Echanges Mars 2010 Jacky Lintignat, Directeur Général de KPMG S.A. Avec l’aimab
Echanges Mars 2010 Jacky Lintignat, Directeur Général de KPMG S.A. Avec l’aimable autorisation de la revue Echanges : www.revue-echanges.org échanges MARS 2010 40 Tableaux de bord : faire simple En dehors de quelques pôles ou chercheurs actifs (Canada, France), les PME font rarement l’objet de sujets de recherche, notamment en contrôle de gestion. En France, notons cependant l’initiative récente de Gilles Lecointre, en parte nariat avec la CGPME et KPMG, qui a permis, fin 2009, la publication du Grand Livre de l’Économie PME 1, un recueil de travaux universitaires (ensei gnants et chercheurs) sur le thème de la PME. Dans le cadre d’une démarche originale associant pra ticiens de KPMG et chercheurs de l’ESC Toulouse, l’observation (à travers des entretiens auprès de dirigeants) des pratiques de PME ayant développé un tableau de bord pertinent2 a permis de faire émerger les best practices et d’identifier des carac téristiques ou des principes de fonctionnement communs. Qui initie la mise en place d’un tableau de bord et dans quel but ? Le dirigeant joue un rôle central dans le développement de l’outil. Dans toutes les en treprises étudiées, il est à la fois l’initiateur et le porteur de projet. Il a parfois conçu lui-même l’application permettant de produire les indica teurs à partir d’un logiciel bureautique de type Excel. « Donc ce n’est pas sous la pression de l’actionnaire ni du banquier que nous avons mis en place des tableaux de bord. C’est bien parce qu’à un moment, moi, j’ai pensé qu’il fallait maîtriser deux critères essentiels pour gagner de l’argent : la productivité de la main-d’œuvre et le niveau de chiffre d’affaires (CA)... Alors j’ai établi un tableau de bord hebdomadaire simple… un fichier Excel ! » Objectif principal : accompagner le change ment. Le tableau de bord s’avère pertinent à tous les stades de vie de l’entreprise (sous réserve des nécessaires adaptations prenant en compte les spé cificités de chaque stade). Il suppose, par contre, la préexistence d’une vision stratégique du dirigeant, que cette vision soit exprimée de façon explicite ou non formalisée. Enfin, il s’est avéré dans la plupart des cas que la mise en œuvre d’un tableau de bord était associée à un contexte de « rupture » et à la volonté du dirigeant de faire évoluer les pratiques internes, l’organisation voire même, la culture de son entreprise. Confrontées à des évolutions multi ples et souvent brutales, les PME ressentent le besoin de disposer d’un outil de pilotage à la fois peu coû teux, rapide à mettre en œuvre et fiable. Le tableau de bord constitue alors pour le dirigeant un précieux outil d’accompagnement du changement. « Je n’ai pas eu de mérite à améliorer la rentabilité de l’entreprise puisqu’elle avait quand même des avantages compétitifs. Le tout, c’était de l’organiser, de la mettre en ordre de marche ! » Un outil simple, pertinent et évolutif L’observation des pratiques a mis en évidence des caractéristiques récurrentes ou des principes auxquels les dirigeants étaient tous fortement attachés. Tableaux de Bord et PME Que dit la pratique ? Balanced Scorecard, Pyramide de la Performance, EFQM Model, OVAR : depuis le début des années 1990, les tableaux de bord se sont imposés comme une démarche pertinente de pilotage stratégique. Conçus à l’origine pour de grands groupes, les tableaux de bord sont-ils adaptables aux PME ? État des lieux. Évelyne Misiaszek et Fabienne Oriot, professeurs-chercheurs, ESC Toulouse Jacky Lintignat, directeur général, KPMG SA MARS 2010 échanges 41 Tableaux de bord : faire simple Dossier • une représentation multidimensionnelle de la performance avec des indicateurs financiers et non financiers ; • la coexistence d’indicateurs résultants (objectifs) et d’indicateurs précurseurs (moyens) ; • une forte sélectivité : une dizaine d’indicateurs semble être le maximum acceptable. Certains diri geants fonctionnent avec quatre indicateurs seule ment ; • un chiffrage quasi-systématique de l’impact fi nancier de l’indicateur ; • un lien systématique à un ou des plan(s) d’action. Pour être utile, un indicateur doit être suivi de mesures correctives. Cette exigence explique une forte sélectivité ; • une absence d’indicateur sur les leviers de per formance immatériels difficiles à « caractériser » (confiance clients ou motivation des salariés, par exemple) ; • un accès facile et rapide aux données sources. En effet, contrairement aux grands groupes, la PME ne peut se permettre de consacrer plusieurs jours d’une compétence spécifique (comptable, contrôleur de gestion ou informaticien) à la production de ses indi cateurs. « Les indicateurs de suivi du chiffre d’affaires étaient globaux, pas par type de client ni par type de produit. On aurait pu distinguer grands comptes et autres clients, clients aéronau tiques ou pas, produits à forte marge ou pas… mais tout cela ne m’intéressait pas. À l’échelle