L'éléphant mauve Hank Vogel Hank Vogel L’éléphant mauve 1 Où est-il ce dieu ple
L'éléphant mauve Hank Vogel Hank Vogel L’éléphant mauve 1 Où est-il ce dieu plein de miséricorde? Nous sommes sur terre pour faire des expé- riences, disent certains. Subir. Évoluer. En avant. En arrière. Les philosophies sont nombreuses. Trop nombreuses. Elles camouflent la vérité. La vérité est une disent les adeptes de l’unique. La vérité a une double face pour l’homme qui mène une double vie, plus la nuit que le jour. La littérature est là pour témoigner. Av e c quelques siècles de retard. Écrire doit être plus un vomissement qu’un repentir. La lit- térature traditionnelle a pour soeur jumelle la logique. L’erreur est dans la tradition. La littérature fidèle à elle-même est illogique- ment logique ou logiquement illogique. Elle est la lave d’un volcan qui crache des mots. Je dirais même: elle est le fruit craché par un volcan où bouillonnent des mots. Flous. En gestation. Des mots qui se cou- rent après pour répondre à un besoin. Le metteur en mots rêve d’être le parfait met- teur en scène d’une situation imparfaite, dérangeante. Heureux les simples d'esprit! Suivre convenablement un chemin est une action qui mène le marcheur au bout de celui-là. La littérature n’a ni queue ni tête, ni chemin ni route, elle n’a que la voie lac- tée pour survivre. Donc l’infini pour la petite cervelle humaine. Elle n’a ni maître ni esclave. Quelle folie! Probablement. Mais avant tout vomissement. Je ne fabrique rien. La littérature me fabrique. M’a fabriqué. Avec des mots enregistrés au fil des années, au fil des siècles. Je change d’horizon. La littérature m’approuve. Enfin quelque chose. Enfin quelqu’un. En écri- vant, je suis loin de la réalité. Je vis dans le passé. Je suis donc un infirme. Un infirme qui a pour canne le passé, son stylo et des mots. Toujours des mots. Et la littérature me fait un clin d’oeil. Elle se moque de moi. J'abandonne mon stylo. Et je me mets à penser. Suis-je dans l’erreur? La littératu- re est rapidité, spontanéité. Et je suis suis lenteur et nostalgie. Quelle merde! J’allume ma pipe. Je prends le taureau par les cornes. Je décide de voyager. Je suis en Afrique. Non, en Europe. Non, chez moi. Non, nulle part. Que je suis compliqué! En vérité, je suis dans un café. La salle est vide. Derrière mon dos, la serveuse range des bouteilles vides, des verres vides et vide les cendriers pleins. Et moi, je cherche à ranger mes idées. Dans le tiroir de ma conscience. Dans le tiroir de l’espoir. Je fuis. Je plane. Je me masturbe cérébrale- ment. Quel plaisir! Quelle santé! Un plaisir plein de santé. Adieu nuage rose. J’aurais dû naître livre. Livre de poche pour sentir la chaleur d’un corps. Ou la chaleur d’une main qui tremble d’émotion. Provoquée par un écrivain provocateur. La chaleur d’une main féminine en train de caresser mes pages. Et mon dos. Et ma tranche. Quelle excitation! Malheureusement, je suis destiné à être derrière le livre comme le réalisateur derrière sa caméra. Subitement, je pense aux mains de Christine. Être né femme grâce à mes désirs. A mes fantasmes. A mes rêves. A mes désirs d’être. Ses mains sont fines, presque transparentes par moment. Pourquoi Christine? Pourquoi pas quel- qu’un d’autre? Pourquoi pas. Parce que j’ai décidé ainsi. Parce que tout simplement... 2 Avant de survivre, il faut vivre. Qui vit de nos jours? L’homme qui a des idées simples? L’homme qui a des idées pré- cises? Ou l’homme qui n’a aucune idée? Moi, je répondrais: le fou, le sage et l'illet- tré avide de connaissance. Tout le reste, les autres ne valent pas un sou. Les autres vivent médiocrement. C’est-à-dire dans une cage. Leur propre cage. J’entre dans un café. Je m'installe. Je commande une bois- son non alcoolisée d’un rouge entre la gre- nadine et le mercurochrome. Sa marque ne vous dirait rien, elle est sans importance. La description de sa couleur est plus impor- tante: elle a permis à mon stylo de se libé- rer un peu de son encre violette. J’avale cette boisson sucrée et légèrement amère à la fois. Comme les lèvres de Christine que je ne connais que de vue et en pensée. Christine est l’épouse non conventionnelle d’un agent secret. Qui travaille pour les Américains la semaine et pour les Russes le week-end. Christine est actuellement à Paris. Pour des raisons que j’ignore. L’époux de Christine ne me connaît pas. Je