Cahiers de l'Association internationale des études francaises La préciosité Ant
Cahiers de l'Association internationale des études francaises La préciosité Antoine ADAM Citer ce document / Cite this document : ADAM Antoine. La préciosité. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1951, n°1-2. pp. 35-47; doi : https://doi.org/10.3406/caief.1951.1994 https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1951_num_1_1_1994 Fichier pdf généré le 20/04/2018 LA PRÉCIOSITÉ Communication de M. Antoine ADAM à l'Association internationale des Études françaises, à Paris, le 5 septembre 1950. Les organisateurs de ces journées ont choisi la Préciosité pour sujet de nos travaux. Je demande la permission d'aborder cette question en la prenant dans son sens le plus strict et le plus limité. Ce n'est certainement pas la seule manière de l'envisager. Il serait bien prétentieux de ma part d'affirmer que c'est la meilleure. Mais il me semble qu'historiens de la littérature il ne nous déplaira pas que la Préciosité soit traitée comme un fait historique, situé à un - moment de l'histoire, naissant, se développant, finissant par disparaître dans des conditions que les textes permettent de fixer. La Préciosité naît exactement en 1654. On lit dans une lettre du chevalier de Sévigné, le 3 avril 1654 : « II y a une nature de filles et de femmes à Paris que l'on nomme Précieuses, qui ont un jargon et des mines avec un démanchement merveilleux ». Mlle de Scudéry, en 1656, date une ordonnance de la reine de Tendre « de l'an deuxième de [son] règne ». Le prospectus du cercle de l'hôtel d'Anjou, rue Béthisy, reproduit Ars. 5427, f° 33-35, porte la date du Ier janvier 1655. Et cet hôtel est appelé le Palais précieux. Somaize dit en 1661 : les Français en parlent depuis sept ou huit ans. A ces arguments, on pourrait faire une objection. M. Bray allègue un texte de Scarron sur les Précieuses, tiré de la satire II à Miossens (O.C.,. 1786, VII, p. 168) et il le date de 1652. Mais Emile Magne date cette même pièce de 1659. En réalité, elle se place entre la satire I qui est de 1656 au plus tôt, et la satire III qui est de 1659. Une lettre de Scarron, en mai 1659, nous permet de préciser : « La chagrine, dit-il, est encore toute chaude; les autres sont de l'année -passée ». Je ne veux pas dire, on s'en doute, que le mot de précieuse est inconnu avant cette date, et nous sommes reconnaissants à M. Bray des exemples intéressants qu'il en donne et dont certains remontent au XIVe siècle. Mais ils restent étrangers à la mode précieuse qui est notre étude. Ce mot de précieuse, pris dans un sens général, reste en usage au temps même où il revêt une signification plus 35 précise. En voici un exemple amusant. Loret signale en août 1655 la mort d'une précieuse, Mlle de Joyeuse. Elle venait de mourir à quatre ans! Où naît la Préciosité? Il semble certain que ce fut dans l'entourage de Gaston et de sa fille, Mademoiselle. Maulévrier, auteur de la Carte du Royaume des Précieuses (début de 1654) appartient à la maison de Monsieur. Mlle d'Aumale, Angélique-Clarice d'Angennes, Mlle de Vandy, qui sont les premières précieuses, appartiennent à la société de Mademoiselle. Le ballet de la Déroute des Précieuses a d'abord paru dans Faure, La fine galanterie du temps, ouvrage écrit dans l'entourage de Gaston. Un portrait des Précieuses figure dans la Galerie des Portraits. On retrouve le nom de Mademoiselle même là où on ne l'attendrait pas. Scarron, dans la préface de l'Ecolier de Salamanque (1654), s'en prend à un groupe de précieuses. Or sa pièce est dédiée à Mademoiselle. A la fin de 1654, le sens s'élargit. Dans la Carte du pays de Braqueria, elle sépare le pays des Braques de la Prudomagne. Trois noms sont cités : Mme de Montauzier, Mlle de Guise, Mme d'Olonne. Puis on trouve le mot dans Brébeuf. En janvier 1658 deux jeunes Hollandais vont rendre visite à Mme de la Fayette « une des précieuses du plus haut rang et de la plus haute volée ». Le mot tend donc à désigner une mode qui règne dans de nombreux salons. En 1661, Somaize l'emploie dans un sens plus large encore. Il nomme précieuses les femmes qui réunissent chez elles les unes des gens du monde, les autres des gens de lettres. Dans l'intervalle de ces sept années, toute une littérature avait paru sur la préciosité. Après la Carte du royaume des Précieuses et la Déroute des Précieuses, on avait eu une comédie jouée par les Italiens au Petit Bourbon — un roman en quatre volumes par l'abbé de Pure — et surtout la pièce de Molière. A ces œuvres bien connues