EDITORIAL Sept ans déjà ! Didaskalia a atteint l'âge de raison. Si l'on en juge
EDITORIAL Sept ans déjà ! Didaskalia a atteint l'âge de raison. Si l'on en juge par le nombre, la qualité et la diversité de provenance des propositions d'articles, Didaskalia a maintenant trouvé sa place dans la communauté francophone de didactique des sciences et techniques. Au dernier comité de Direction, signe de dynamisme, nous avons décidé en commun de renouveler l'équipe qui fut à l'origine de la revue et l'a conduite à sa maturité. Ainsi Andrée Tiberghien quitte le comité de Direction et je la remplace. De ce fait, une nouvelle personne prend la responsabilité de la rédaction. Jean-Michel Dusseau, sollicité par le comité de Direction, a bien voulu accepter cette charge. C'est en toute confiance que je la lui ai déjà transmise, même si cela ne sera pleinement visible qu'à partir de l'automne 2000. Martine Méheut Didaskalia-n0 16-2000 9 Introduction de l'électron dans l'enseignement secondaire français, vue à travers quelques manuels Introduction ofthe electron in the french secondary education, seen through some textbooks Jean-Michel DUSSEAU, Pierre FRÉCHENGUES Laboratoire ERES de l'Université Montpellier Il Groupe IUFM 2, place M. Godechot, BP 4152 34092 Montpelliercedex, France. Résumé L'électron, mis en évidence expérimentalement à la fin du siècle dernier, n'a été introduitdans lesprogrammes officiels de l'enseignementsecondaire français qu'en 1947, même si certains manuels scolaires commençaient à l'utilisercomme explicatifdes rayons cathodiques vers 1910. Ce décalage n'est pas dû à l'ignorance du concept mais plutôt, au-delà d'un problème de légitimation de savoirs, à son inutilité dans le cadre d'un enseignement fortement marqué par le positivisme et l'inductivisme. Mots clés : électron, inductivisme, manuels d'enseignement, histoire de l'enseignement Didaskalia - n0 1 6 - 2000 - pages 11 à 31 11 Jean-Michel DUSSEAU, Pierre FRECHENGUES Abstract The electron, discovered experimentally at the end of the last century was only introduced into the official french programmes ofsecondary schools in 1947, even though some scholastic texts and manuals began to explain cathode rays by reference to the electron from as early as 1910. This time lag is not due to ignorance of the concept or lack ofknowledge acceptability but rather to its perceived usefulness in being included in a framework where teaching was strongly marked by positivism and inductivism. Keys words : electron, inductivism, textbooks, history of teaching. Resumen El electron, a pesar de que fue puesto en evidencia experimentalmente a final del último siglo, es en 1947 cuando se introduce en los programas oficiales de la enseñanza secundaria francesa, aún cuando ciertos manuales escolares comenzaron a utilizarlo como explicativo de los rayos catódicos hacia 1910. Este defasaje no es debido a la ignorancia del concepto, él va más allá de un problema de legitimación de saberes, es debido más bien, a su inutilidad en el marco de una enseñanza fuertemente marcada por el positivismo y el inductivismo. Palabras claves : electrón, inductivismo, manuales de enseñanza, 1. INTRODUCTION L'histoire de l'introduction d'un concept de physique dans l'enseignement ne peut être coupée de l'histoire de l'émergence de ce concept dans la communauté scientifique. Dans cet article nous ne rappellerons pas les détails de l'émergence de l'électron (Fréchengues & Dusseau, 1998) mais nous essaierons de restituer l'introduction de ce dernier dans les manuels d'enseignement compte tenu des choix épistémologiques qui prévalaient alors chez les auteurs. L'électron représente, pour C. Johnstone Stoney qui propose ce terme en 1891, l'unité naturelle de charge électrique, celle que porte un ion monovalent dans l'électrolyse. Cette idée qu'il existe une charge élémentaire d'électricité, en germe à la fin du siècle dernier chez les théoriciens de l'électromagnétisme comme Fitzgerald, Larmorou Lorentz, se concrétise à travers un certain nombre d'expériences sur les rayons cathodiques. Tout d'abord, en 1895, Perrin montre que ces rayons n'ont rien d'ondulatoire car constitués de particules chargées. Puis dans une publication datée du 30 12 Didaskalia-n016-2000 Introduction de l'électron dans les manuels avril 1897, JJ. Thomson précise que les rayons cathodiques sont composés de particules environ mille fois plus petites que l'atome d'hydrogène et détermine le rapport de la charge à la masse (e/m) de ces particules, qu'il dénomme « corpuscules » etqu'il refuserajusquevers 1915d'appelerdes électrons. En effet, considérant l'atome comme sécable, ces corpuscules constituent, selon lui, les « atomes primordiaux » bases des atomes chimiques ordinaires, tandis que les électrons sont souvent considérés à cette époque (Lelong, 1997) comme des singularités de l'éther, c'est-à-dire des charges électriques indépendantes de la matière. Or, même si l'électron apparaît, à partir des années 1910, dans quelques rares manuels scolaires, comme permettant d'expliquer les rayons