1 DIVISION DU TRAVAIL ET TRAVAIL PRODUCTIF CHEZ SMITH L’une des thèses essentie
1 DIVISION DU TRAVAIL ET TRAVAIL PRODUCTIF CHEZ SMITH L’une des thèses essentielles énoncées par Smith est que la richesse d’une nation dépend du degré de développement de la division du travail et de la proportion entre travailleurs productifs et travailleurs improductifs. Parmi ces deux facteurs, Smith considère que le plus important est le degré de développement de la division du travail. 1. Les concepts de division technique et sociale du travail Le concept de division du travail doit être interprété à partir de deux dimensions que Smith ne distingue pas toujours avec précision : la division technique et la division sociale du travail. 1) La première dimension désigne la « division technique du travail » à l’intérieur des unités des productions. Cette première dimension, illustrée par le célèbre exemple de la manufacture d’épingles, est celle qui à l’impact direct le plus important sur la productivité de travail. Smith identifie trois mécanismes principaux par lesquels la division technique du travail permet d’augmenter la productivité du travail, en réduisant le temps de travail nécessaire à produire une marchandise donnée. a) le premier mécanisme est lié « l'accroissement de l'habilité de chaque ouvrier individuellement ». Il résulte de la décomposition du travail en des tâches de plus en plus simples et élémentaires. De cette sorte, chaque ouvrier peut se spécialiser dans une opération productive qui « devient la seule occupation de toute sa vie», en lui permettant d’acquérir une très grande habilité. A la suite de la division du travail, la figure de l’artisan polyvalent effectuant l’ensemble des étapes de fabrication nécessaire à la fabrication d’un produit, s’est transformé en la figure de l’ouvrier parcellisé de la manufacture d’épingles, spécialisé dans une unique tâche productive, à la fois très précise et très simple, qu’il répète sans cesse tout au long de la journée. Les gains de productivité résultent dans ce cas des économies de temps obtenues grâce à la rapidité accrue de l’ouvrier spécialisé dans sa tâche d’exécution1. Ils procèdent avant tout selon Smith d’une parcellisation/déqualification du travail qui va de pair avec une séparation progressive des tâches de conception et des tâches d’exécution, du travail intellectuel et du travail manuel. Cette logique de développement de la division du travail a des répercussions importantes sur ce qu’aujourd’hui nous qualifierons de processus de production des connaissances et de dynamique de l’innovation technique et organisationnelle. Aussi, par exemple, Smith évoque-t-il déjà la manière dont la conception des machines, qui auparavant était le fruit de la capacité créatrice de certains ouvriers, devient la fonction principale d’une « classe » particulière d’individus, « nommés savant ou théoriciens, dont la fonction est de rien faire mais de tout observer ». En somme, le développement de la division du travail au sein des ateliers s’accompagne d’un processus de polarisation des savoirs qui, après coup, se greffe et semble justifier la division en classes sociales. b) le deuxième mécanisme a trait aux économies de temps obtenues grâce à la réduction des temps morts, c’est-à-dire la diminution les temps improductifs non consacrés directement à la production. Dans l’exemple de la manufacture d’épingles, cette réduction des temps morts est toujours un effet de la spécialisation du travail de chaque ouvrier à une tâche 1 Taylor a poussé à l’extrême cette logique, par sa conception d’une « organisation scientifique du travail » qui vise à enlever tout travail intellectuel de l’atelier et réduit le travail à une tâche et à un nombre de gestes rigoureusement chronométrés. De cette sorte « la direction se charge de réunir tous les éléments de la connaissance traditionnelle qui, dans le passé, était en la possession des ouvriers ». 2 particulière. Celle-ci permet en fait d’éliminer les pauses autrement nécessaires pour changer d’outils et/ou pour se concentrer sur une nouvelle activité lorsque l’on passe d’une opération à une autre. c) Le troisième mécanisme est lié à l’invention de nouvelles machines qui permettent d’abréger le travail. La division du travail favorise la conception de nouvelles machines par trois biais principaux : - La décomposition-parcellisation du travail en une série d’opérations simplifiées et répétitive favorise la mise en place d’un système de plus en plus complexe d'outils et de machines qui remplace le travail de l’homme et/ou augmente sa productivité. Dans la mesure où « la tâche de chaque ouvrier se trouve successivement réduite à un plus grand degré de simplicité, il arrive qu’on invente une foule de machines pour faciliter et abréger le travail »2 ; - La construction de nouvelles machines finit par impulser à un certain moment le développement d’entreprises spécialisées qui font de « cette