MODÈLES THÉORIQUES • THEORETICAL MODELS Dialogos z 12/2005 66 L’ANALYSE DE DISC

MODÈLES THÉORIQUES • THEORETICAL MODELS Dialogos z 12/2005 66 L’ANALYSE DE DISCOURS ESSAI DE RÉTROSPECTIVE THÉORIQUE Sandina-Iulia VASILE Préambule etracer le cadre théorique de l’analyse de discours dans un article d’une quinzaine de pages alors que la bibliographie seule occuperait quelques dizaines en renvoyant déjà à des milliers pourrait paraître sûrement une ambition démesurée. Faudrait-il encore rappeler qu’à trente ans d’histoire on a déjà deux dictionnaires dont les articles sont élaborés par les meilleurs spécialistes. Une telle entreprise qui jalonne les repères essentiels est pourtant utile du point de vue de la didactique universitaire qui doit assurer l’équilibre entre la richesse de la bibliographie et des problèmes et la limitation imposée par le programme, entre ce qui est fondamental pour la compréhension du domaine et pour la formation intellectuelle de l’étudiant et les tâtonnements inhérents à toute discipline lorsqu’elle explore des domaines complexes et nouveaux. 1 Le discours – objet de recherche 1.1 Une riche histoire C’est la plus radicale manière d’anéantir tout discours que d’isoler chaque chose de tout le reste; car c’est par la mutuelle combinaison des formes que le discours nous est né. » PLATON, Le Sophiste, 259e L’analyse de discours n’est récente que par le nom, car ses racines remontent à l’Antiquité, à l’œuvre d’Aristote que les ouvrages qui traitent du discours argumentatif et de la rhétorique décrivent amplement [44, 55]. On est surpris de constater la « modernité » des positions de ces temps révolus en ce qui concerne la conscience du discours, vu comme valeur fondamentale de la société, encore plus importante que le pouvoir ou l’argent. Même si l’on emploie aujourd’hui un terme issu du nom latin discursus, la notion analysée recouvre surtout les traits du logos grec. Tout comme en Antiquité le logos faisait l’affaire de la logique, de la rhétorique et de la philosophie, l’analyse du discours en tant que discipline d’étude moderne est disputée par plusieurs disciplines d’étude. Favorisée par un environnement épistémologique qui laissait présager l’avènement de l’ère de la communication, l’apparition de l’analyse du discours il y a une trentaine d’années, a vite mobilisé l’attention de ceux qui étaient déjà attirés par l’approche énonciative, la linguistique textuelle ou l’ethnographie de la communication. Si le structuralisme avait réussi à définir, inventorier et classer des faits de langue, et même de formaliser la logique des enchaînements transphrastiques des contes [53], il restait encore à expliquer un grand nombre de faits restés en dehors du fonctionnement des paradigmes. Ni les concepts de langue ou de parole, théorisés par Saussure, ni la grammaire de texte ne pouvaient expliquer toute une série de faits linguistiques comme: le fonctionnement des opérateurs et des connecteurs discursifs, celui de l’anaphore référentielle, les phrases ou les textes rigoureusement correctes du point de vue grammatical sans être naturels et inversement, l’incohérence apparente entre des énoncés, etc. La description a cédé alors le pas à l’interprétation énonciative, point de départ d’une méthodologie de recherche ouverte, selon les mots de J.P. Moeschler [47]. En effet, l’analyse du discours s’est nourrie des études antérieures de M. Bakhtine [9] (la dimension dialogique, les genres de discours), des courants pragmatiques [7, 8], de l’analyse conversationnelle [29], des théories de l’énonciation [21, 22], de la linguistique textuelle [19], en renouvelant même des pratiques anciennes, comme la rhétorique. 1.2 Définir le discours 1.2.1 Poser la dificulté Si la notion de discours a longtemps circulé sous quelques acceptions couramment acceptées (voir TLF), l’avènement de l’intérêt de la linguistique pour le procès communicationnel et pour sa matérialisation a fait jaillir bon nombre de R MODÈLES THÉORIQUES • THEORETICAL MODELS Dialogos z 12/2005 67 définitions du discours, plus ou moins différentes, en fonction des orientations théoriques et des buts de l’analyse. Or, pour aboutir à une cristallisation de la discipline « analyse du discours » il fallait définir son objet d’étude, le discours. Mais il semble qu’il n’y ait pas de mot plus polysémique dans le champ de la linguistique. Cette polysémie des termes oblige à une définition claire de la part de chaque chercheur ou équipe. Selon les acceptions différentes du terme dans les études théoriques, le discours est défini soit d’une manière autonome (Coseriu, Vignaux) [20, 56] soit en relation avec d’autres notions telles que langue, texte ou récit ou texte et contexte [39]. De là d’autres ambiguïtés sont nées autour des notions connexes: articulation de discours, connecteur, articulateur, opérateur, contexte. [58] Il a fallu trente ans jusqu’à la création d’un dictionnaire de la discipline qui offre une image cohérente des spécialistes les plus réputés en matière. 