A propos de la pièce Les Aveugles, de Maurice Maeterlinck L’intrigue Sur un île
A propos de la pièce Les Aveugles, de Maurice Maeterlinck L’intrigue Sur un île indéterminée, dans une forêt indéfinie, à une distance incertaine d’un hospice et dans un moment vaguement situé entre les vêpres , le crépuscule et la nuit, un groupe d’aveugles attendent. On les a sortis, beaucoup plus tôt, parce que le soleil, paraît-il, luisait. Mais il commence à faire froid, la faim se fait sentir. Il faudrait que le prêtre se décide à les guider sur le chemin du retour. Parti chercher de l’eau, il tarde à revenir. En attendant, les cinq aveugles ne peuvent compter que sur quelques échos lointains d’un clocher, quelques cris d’oiseaux, quelques odeurs de fleurs, pour les informer, et sur un enfant qui voit mais ne parle pas encore. Par ses pleurs .. nous percevons obscurément qu'il se trame quelque chose. L’idée de la mise en scène : Le texte de la pièce est constitué de paroles échangées entre des aveugles. Ces dialogues sont issus du monde de la cécité : nombreux recours aux descriptions des objets touchés, au questionnement mutuel, et à l’expression orale de sentiments (tel que l’inquiétude) qu’ils ne peuvent pas exprimer par des gestes ou des attitudes. L’ensemble de ces dialogues forme un tout cohérent, avec une intelligence propre au monde des aveugles ; il peut être compris sans le recours à la vue. La pièce peut donc être entièrement jouée dans le noir absolu. Le spectateur se retrouve dans ce cas au même niveau que ces aveugles, en ayant la même compréhension de la situation. N’ayant pas plus qu’eux de réponses à leurs interrogations, il se retrouve à l’unisson de leur tragédie. Une mise en scène inversée pour un changement de point de vue. La pièce est normalement jouée dans la pénombre. Des éléments clés sont visibles dès le lever du rideau. Cette connaissance de la situation met alors le spectateur dans une position injustement supérieure à celle des aveugles, créant une distance entre ceux qui savent dès le début et ceux qui ne peuvent pas savoir. La pièce étant jouée dans le cas présent dans le noir complet, alors cette distance n’existe plus. Le spectateur est au même niveau que les aveugles, solidaire involontaire de leur tragédie. Dans le noir complet, la tragédie connaît une progression, elle n’est pas statique. Si sa construction est inversée, son esprit reste le même, simplement cette inversion projette le spectateur sur scène, aveugle parmi les aveugles : la distance disparaît. Ce n’est plus une pièce vue de l’extérieur, mais une situation vécue de l’intérieur. Le texte de Maeterlinck et le monde de la cécité aujourd’hui. Il faut garder à l’esprit que cette pièce a été écrite à la fin du XIXème siècle et que les aveugles qui y sont présentés sont issus de leur époque, où peu de structures étaient à même de les accueillir (structure dénommée « hospice » dans le texte). De plus, il s’agit de la vision que Maurice Maeterlinck a du monde de la cécité, et qui n’engage que lui. Les aveugles de la pièce sont passifs, dépendants, ils ont à un siècle du monde actuel de la cécité. C’est le chemin parcouru qui apparaît dans l’esprit des spectateurs, chemin qui met en valeur le mérite qu’ont les non-voyants de nos jours, à se prendre en main comme ils le font, ainsi qu’une reconnaissance envers leur entourage et les structures qui ont su les aider à franchir ces étapes vers une plus grande autonomie malgré leur handicap. Eléments biographiques Maurice Maeterlinck, écrivain belge, est né à Gand en 1862 et mort à Nice en 1949. Il a fait œuvre de poète, de dramaturge et d'essayiste. En 1911, il reçoit le prix Nobel de littérature, ce qui fait de lui l'unique belge à avoir reçu le prix dans cette catégorie. Après une brève carrière d'avocat, il se consacre à la littérature. Il s'adonne d'abord à la poésie, et livre ses poèmes à des revues littéraires. Serres chaudes (1889) est son premier recueil. L'auteur se consacre ensuite au théâtre, notamment avec La princesse Maleine, pour laquelle il obtient un vif succès en France. Octave Mirbeau le sacre l'égal de Shakespeare. Sa pièce « Pelleas et Mélisandre » servit de livret à l’opéra de Debussy. La fin de son œuvre est de nature philosophique et scientifique. La vie des abeilles reste, entre autres essais, le plus remarquable. A son retour des USA, où il s'était exilé pendant la seconde guerre mondiale, il publie également un volume de souvenirs, Bulles bleues. L'auteur belge se fait encore traducteur pour des auteurs choisis : Emerson, ou Novalis. Maurice Mauterlinck est tout sauf un poète maudit : il reçut les plus hautes distinctions : en Belgique, il fut anobli par Albert premier, en France, il fut