ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 19, p. 169 - 197. © 201

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 19, p. 169 - 197. © 2014, IREM de STRASBOURG. NATHALIE SAYAC ET NADINE GRAPIN EVALUER PAR QCM EN FIN D'ECOLE : STRATEGIES ET DEGRES DE CERTITUDE Abstract. Multiple Choice Testing at the End of Primary School: Strategies and Levels of Confidence. The use of multiple choice items, especially in large-scale assessments, increasingly grows without questioning the strategies used by pupils to answer these types of questions, particularly in mathematics. The research presented in this paper aims to investigate how students in their final year of primary school proceed to answer multiple choice questions in the number domain and the level of confidence they give to their answer. Comparisons with students’ levels of knowledge and used response strategies complement broader concerns. Résumé. L'utilisation des QCM, en particulier dans les évaluations à grande échelle, se développe de plus en plus sans que soient interrogées les stratégies utilisées par les élèves pour répondre à ce type de questions, notamment en mathématiques. La recherche que nous présentons dans cet article vise à étudier la façon dont des élèves de fin de CM2 procèdent pour répondre à des QCM dans le domaine numérique et le degré de certitude qu'ils accordent à leur réponse. Des comparaisons selon le niveau de connaissance de l'élève et selon les stratégies de réponse qu’il emploie viennent compléter des considérations plus globales. Mots-clés. QCM, évaluation, degré de certitude, stratégies. ______________________________________________________________________ Introduction La culture scolaire française intègre progressivement les QCM (Questionnaire à choix multiple) comme mode d’évaluation alors que les anglo-saxons en ont une pratique beaucoup plus courante et ancienne. En mathématiques, dans le secondaire, ce type de support est désormais régulièrement utilisé pour évaluer les connaissances des élèves : par exemple, de nombreux manuels de mathématiques de collège intègrent les QCM comme modalités d’évaluation avec une visée diagnostique (en début de chapitre) ou comme auto-évaluation en fin de séquence. Parallèlement, si on considère les énoncés de l'épreuve de mathématiques du Diplôme National Brevet en 2012, sur les douze sujets recensés sur le site de l’APMEP, 7 comptaient des QCM. De plus, pour l’évaluation PISA 2003 (dominante mathématique), 20 % des questions étaient sous la forme de QCM simple (choisir une réponse parmi 4 propositions) et 12,9 % sous la forme de QCM complexe (succession de questions auxquelles il faut répondre par oui ou par non), c'est à dire, environ un tiers des questions de cette évaluation était sous forme de QCM (Bourny et al., 2003). NATHALIE SAYAC & NADINE GRAPIN 170 Ces premiers constats témoignent de l’intégration des QCM dans les activités mathématiques proposées aux élèves, au collège. Par contre, les élèves de l’école primaire ne sont que très rarement soumis à ce type de questions ou seulement lors d’activités exceptionnelles (rallyes, tests). Néanmoins, il convient de noter que pendant de nombreuses années le format QCM a été régulièrement employé dans les évaluations nationales qui avaient lieu à l’entrée en CE2 ou en 6ème et plus récemment, en fin de CE1 ou en fin de CM2). Ce format de questions est également largement répandu dans les évaluations menées à grande échelle par la DEPP (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance), notamment dans le cadre des évaluations bilans de fin d’école et de collège relevant du CEDRE (Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon). Alors que les résultats de ces évaluations nationales sont utilisés pour le pilotage pédagogique au niveau national et donnent lieu à la publication de notes d’informations rendant compte du niveau de connaissances et de compétences des élèves français dans les disciplines classiques, peu de travaux de recherche en France questionnent le dispositif d’évaluation par QCM pour ce qu’il est et pour ses spécificités, même si Adda (1976), Duval et Pluvinage (1977) et Pluvinage (1979), avaient commencé à s’intéresser à ces questions. Du côté anglo-saxon, Bloom, Hastings et Madaus (1971) ont été les précurseurs des questions posées par l’évaluation des apprentissages et ont été suivis par de nombreux chercheurs qui ont continué d’explorer ce champ. Néanmoins, les travaux de recherche qui portent sur les QCM concernent majoritairement des étudiants du supérieur (notamment Leclercq (1975, 1986), De Landsheere (1979), Hunt (1993), Gilles (1996)) alors que notre recherche porte sur des élèves d’un niveau scolaire très inférieur et d’âges beaucoup moins élevés (10-11 ans). Ayant toutes deux participé à la conception et à l’analyse des évaluations bilans CEDRE 2008, nous nous sommes interrogées sur l'activité de l'élève de fin d’école lorsqu'il est confronté à des QCM. En effet, il nous a semblé pertinent de mener une recherche portant sur cette question à la fois par curiosité scientifique, mais aussi pour interpréter, avec plus de précision et de rigueur les résultats produits par ce type d’enquête. Dans cet article nous présentons la méthodologie que nous avons mise en œuvre et proposons, à titre expérimental, une utilisation de degrés de certitude dans le cadre d'une évaluation externe et sommative en fin de CM2 ; nous conclurons par quelques constats en termes de fonctionnement cognitif des élèves et de pratique d’évaluation par QCM à l'école. 