1.2.2 Définitions du discours: un terme polysémique A. Définitions autonomes: le discours comme « acte » a) Benveniste [10, p. 130] définit la notion de discours dans un sens large, comme « la manifestation de la langue dans la communication vivante » ou ailleurs comme « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière. » b) E. Coseriu, [20], avance l’idée que le langage est une activité qui s’exerce à trois niveaux – universel, historique et individuel – auxquels on peut assigner des formes de compétence: compétence élocutoire, linguistique et, respectivement, d’expression. Si la compétence élocutoire est présupposée comme innée et développée par les interactions verbales, les deux autres représentent des acquis. Les voilà présentées plus bas d’une manière schématique: Niveaux Produit fini Qualités inhérentes Compétences l’universel Le parler en général la cohérence Compétence élocutoire -repose sur les principes généraux de la pensée et sur la connaissance des choses. l’historique les langues la correction Compétence linguistique l’individuel le discours ou le texte [59] la cohérence l’adéquation Compétence d’expression – correspond à la capacité de construire un discours On s’accorde à l’heure actuelle à dire que le rapport entre le discours et le texte recouvre celui entre l’acte et le produit. E. Coseriu définit le discours comme « un niveau autonome du langage, en- deçà de toutes les différenciations en langue » [36, p. 132], le texte n’étant qu’un simple vecteur matériel, tout comme le tableau ou la statue ne sont que le vecteur d’un acte artistique créateur [apud 36, p. 114]. Le meilleur exemple que le discours, dans cette acception, dépasse les cadres d’une langue ce sont les textes truffés de phrases ou d’expressions en langue étrangère ou la possibilité de paraphrase interlinguale. c) Pour G. Vignaux [55, p. 232] le discours est « l’opération globale d’un sujet construisant une représentation » ou un « ensemble de stratégies d’un sujet dont le produit sera une construction caractérisée par des acteurs, des objets, des propriétés, des événements» [56]. Le discours est donc « plus et autre chose que la juxtaposition d’énoncés successifs ». Le noyau dur de la relation entre le discours et le texte est le sens, qui correspond selon E. Coseriu au niveau textuel- discursif. Aussi bien dans la construction du sens que dans l’interprétation, les ouvrages qui prennent en discussion le problème [28, 46, 3] soulignent le caractère volontaire et dynamique qui instaure la « dimension herméneutique du sens. » [57, p. 45-46]. d) Selon J.-M. Adam [2] « un discours est un énoncé caractérisable certes par des propriétés textuelles mais surtout comme un acte de discours accompli dans une situation (participants, institutions, lieu, temps) ». e) Selon D. Maingueneau, le discours, qui suppose une organisation transphrastique, est orienté: il est lié à la visée du locuteur et, en tant que forme d’action, il se développe dans le temps. Il est interactif et contextualisé, tout en contribuant à définir son contexte qui peut se modifier en cours d’énonciation. Il est régi par des normes, et enfin il est pris dans un interdiscours en relation avec son actualisation dans des actes et des situations de communication spécifiques. MODÈLES THÉORIQUES • THEORETICAL MODELS Dialogos z 12/2005 68 B. Texte et discours En ce qui concerne le texte, derrière les multiples définitions que la grammaire de texte, la sémiotique et l’analyse de discours ont fait surgir, on s’accorde à lui reconnaître son caractère de produit, au-delà des discussions sur les dimensions. Il se définit comme un objet de la communication interhumaine, matériellement fixé dans sa lettre, doué de sens, d’une cohérence globale et d’une certaine unité, mais qui se laisse pour autant segmenter. [60] Il y a des définitions qui posent une unité totalisante à partir de plusieurs coordonnées: texte + situation + contraintes. Ainsi pour C. Fuchs [23, p. 22] le discours est un « objet concret, produit dans une situation déterminée sous l’effet d’un réseau complexe de déterminations extralinguistiques (sociales, idéologiques) ». Il peut se délimiter par son positionnement dans un champ discursif plus ou moins large (discours communiste, discours des infirmières), par le type (discours journalistique), par la fonction assignée (discours polémique, descriptif) C. Enoncé et discours En dehors de l’opposition discours vs texte sus- mentionnée, la notion de "discours" peut entrer dans l’opposition "discours vs énoncé" [39]. En raison des emplois traditionnels du mot discours et suite à l’opposition établie phrase/vs/ énoncé en linguistique énonciative, la perception actuelle renvoie plutôt à une suite cohérente d’énoncés. 1.2.3 uploads/Management/ 08-vasile-l-analyse.pdf

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  • Publié le Fev 24, 2022
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