nommé grand officier de la légion d'honneur. La pièce « Les Aveugles » dans l’œuvre de Maurice Maeterlinck Cette pièce fut écrite en 1890. Elle est issue du premier cycle dramaturgique de Maurice Maeterlinck (1862-1949) dans lequel figurent La Princesse Maleine (1889), Pelléas et Mélisandre (1892), Intérieur, L’Intruse et La Mort de Tintagiles (1894). Cette première période se caractérise par une omniprésence de la mort. Par ailleurs les personnages se heurtent aux limites du langage, incapable d’exprimer le sens profond du réel. Seule une langue minimaliste et répétitive peut tenter de le désigner. Les personnages sont réduits au strict minimum d’incarnation (trois de ces pièces furent écrites pour des marionnettes), ce qui illustre la réflexion du dramaturge belge quant à la présence de l’acteur : “ Il faudrait peut-être écarter entièrement l’être vivant de la scène ” (Maurice Maeterlinck, Menus propos-Le Théâtre, 1890). L’auteur rêve d’un théâtre sans acteurs, où effigies ou ombres symboliques suffiraient à le figurer, à donner “ des allures de vie sans avoir la vie ”. Quant à la réception que connut l’oeuvre, l’époque où triomphait le vaudeville ne pouvait accorder une audience importante au drame symboliste. Mais quelques témoignages enthousiastes prouvent la reconnaissance des initiés : en figure de proue celui d’Octave Mirbeau, pour qui cette pièce prouve que “ ce jeune poète ” (Maurice Maeteterlinck) est “ véritablement le poète de ce temps ” (Le Figaro, 26 septembre 1890). Brève caractérisation de l’écriture Il est présomptueux de chercher à définir en quelques lignes l'écriture d'un grand auteur. Nous nous contentons de relever trois traits caractéristiques de la pièce. A. Une action épurée. Ainsi le résumé de la pièce est facilement consigné en quelques mots, ce qui révèle que Maurice Maeterlinck fait l’économie d’une trame compliquée. Au contraire, le principe à l’origine de l’œuvre est celui de la réduction. Le spectateur est directement envoyé au point culminant de l’événement, là où justement les personnages, précurseurs inconscients de ceux de Beckett, ne peuvent, ne doivent rien faire, qu’attendre. C’est l’épure de l’action que désigne la formule de “ drame statique ”, surgie au regard des œuvres théâtrales de Maurice Maeterlinck. Dès lors, l’intérêt de la pièce est moins dans le déroulement de l’histoire que dans la création d’un univers inédit, aux confins du rêve et de la réalité. B. Un théâtre d’atmosphère Comme le note Antonin Artaud, “ Le nom de Maurice Maeterlinck évoque avant tout une atmosphère ” (Préface aux Douze chansons, 1923). Dans Les Aveugles, celle-ci est d’abord caractérisée par un sentiment de clôture : l’enfermement géographique dans l’île et la claustration psychologique provoquée par la cécité, se font écho. Ces contraintes semblent rejaillir sur la langue elle-même. Celle-ci n’a plus de rôle moteur, sa raison d’être est descriptive, poétique. Le verbe surgit du fond de l’être, fortement métaphorique. Il cherche à suggérer l’indéfinissable : “.Je sentais qu’il souriait trop gravement. J’entendais qu’il fermait les yeux et qu’il voulait se taire ”;“ J’aurais voulu voir, à vous entendre ”. Les dialogues s’éloignent de la conversation cohérente, où une réplique s’appuie sur une autre. Chaque parole semble échouée dans la bouche de l’un ou l’autre personnage de manière plus ou moins aléatoire. On est à la lisière du rêve, là où les êtres sont parfois interchangeables, où l’essence des choses est portée au grand jour. C. Une rélexion qui se dévoile dans une langue imagée Et pourtant, même sans action, et en dépit de cette dépersonnalisation, la pièce échappe au piège d'une langue abstraite. Certains devinent une interrogation sur l’essence même de l’existence (“ Nous avons beau tâter les murs et les fenêtres, nous ne savons pas où nous vivons ”). Cette interprétation est évidemment pertinente et probable ; mais ce que Maeterlinck a de profondément spécifique, c’est que ces idées ne s’expriment pas autrement que par des représentations concrètes. “ Sa philosophie est toute dans ce don qu’il a de révéler avec des images des sensations obscures, des rapports inconnus de la pensée ”;“ il les évoquent avec cet atome de sensualité concrète qui s’attache indéfectiblement à nos pensées ” (Antonin Artaud, Préface aux Douze chansons). Une œuvre dite symboliste Le nom de Maurice Maeterlinck figure souvent parmi ceux que l'on classe parmi les symbolistes. Malgré le danger de catégoriser trop uploads/Litterature/les-aveugles-maeterlinck.pdf
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- Publié le Oct 02, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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