d’une PMI, c’est trop compliqué. Ce que j’ai appris à l’école avec la comptabilité analytique, c’est qu’il ne faut pas trop en faire ! » Le tableau de bord est un outil conçu « sur- mesure »... Il doit refléter les spécificités de l’en treprise : son secteur d’activité et sa stratégie, mais aussi son organisation, son mode de fonctionnement et sa culture. Il doit également répondre aux besoins du dirigeant, même si les informations produites seront ensuite partagées avec l’équipe dirigeante, voire diffusées plus largement. Celui-ci doit donc être étroitement associé à la conception (identifi cation des objectifs et leviers stratégiques, mais aussi choix des indicateurs, format de présentation des données, périodicité de production, etc.). Le tableau de bord, dans son contenu et ses modalités d’utilisation, doit également être en cohérence avec le mode de management du chef d’entreprise. Cette exigence est liée aux finalités décrites précédem ment. Par exemple, tel dirigeant, ne maitrisant pas l’activité et fonctionnant dans un mode de contrôle, s’intéressera prioritairement à des indicateurs de résultat sur lesquels il aura défini des valeurs cibles annuelles et, éventuellement, un système de rému nérations variables. À l’inverse, un dirigeant plus à l’aise dans un management interactif privilégiera des indicateurs de moyens à partir desquels il dis cutera régulièrement avec ses équipes des plans d’action à initier. … qui présente de nombreuses similitudes avec les principaux cadres théoriques. Les tableaux de bord que nous avons pu observer présentaient tous des caractéristiques très proches des préconi sations du Balanced Scorecard : Lisibilité : les indicateurs retenus par le dirigeant vont matérialiser sa stratégie afin de mieux la piloter. Conformément aux recommandations du Balanced ScoreCard, ils doivent refléter de façon sélective les leviers de performance essentiels, c’est-à-dire ceux permettant d’atteindre les objectifs stratégiques. Contrôle : le suivi de certains indicateurs doit informer le dirigeant sur la bonne réalisation de ses objectifs et leviers stratégiques. En particulier, l’indicateur s’avère utile lorsque le dirigeant ne maitrise pas les aspects techniques de l’activité. Pour déléguer efficacement, il va chercher à contrôler à la fois des indicateurs de résultat et de moyens. Visibilité : associée au contrôle, cette finalité traduit le besoin d’anticipation et de prévision du dirigeant (en fonction du chiffre d’affaires, réalisé à fin avril par exemple, quelle est l’estimation à fin d’année et puis-je lancer les investissements prévus ?). Mobilisation : certains indicateurs vont être utilisés, non pas à des fins classiques de diagnostic et de prévision, mais dans le but d’informer, de sensibiliser et de motiver les équipes. Cette finalité est particulièrement importante dans le contexte de rupture évoqué plus haut. Dans ce cas, l’indicateur sera utilisé de manière interactive : il sera discuté régulièrement (avec une périodicité variable : trimestre, mois, semaine voire journée) avec le manager responsable de l‘indicateur (pouvoir d’action), mais aussi avec ses équipes. Il n’y aura pas systématiquement de valeur cible annuelle associée, mais plutôt un objectif d’amélioration continue. Par exemple, le taux de déchets et ses causes seront analysés chaque fin de semaine par le dirigeant avec les équipes de production. Les quatre finalités d’un tableau de bord échanges MARS 2010 42 Dossier Tableaux de bord : faire simple Des résultats probants Après quelques mois ou quelques années d’utilisation du tableau de bord, tous les dirigeants interviewés dres sent un bilan positif de leur initiative. L’outil répond bien à leurs différentes attentes managériales, que ce soit en termes de lisibilité, de contrôle, de visibilité ou de mobi lisation (voir encadré « Les quatre finalités d’un tableau de bord »). Il permet à la fois d’objectiver le fonctionnement de l’entreprise (par une traduction chiffrée systématique), de discipliner les pratiques et de les rendre plus efficaces (en créant les opportunités de réunions régulières) et, enfin, de mobiliser les équipes (en les responsabilisant et en les associant à la réflexion), ce que résument fort bien les propos de l’un des dirigeants : « Du contrôle de gestion dans les PME, il n’y en a pas beaucoup, mais ici, lorsqu’on a racheté la société, il n’y en avait pas du tout ! C’est une entreprise qui fonctionnait à l’aveugle et cela n’est pas acceptable. Aujourd’hui, avec quatre ou cinq indicateurs, je peux agir à temps et même anticiper. Sur la base de ces indicateurs, nous avons une réunion logistique quoti dienne où nous envisageons les uploads/Management/ acfrogasra6-z6mw1mhomhxgvehwcfg9e-7joccjik-uz-ycg8ltmh-vtol-wkdjdspfdemmbaznfo87-vxs6wvoes6e-i-gff1jhei41siiesefaaxgz6j4zsjpmtwjjk6xvdazd0v374qwmlvr.pdf
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- Publié le Fev 15, 2021
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