cathodiques alors mentionnés dans les programmes de physique de terminale, l'introduction explicite de l'électron dans ces programmes n'aura lieu qu'en 1947. Nicole Hulin (1984) a déjà mis en évidence ces décalages entre la science enseignée et la science qui s'élabore, à travers une étude, sur la période 1869-1921, des sujets des épreuves de l'agrégation de sciences physiques. Ici nous nous focalisons uniquement sur l'introduction d'une découverte qui a participé à la révolution de la physique microscopique et de la technologie. Après avoir rappelé la chronologie de l'apparition du terme électron (ou négaton) dans les programmes et dans quelques manuels scolaires, nous montrerons que ce décalage n'est pas dû à la non diffusion du concept depuis le cercle de la recherche vers celui de l'enseignement, mais plutôt à son inutilité dans le cadre du positivisme et de l'inductivisme alors prégnants. On peut remarquer que, jusque vers 1914, le positivisme va être un frein à l'acceptation de la discontinuité (de la matière, de l'électricité, etc.) par une grande partie de la communauté scientifique. Cette absence de consensus sur la discontinuité va laisser de nombreux auteurs de manuels dans une prudente expectative pendant longtemps. De plus l'inductivisme préconisé comme méthode pédagogique naturelle, en concomitance avec l'expérimentation en classe, va rendre très difficile l'introduction de l'atomisme et de l'électron. Nous avons privilégié deux séries d'ouvrages scolaires destinés aux classes de 1 re et terminales et édités pendant une période allant bien au-delà de l'installation du concept dans la communauté scientifique : - celle pour laquelle un des auteurs est Faivre-Dupaigre, parce qu'elle couvre de 1905 (date de sa collaboration comme simple professeur avec Fernet) à 1946 où, comme inspecteur général honoraire, il publie encore des manuels avec Lamirand et Joyal. Il a d'ailleurs été, de 1910 à 1921, président du jury de l'agrégation de sciences physiques ; Didaskalia-n0 16-2000 13 Jean-Michel DUSSEAU, Pierre FRECHENGUES - et le cours élémentaire de physique de Lemoine et Vincent, dont les rééditions successives (caractéristiques d'une diffusion significative) couvrent la période 1908 -1931. Il est apparu intéressant de mettre en parallèle avec ces collections, d'un côté quelques ouvrages de l'enseignement supérieur et, d'un autre côté, des manuels à destination de l'enseignement primaire supérieur (cycle court visant à former des cadres moyens). 2. LE SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS AU XXe SIÈCLE ET L'ÉVOLUTION DES PROGRAMMES DE SCIENCES PHYSIQUES DE 1902 À 1947 La réforme de l'enseignement secondaire de 1902 met en place une structure complètement nouvelle en réponse à la question qui se pose avec acuité vers la fin du XIXe siècle : l'enseignement classique convient-il toujours à la formation des couches dirigeantes alors que les sciences et les techniques sont en plein essor ? Autrement dit : la mise en place d'une formation à des « humanités scientifiques » devient une priorité. Les élèves qui optent pour des études longues (menant au baccalauréat) ont désormais le choix entre un premier cycle classique où le grec s'introduit à titre facultatif en 4eet en 3eet un premier cycle « moderne » sans langues anciennes. À partir de la seconde, quatre sections proposent des programmes différents comportant des parties communes : latin-grec (A), latin-langues (B), latin- sciences (C) et langues-sciences (D). La deuxième partie du baccalauréat offre le choix entre deux sections : « Mathématiques » ou « Philosophie ». Des évolutions et aménagements auront lieu par la suite, mais la structure mise en place en 1902 dure grosso moafojusque vers la fin des années 70 (Belhoste, 1996). Les programmes de physique de 1902 sont élaborés par une commission de huit membres : deux inspecteurs généraux, Jules Joubert et Lucien Poincaré et six enseignants universitaires (deux chimistes : Albin Haller et Louis Péchard et quatre physiciens : Henri Abraham, Paul Janet, Jean Perrin, et Jules Violle). Les grandes lignes prévoient pour les sections modernes : - en 4e: Pesanteur. Équilibre des liquides et des gaz. Chaleur ; - en 3e : Acoustique. Optique. Électricité. Ces notions sont reprises au niveau du second cycle, car les élèves issus d'un premier cycle classique n'ont pas suivi d'enseignements de sciences physiques : 14 Didaskalia - n0 16 - 2000 Introduction de l'électron dans les manuels - en 2de : Équilibre des liquides et des gaz. Chaleur ; - en 1 re : Optique. Électricité ; - en classe « Philosophie » et en classe « Mathématiques » : Dynamique. Énergie, principe de l'équivalence, principe de Carnot. Phénomènes périodiques en acoustique, optique et électricité. Les recommandations jointes aux programmes sont assez succinctes. L'accent est mis sur un enseignement très pratique fondé sur l'expérience, abandonnant la méthode historique, « uploads/Litterature/inrp-rd016.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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