Le recours à l’intuition lors de la prise de décision et l’influence de l’envir
Le recours à l’intuition lors de la prise de décision et l’influence de l’environnement socio-culturel Ahmed DAMMAK Doctorant CREPA / Université Paris Dauphine Colloque CIDEGEF - CEMADIMO « Le management face à l’environnement socio-culturel » Université St Joseph ; Beyrouth 28 – 29 octobre 2004 La prise de décision est la partie cruciale du travail d’un dirigeant. Elle justifie l’étendue de son autorité et son accès à l’information D’ailleurs le manager est substantiellement impliqué dans toutes les décisions importantes prises par son organisation. Il a le pouvoir d’engager l’organisation dans des actions nouvelles, il garantit que les décisions tiennent compte de façon adéquate des informations les plus récentes et des valeurs de l’organisation et il intègre les décisions stratégiques entre elles. La question qui se pose est : comment et sur quels critères les dirigeants prennent-ils leurs décisions ? Nous essaierons de répondre à cette interrogation en montrant le rôle que peut jouer l’intuition dans cette prise de décision. Nous essaierons aussi de mettre à jour les facteurs qui pourraient amplifier ou limiter ce recours à l’intuition et principalement l’influence que pourrait avoir l’environnement socio- culturel. Différentes manière de prendre une décision Le dirigeant lors de la prise de décision doit faire un choix plus ou moins rapide, avec comme armes l’ensemble des informations qu’il aura récolté ou emmagasiné précédemment. Schématiquement il pourra prendre la décision de 3 manières différentes. Soit par la séquence analytique « classique » de prise de décision : recherche analyse choix. Il doit, alors, effectuer, une recherche minutieuse des alternatives de choix, une analyse approfondie de leurs conséquences respectives, et le choix de l’alternative satisfaisant le mieux des critères préétablis. Il pourra s’aider de techniques quantitatives et analytiques ou de systèmes de simulation. 2 Soit après avoir saisi le problème dans sa globalité suivre la première intuition qui lui vient à l’esprit et qui s’impose à lui comme la meilleure sans recours à la moindre analyse Soit enfin en combinant les deux méthodes précédentes en essayant de confronter ses intuitions à des analyses plus approfondies. Recours à l’intuition quasi-obligatoire Cette utilisation de l’intuition soit en tant que complément ou substitut à l’analyse formelle s’impose de plus en plus au vu des évolutions des contextes de décision. D’une part, depuis maintenant quelques années, l’environnement des entreprises n’est plus stable, est devenu changeant et incertain, l’analyse formelle seule ne fait plus l’affaire. En effet les hommes n’arrivent pas à produire des outils sophistiqués de manière aussi rapide que l’évolution de l’environnement, les différents instruments et méthodes préétablies de prise de décision se trouvant de plus en plus vite dépassés et obsolètes. C’est pour cela que les managers se penchent de plus en plus vers une adjonction de l’intuition aux analyses rigoureuses pour essayer d’anticiper les évolutions éventuelles, de compenser les données qu’ils ne peuvent appréhender et améliorer, ainsi, le confort de la décision. D’autre part, les spécificités des décisions incombant aux managers « militent » elles même pour un recours à l’intuition. Ces décisions sont caractérisées par une grande incertitude, un manque de données fiables, des conséquences importantes et un engagement de l’entreprise pour le long terme. Ces décisions sont, donc, non programmées, au sens de Mintzberg et al. (1976), c’est à dire complexes, dont on ne comprend que peu de choses et pour lesquelles il n’existe pas de méthode prédéterminée permettant de parvenir à une solution. C’est pour cela que les alternatives de décision et leurs conséquences sont rarement connues avec clarté et les choix sont faits de façon à satisfaire les contraintes et non pas de façon à maximiser les objectifs. Le manager et même l’équipe managériale ne peut appréhender en totalité chaque aspect du problème de décision. 3 Etant donné cette complexité des décisions les cadres ont de tous temps travaillé et continuent à le faire en se basant sur de l’information verbale et en suivant des processus intuitifs, non explicites. Tentatives de définition de l’intuition L’intuition devrait donc avoir un rôle dans la prise de décision, mais qu’est ce donc ce concept d’intuition ? Nous allons commencer par exposer les différentes définitions académiques disponibles à ce sujet : Intuition vient du latin «intueri» qui, à peu près, signifie «regarder attentivement à l’intérieur de soi » Pour l’encyclopédie Universalis l’intuition désigne «La manière d’être d’une connaissance qui comprend directement son objet, par un contact sans médiats avec lui et sans le secours de signes et de procédés expérimentaux». Dans les différents dictionnaires, nous lui trouvons de nombreuses définitions et elle serait : «Une perception rapide et spontanée d’une information sans l’attention consciente ou le raisonnement». «Une