industrie l’objet d’une profession particulière »3. Celles-ci finissent par constituer une nouvelle industrie, l’industrie des biens d’équipement ; – Enfin la division du travail, selon Smith, conduit à la formation d’une classe minoritaire d’individus spécialisée dans le travail intellectuel et dans le processus de production de connaissances scientifiques et appliquées. Cette polarisation des savoir, va de pair d’une nouvelle « subdivision du travail [qui] dans les sciences comme en toute autre chose, tend à accroître l’habilité et à épargner du temps »4. Il en résulte, selon Smith, une accélération de ce que nous appellerons aujourd’hui l’accumulation des connaissances et la dynamique du progrès technique. Par son analyse, Smith anticipe une tendance lourde de la division du travail propre au capitalisme industriel reposant sur une scission croissante du travail intellectuel et du travail manuel. Elle trouvera son aboutissement historique dans l’organisation de la firme fordiste, où la hiérarchie entre deux niveaux de la division du travail s’institutionnalise : les bureaux méthodes et de R&D des grandes firmes, employant une composante minoritaire de la force de travail affectée aux tâches de conception et d’organisation du travail et à la production délibérée de connaissance, d’une part ; les ateliers de fabrication où se concentre une composante majoritaire de la force de travail dite « déqualifiée » et affectée à des tâches répétitive de production matérielle, de l’autre. Ces deux derniers processus censés favoriser l’innovation et la production de connaissances sont aussi ceux qui montrent mieux la manière dont Smith conçoit le rapport dynamique entre l’approfondissement de la division technique et celui de la division sociale du travail. 2) La deuxième dimension de la division du travail, extérieure à l’entreprise, est en fait la division sociale du travail. Au départ, on s’en souvient, la division sociale du travail consiste avant tout dans la spécialisation des producteurs (ou individus) dans des professions et de métiers indépendants. Cependant, à la suite du développement la division technique du 2 Adam Smith, La richesse des nations, Flammarion, Paris, 1991, p. 354 3 ibidem, op. cit., p. 77 4 ibidem 3 travail au sein des manufactures, la division sociale du travail acquiert deux nouvelles caractéristiques que nous venons d’évoquer : La première, on s’en souvient, est liée à la diversification des branches productives et à la spécialisation des entreprises (cf. exemple formation industrie bien d’équipements, section I au sens de Marx). Ainsi, au début de la révolution industrielle, chaque industrie textile fabriquait, dans la plupart des cas, ses biens d’équipements, comme par exemple la machine à vapeur ou le métier à tisser. Dans un deuxième temps, une série d’entreprises nouvelles vont se spécialiser dans la production de ces machines. De cette sorte, de la section des biens de consommation se détache une nouvelle section productive spécifique, spécialisée dans la production des biens de production (et ainsi de suite). La deuxième caractéristique concerne les effets sociaux du processus de polarisation des savoirs impulsé au niveau des manufactures par la séparation croissante du travail intellectuel et du travail manuel. De cette sorte, au niveau de l’usine, comme de la société, la division du travail se traduit dans une hiérarchie sociale des professions qui se greffe et semble justifier ex post la stratification en classes sociales de la société. Il en résulte les clivages entre deux classes d’individus et deux types de profession : - Au sommet, nous avons les individus qui grâce à leur condition privilégiée (comme les capitalistes, les rentiers, les professions libérales) peuvent s’instruire et accéder aux emplois les qualifiés et/ou aux fonctions de direction et d’organisation de la production. Ainsi, selon Smith, à la suite de la division du travail, « les fonctions philosophiques et spéculatives deviennent, comme tout autre emploi, la principale ou la seule occupation d’une classe particulière de citoyens » ; - A la base, les ouvriers qui, à la suite de la division du travail, sont affecté à un travail de plus en plus déqualifié, répétitif, détériorant les facultés physiques et intellectuelles des travailleurs. (N.B. Nous avons là un processus que Marx situera au cœur du passage de la soumission formelle à la soumission réelle du travail au capital). Cette division sociale du travail – il faut insister sur ce point - se greffe ainsi sur la division en classe de la société, elle la reproduit, la renforce et la légitime comme étant fondée sur le savoir. Certes Smith à la différence de nombre de libéraux actuels, reconnaît que la différence de talents et uploads/Management/ adam-smith-et-la-division-du-travail.pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 11, 2021
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 0.0422MB