et au portrait des précieuses dans la Galerie des portraits, il convient de joindre : Le Cercle de Saint-Evremond, que l'on date habituellement de 1657. Plusieurs écrits de Sorel : la Mascarade d'amour ou la nouvelle des précieuses prudes, la Lettre précieuse à des précieuses, le Discours pour ou contre l'amitié tendre. Le Dialogue de la Mode et de la Nature, 2e édition en 1663, mais composé pendant la Conférence de Saint- Jêan-de-Luz. Un paragraphe dans le Portrait de la Coquette en 1659. Des textes plus ou moins développés dans les Antiquités de Paris 36 par Sauvai, antérieurs à 1661, et dans le fameux Voyage de Chapelle et de- Bachaumont. Tous ces textes datent des années 1654-1661. Et sauf omission il n'y en a pas d'autres. C'est qu'après cette date il n'y a plus de vogue précieuse. Il y a encore, bien entendu, des femmes qui restent fidèles à cette mode, et l'on trouve donc le mot de précieuse appliqué à telle ou telle. La Préciosité, en tant que phénomène de la vie sociale, a cessé d'exister. Pour étudier le phénomène ainsi délimité, l'histoire ne peut connaître qu'une seule méthode : déterminer ceux et celles qui ont été dits précieux et précieuses. Puis étudier leurs gestes, leurs paroles, leurs écrits. Si l'historien agissait autrement, s'il demandait à Somaîze ou à Molière une description de la préciosité, il commettrait la même erreur que s'il prétendait écrire l'histoire du Parnasse en s'appuyant sur le Parnassiculet contemporain, ou celle du Symbolisme d'après les Déliquescences d'Adoré Floupette. Cette première enquête peut paraître trop étroite. Mais lorsque nous l'aurons d'abord menée, il nous sera ensuite possible de l'élargir. Aux noms des précieux et des précieuses déjà obtenus, on pourra joindre ceux de leurs amis, des hommes qui ont appartenu aux mêmes groupes sociaux ou soutenu les mêmes opinions. On pourra même tirer des suggestions de la littérature antiprécieuse. Mais ce sera en dernière ligne, avec prudence, et dans la mesure où elle vient confirmer, éclairer, souligner des textes déjà relevés ailleurs. Ont été nommées précieuses par les contemporains Angélique- Clarice d'Angennes, Mlle d'Outrelaize, Mlle d'Aumale, Mme de Montauzier, Mlle de Guise, Mme de La Fayette, Mlle de Scudéry. Comme nous l'avons vu, le mot de précieuses a perdu chez Somaize toute signification précise. Un seul homme de lettres a été affublé de l'épithète de précieux : Sauvai s'est moqué « du précieux M. Ménage ». Nous aurons le droit de joindre à ces noms : Mme Deshoulières parce qu'elle a échangé avec Mlle de Scudéry toute une correspondance en vers et en prose qui prouve la communauté de leurs vues {Nouvelles lettres familières de Miileran, 2e éd., I725)- Pellisson, l'ami de Mlle de Scudéry. Sarasin, pour cette partie de son œuvre qu'il écrivit dans la société des Samedis de Sapho. Charles Perrault qui a écrit le Dialogue de V amour et de l'amitié. Le Laboureur qui dans les Avantages de la langue française , sur la langue latine, 1669, défie les Italiens de rien faire qui approche la Clélie, et qui ailleurs dit sur Pellisson : « Tout notre Parnasse n'a point de plus éloquent interprète que lui ». 37 Huet, qui fut en correspondance suivie avec Ménage. En revanche, il n'y faut pas joindre : Mme de Rambouillet et son groupe. N'oublions pas la phrase tie Godeau à Mme de Rambouillet sur « la griff onneuse ■ Sapho » (Ars. Rec. Conrart, XI, in f°, f° 129). L'abbé Cotin. Celui-ci a parlé des précieuses avec hostilité, il s'est moqué des excès de leur pudeur et des raffinements du langage précieux. Toute description de la Préciosité doit prendre pour base les œuvres des auteurs que je viens de citer : Mlle de Scudéry, Pellisson et Ménage en tout premier lieu, puis certaines pièces de Sarasin et de Huet, des écrits comme le Dialogue de l'amour et de l'amitié, . la Politique des coquettes, dédiée à Mlle de Scudéry en 1660, le Dialogue de la mode et de la nature. Parmi les œuvres d'écrivains non précieux, on utilisera les traités de Sorel et la Précieuse de l'abbé de Pure parce qu'ils sont écrits sans passion et qu'ils sont confirmés par tout ce que nous apprennent les documents authentiques sur la Préciosité. Quant au Dictionnaire des Précieuses et aux Précieuses Ridicules, ce serait un défi à la méthode historique que d'y chercher un témoignage exact sur les uploads/Litterature/ la-preciosite-pdf.pdf
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- Publié le Jan 25, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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