1. Problématique et hypothèses L’utilisation de QCM dans des évaluations à grande échelle est largement répandue puisqu’elle permet une correction automatique (sans avoir recours à des personnes) EVALUER PAR QCM EN FIN D'ECOLE PRIMAIRE 171 et fiable (pas d’interprétation des productions de la part de correcteurs par exemple). En analysant l’ensemble des items proposés dans l'évaluation bilan CEDRE 2008, il s’est avéré que certains parmi ceux qui étaient proposés sous forme de QCM avaient des résultats très différents de ceux proposés sous forme de question ouverte, alors que d’un point de vue mathématique, la tâche à réaliser était équivalente. Il semblerait que, dans le cas d’un QCM, l’évalué est moins réticent à fournir une réponse que lorsque la question est posée sous forme ouverte : par exemple, pour l’évaluation PISA 2003, en France, les scores moyens de non- réponses étaient de 3,5% pour un QCM alors qu’ils étaient autour de 25,5 % pour une réponse ouverte construite (Bourny & al., 2003). Nous nous sommes donc demandé quelles pouvaient en être les raisons, ce qui nous a amenées à investiguer la façon dont les élèves appréhendaient ce dispositif spécifique d’évaluation. Nous avons souhaité observer les stratégies utilisées par les élèves de ce niveau de scolarité face à un QCM. 1.1 Stratégies de réponse Tout d’abord, nous avons cherché à savoir si les stratégies que développent les élèves pour répondre aux QCM étaient toujours les mêmes et si elles étaient en lien avec leur niveau de connaissances en mathématiques. Est-ce que les élèves performants ou en difficultés adoptent une stratégie de réponse particulière aux QCM ? On trouve dans les travaux relatifs aux QCM (Choppin 1975, Leclercq 1987), différentes stratégies, mais toutes pensées pour des étudiants adultes. Voici, par exemple, les 3 modèles retenus par Choppin (1975) : Modèle 1 : quand l’étudiant « sait », il choisit la réponse correcte et quand il ne « sait pas », il choisit au hasard parmi les réponses proposées. Modèle 2 : commence comme le Modèle 1, mais au lieu de répondre au hasard quand il « ne sait pas », l’étudiant commence par éliminer les solutions qu’il sait être fausses et choisit au hasard parmi celles qui restent. Modèle 3 : l’étudiant commence par ranger les solutions possibles par ordre de plausibilité décroissante et, si la consigne l’oblige à ne fournir qu’une d’entre elles, alors il choisit celle dont la probabilité (subjective) est la plus élevée (à ses yeux). En complément de ces modèles, d’autres catégorisations existent, comme celle de Katz & al. (2000), qui distinguent des stratégies « traditional » et « non traditional ». Les premières reposent sur des procédures qui sont enseignées et que l’élève utiliserait pour répondre si la question était posée sous forme ouverte ; les autres, spécifiquement associées à des QCM, sont celles où l’élève s’appuie sur les réponses proposées pour faire un choix. NATHALIE SAYAC & NADINE GRAPIN 172 1.1.1 Liste des stratégies retenues Nous avons donc commencé par lister les stratégies possibles pour des élèves de dix - onze ans car il nous a semblé indéniable qu’elles ne pouvaient être identiques à celles d’étudiants adultes. Cette liste s'est complétée au fur et à mesure de notre expérimentation, au plus près des stratégies réelles des élèves, pour arriver à la liste des stratégies suivante : S1 : l’élève effectue la tâche demandée mentalement ou explicitement puis trouve, parmi les propositions, celle qui correspond à la réponse trouvée ; S2 : l’élève reconnait d’emblée la « bonne » réponse parmi celles proposées (connaissance intériorisée) ; S3 : l'élève commence par s'engager dans une procédure de résolution, mais sans aller jusqu'au bout (à la différence de S1); il utilise ensuite les différentes propositions de réponses pour conclure (en choisissant celle qui lui paraît la plus vraisemblable) ; S4 : l’élève élimine les propositions qui paraissent fausses, puis déduit de celle(s) qui reste(nt), la bonne réponse ; S5 : l’élève répond au hasard ; S6 uploads/Management/ adsc19-2014-009.pdf

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  • Publié le Aoû 26, 2022
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