forme de connaissance immédiate, claire et directe, ou une capacité de connaître qui ne recourt ni à la déduction ni au raisonnement». «Une connaissance innée ou instinctive, le flair, le savoir ou le sixième sens qui permet de sentir et de deviner les choses». «Le fait d’atteindre une solution ou obtenir un résultat en utilisant moins d’informations qu’il n’est habituellement nécessaire». Certaines sciences se sont intéressées de manière plus approfondie à l’intuition comme la psychologie ou la philosophie. En psychologie, l’intuition est un jugement syncrétique qui n’est précédé d’aucune élaboration logique et on dit d’un homme qu’il a de l’intuition quand il porte fréquemment des jugements justes sans justification logique et sans possibilité d’analyse. 4 La pensée intuitive étant une pensée qui investit directement son objet, qui est à la fois contact et compréhension, connaissance immédiate sans interposition de signes ni de procédés expérimentaux ou déductifs. Tandis qu’en philosophie, d’une manière générale, le terme d’intuition désigne une forme de savoir dans lequel l’objet connu est immédiatement et totalement présent à l’esprit. Le terme garde toujours un rapport proche ou lointain avec l’acte de voir, le regard, que désigne au sens propre l’intuitus latin. En recoupant l’ensemble de ces définitions, nous pouvons déduire que l’intuition est en quelque sorte une connaissance directe de quelque chose sans utilisation consciente du raisonnement. L’intuition est, aussi, comparée à des instincts, des pressentiments, une synthèse de recherche et d’expérience, une reconnaissance d’informations oubliées. L’intuition apparaît à un niveau inconscient, elle implique une interprétation holistique de l’information et une reconnaissance implicite de la structure des problèmes et des relations entre les variables avec une certitude implicite que le pressentiment est correct. En résumé l’intuition est une manière inconsciente, holistique de procéder dans laquelle le jugement est fait sans une conscience des règles ou des savoirs utilisés. Vers une intuition « managériale » ? Ceci est pour la définition de l’intuition dans le sens commun du terme mais vu son utilisation par les managers nous trouvons des définitions et des témoignages de son utilisation dans la littérature de recherche managériale. En effet, l’intuition une fois maîtrisée, permettra au dirigeant d’avoir un jugement inconscient sans intégrer de structure logique ou expérimentale ce qui l’aide lors de la préparation et de la prise de ses décisions. L’intuition est, par ailleurs, souvent utilisée pour anticiper une situation difficile à extrapoler ou probabiliser. 5 Carl JUNG (1920) pense que les managers intuitifs ont une capacité décisionnelle que le reste des personnes n’ont pas et cela consiste en une sorte de vision de ce qui va se passer et comment faire réagir leurs organisations à cette vision. Ils sont particulièrement efficaces s’il faut générer de nouvelles idées et des solutions ingénieuses et dans des situations de crises ou de changements rapides. Donaldson et Lorsh (1993) montrent que les décisions importantes sont rarement simplement prises sur la base d’études détaillées et d’analyses mais plutôt sur des jugements fondés sur les expériences passées et pressentiments partagés quant aux événements futurs. Les managers sont prudents à propos de l’analyse car ils savent que les événements futurs sont largement imprévisibles et incertains. Cela rejoint finalement le point de vue précurseur de Chester Barnard qui, dès 1938, soulignait que les dirigeants au contraire des scientifiques, n’ont pas toujours le loisir de prendre les décisions sur la base d’analyses rationnelles mais doivent souvent se fier à leurs intuitions. Khatri et Ng (2000) estiment, quant à eux, que les décisions stratégiques étant caractérisées par des connaissances incomplètes, surtout dans un contexte d’environnement dynamique et changeant, il est difficile d’identifier des variables précises et d’établir des équations quantitatives pour aider à la décision, c’est pour quoi la synthèse intuitive serait mieux appropriée. Simon (1987) insiste, pour sa part, sur le fait qu’une théorie de la prise de décision stratégique doit prendre en compte à la fois les processus rationnels et intuitifs. En effet, pour lui, l’analyse et l’intuition sont complémentaires et les bons managers les utilisent simultanément. Mintzberg (1984) quant à lui pense que l’intuition n’a jamais disparue dans la pratique quotidienne des cadres, elle s’est juste dissimulée dans un obscur hémisphère du cerveau humain. Enfin Marlow (1994) relate que les managers admettent que le point de départ de la prise de décision, est un sentiment intuitif. Ce pressentiment ayant été par la suite examiné 6 logiquement, a abouti à une décision qui a permis d’exploiter des opportunités. Dans cette intuition est comprise la capacité à anticiper uploads/Management/ ahmed-dammaki.pdf
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- Publié le Mar 01, 2022
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