l’espère. Je suis déjà fiché au ministère public de la Confédération. Et je ne souhai- terais pas figurer aux fichiers de la CIA et du KGB. A moins que j’y figure déjà: suite à une fuite fédérale. Que voulez-vous, faute de guerre, on fait sa petite guerre comme on peut. J’aime bien discuter avec Christine. Parce que la plupart du temps, elle ne dit rien. Elle m’oblige à deviner. C’est comme ça que j’ai deviné que son mari est un agent secret. Le jour où j’ai dit à Christine que j’étais amoureux d’elle, elle m’a permis de lui caresser la main. La gauche uniquement. La droite est réservée à ses cigarettes. Christine fume trop. Un vice tel un sport absurde. Ce sport si abusi- vement pratiqué cache-t-il une anomalie au sein de son cerveau? Si j’étais un neuro- logue reconnu par les notables de la scien- ce médicale, j’oserais me prononcer. Sans la moindre crainte. Mais hélas! Je ne suis qu’un petit écrivain-philosophe que per- sonne ne prend au sérieux. Excepté peut- être ma concierge, qui n’est licenciée qu’en économie journalière bien qu’elle fût déco- rée à l’étranger par toute une série d’asso- ciations de quartier, qui me trouve sympa- thique, intéressant et parfois génial. A vrai dire, je vous raconte tout cela parce que Christine me donne beaucoup de fil à retordre. Un fil trop épais pour mon muscle cérébral. Je raconte pour me donner du courage. Car je veux à tout prix me trouver face à face avec Christine dans son lit un après-midi d’hiver pendant que son mari se trouve dans un autre lit une nuit d’été. C’est-à-dire quelque part dans l’hémisphè- re sud. Tous est possible de nos jours quand on est riche ou espion. Changement de style. Je paye mon breuvage et je quitte l’établissement. 3 Je passe ma vie dans les cafés pour écrire. Je passe ma mort dans mon lit pour dormir. Et je passe mon temps à écrire et à dormir. Je philosophe très peu. Quelques secondes avant de m’endormir. Et quelques minutes avant d’écrire. Ni plus ni moins. 4 Vrai ou faux? C’est compliqué. Non, c’est simple. Étant l’amant platonique d’une femme dont le mari est un agent double, il m’est difficile de dire les choses telles qu’elles sont. Sans camouflage. Sans masque. Sans détournement. Je n’ai pas envie que l’on me passe par les armes pour avoir chanté tout haut ce que les gens rumi- nent tout bas. J’ai à ma charge une sacrée famille, vous savez. C’est-à-dire: un chat, trois tortues, deux d’eau et une de terre, quatre perruches et un ours en peluche qui doit séjourner régulièrement chez le teintu- rier à cause du chat. Vous comprenez, n’est-ce pas? Je suis dans une situation vraiment délicate. Je me rends au ixième étage du numéro Y de la rue Z de la ville A. Question de sécurité. Je sonne. Christine m’ouvre. Je plonge dans ses bras. Nos bouches s’unissent, enfin. Mes marines se dilatent: question de souffle. - Votre mari n’est là, j’espère? je lui dis, après ce long baiser. - Non, il est à Moscou, me répond-t-elle. - Un jeudi? - C’est l’exception qui confirme la règle. - J’ai envie de vous. - Moi aussi. - Je peux entrer? - Je n’osais pas vous le proposer. J’entre. Je découvre son appartement. - Vous n’êtes jamais venu chez moi? me demande-t-elle. - Jamais, dis-je. - Vraiment jamais? - Non. Si, une fois, une nuit dans un rêve. - C’était comment? - Moins magnifique que maintenant. C’était plus grand mais moins chaud. - Et maintenant, comment le trouvez- vous? - Tout le contraire. - C’est-à-dire? - Plus petit et moins froid. - Vous avez froid? - Non, je bouillonne. - A cause de moi? - Non, grâce à vous. Grâce à vos habits si transparents. Grâce à vos belles jambes. Grâce à votre grâce de déesse. - Mais je suis une femme! - Une belle femme. - Vraiment? - J’ai l’air de mentir? - Je ne sais pas. - Alors, on y va? - Où ça? - Au lit. - C’est urgent? - Ça n’a jamais été aussi urgent. - Alors, on y va. Nous nous déshabillons en toute hâte. Nous plongeons sur le lit. Nos bouches s’unissent à nouveau. Presque pendant un quart d’heure. Nos coeurs se mettent à battre très fort. Nous nous caressons. Nous nous griffons. La suite, vous pouvez l’ima- g i n e r, vous êtes adulte pour ce genre d’exercice. Puis Christine me demande: - Comment tu as trouvé mon sexe? - Confortable, je lui réponds. - uploads/Litterature/l-x27-e-le-phant-mauve.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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