entre les deux parties du dialogue. Il n'y aura en fin de compte plus rien qui soit à part, sauf peut-être l'un, à la fois posé et nié par la première hypothèse, et un néant qui peut encore moins être pensé que cet un. l> 1 Parménide intervient alors. Il félicite Socrate d'avoir posé correc- tement le problème. Mais il va s'appliquer à lui en montrer les diffi- cultés. Socrate admet-il une pluralité d'idées participées par les objets sensibles et distinctes de leurs participants ? Y a-t-il une ressem- blance pure et une ressemblance empirique qui en serait la partici- pation ? En est-il de même pour l'un, le multiple, le beau, le bien ? Je l'admets, répond Socrate- Mais quand Parménide passe des objets les plus universels et les plus nobles à de plus particuliers comme l'homme, le feu, l'eau, le cheveu, la boue, la crasse, Socrate devient hésitant. C'est que tu es jeune encore, conclut Parménide, et encore impar- faitement saisi par la philosophie. Quand tu lui appartiendras totale- ment, tu ne mépriseras rien et tu n'accorderas aucune importance aux préjugés des hommes. Mais, puisqu'il faut admettre des idées de toutes choses, comment concevoir leurs relations avec les objets sensibles ? I jEAN vVAHL: Etude sur le Parménide de Platon, Paris, 1926, p. 23. I2 JEAN TROUILLARD Premier problème : Comment une forme peut-elle être participée par des objets multiples et discontinus, tout en demeurant une et totale en elle-même ? Ne va-t-elle pas se distendre comme un voile qui est étendu sur plusieurs individus ? Chacun n'est couvert que par une partie du voile. Et si chaque individu ne possède qu'une partie de la forme, comment l'unité de l'idée résistera-t-elle à ce partage ? Peut-on partager la grandeur ou l'égalité ? Comment uploads/Litterature/etudes-neoplatoniciennes.pdf

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