1 Audit financier et contrôle interne : l’apport de la loi Sarbanes-Oxley Hervé
1 Audit financier et contrôle interne : l’apport de la loi Sarbanes-Oxley Hervé Stolowy, Edouard Pujol, Mauro Molinari, Groupe HEC Résumé La loi Sarbanes-Oxley a pour objectif d’augmenter la responsabilité des sociétés et de mieux protéger les investisseurs, ainsi que redonner confiance aux investisseurs et aux petits épargnants. Cette loi comporte un volet qui nous étudions spécifiquement dans cet article : l’obligation pour les dirigeants des sociétés américaines d’évaluer l’efficacité et la qualité de leur système de contrôle interne. Cette loi américaine va avoir d’importantes conséquences, tant en termes d’organisation des entreprises qu’au plan mondial, ainsi qu’en atteste en France la toute récente loi sur la sécurité financière. Introduction L’économie américaine, portée par la nouvelle économie, la globalisation et les nouveaux instruments financiers, et alimentée par des marchés boursiers en pleine euphorie, a enregistré tout au long des années 1990 sa croissance la plus longue de l’après-guerre (Rioux, 2003). Cette évolution s’est appuyée sur quelques schémas simples : forte exigence de la part des investisseurs en termes de rentabilité, augmentation dans des proportions très fortes de la valeur boursière de certaines valeurs dites « technologiques », plus-values colossales réalisées en bourse, stratégies de croissance externe démesurées… Cependant, pour pouvoir satisfaire les nombreuses exigences de leurs différentes « parties prenantes » (stakeholders), certains dirigeants n’ont pas hésité à user (voire abuser) de pratiques comptables dites « créatives »1 ou « agressives »2 allant, dans plusieurs cas, jusqu’à des comportements totalement frauduleux. 1 La comptabilité créative peut être définie comme un ensemble de procédés visant à modifier le niveau de résultat, dans un souci d’optimisation ou de minimisation, ou la présentation des états financiers, sans que ces objectifs s’excluent mutuellement. Les procédés mis en œuvre s’appuient sur les choix offerts par la réglementation comptable ainsi que sur les possibilités ouvertes par les faiblesses et les carences des textes comptables ou bien encore sur les divergences entre les règles françaises et les règles internationales, mais aussi sur des montages pour lesquels la comptabilité peut intervenir selon deux schémas opposés : la détermination de la traduction comptable d’une opération juridico-financière ou l’élaboration d’un montage juridico-financier dans un objectif de modification du résultat ou des états financiers (Stolowy, 2000). 2 Le retournement de la conjoncture boursière, initié en 2000, s’est traduit, en mars 2001, par l’« éclatement de la bulle spéculative » et de nombreuses pratiques évoquées ci-dessus ont été découvertes, notamment parce qu’elles n’étaient plus « tenables » pour les entreprises dont le cours de bourse constituait le « soubassement » de leurs turpitudes3. Les nombreux scandales qui ont alors frappé les Etats-Unis en 2001 et au début de l’année 2002 (avec Enron, en tête, mais aussi Adelphia, Xerox, et surtout WorldCom) ont entraîné, comme le rappelle Descheemaeker (2003), une réaction brutale du législateur américain et l’adoption de la loi dite « Sarbanes-Oxley »4, votée par le Congrès des Etats-Unis et ratifiée par le président Bush le 30 juillet 20025. Cette loi Sarbanes-Oxley constitue la plus importante réforme aux Etats-Unis depuis la crise des années 1930 et le Securities Act de 1934 qui régit encore largement le monde de la finance aux Etats-Unis. Elle est guidée par trois grands principes : l’exactitude et l’accessibilité de l’information, la responsabilité des gestionnaires et l’indépendance des organes vérificateurs. La loi a pour objectif d’augmenter la responsabilité de la société et de mieux protéger les investisseurs, ainsi que redonner confiance aux investisseurs et aux petits épargnants (Rioux, 2003). Cette loi comporte un volet qui nous préoccupe directement dans cet article : l’obligation pour les dirigeants des sociétés américaines d’évaluer l’efficacité et la qualité de leur système de contrôle interne. Ainsi, après avoir présenté brièvement les principaux éléments de cette loi (§ 1), nous développerons les dispositions portant sur le contrôle interne (§ 2). Mais il convient de ne pas négliger les conséquences de cette loi américaine, tant en termes d’organisation des entreprises (§ 3) qu’au plan mondial. La loi sur la sécurité financière fournit un excellent aperçu des possibles conséquences en France (§ 4). 2 Le terme d’agressive accounting a été très en vogue aux Etats-Unis pendant toute la période d’euphorie boursière des années 1990. Sans faire l’objet d’une définition unanimement reconnue, il correspond, selon nous, à l’utilisation, dans des conditions extrêmes, des options laissées par les règles comptables. 3 Il a été notamment prouvé qu’Enron a utilisé ses propres titres comme garantie dans de nombreux montages et que la chute des cours de bourse a fait s’effondrer les montages comme un château de cartes. 4 Le texte précise que la loi peut être citée en tant que « Sarbanes-Oxley Act of 2002 ». Elle tient son nom des deux membres du congrès qui en ont été les rédacteurs : le sénateur démocrate Paul Sarbanes, Président de la Commission des affaires bancaires, et le représentant républicain Michael Oxley, Président de la Commission des services financiers. 5 Le texte intégral de la loi peut être facilement trouvé sur internet, notamment à l’adresse suivante : http://news.findlaw.com/hdocs/docs/gwbush/sarbanesoxley072302.pdf 3 1. Le contenu de la loi Sarbanes-Oxley La loi contient six axes principaux (Rioux, 2003, Descheemaeker, 2003). 1.1 Certification des comptes Le Directeur Général (Chief Executive Officer - CEO) et le Directeur Financier (Chief Financial Officer - CFO) sont obligés de certifier les états financiers publiés, au moyen d’une déclaration signée (loi Sarbanes-Oxley, section 302). 1.2 Contenu des rapports Les entreprises doivent fournir à la Securities and Exchange Commission (SEC) des informations supplémentaires afin d’améliorer l’accès à l’information et la fiabilité de cette information. Les entreprises doivent rendre publics les ajustements comptables identifiés par les auditeurs, les engagements hors bilan, ainsi que les changements dans la propriété des actifs détenus par les dirigeants. En outre, les dirigeants doivent rédiger un rapport sur les procédures du contrôle interne (voir ci-après) et préciser si un code d’éthique a été adopté. 1.3 Contrôle de la SEC La SEC devra procéder à un contrôle régulier des sociétés cotées, ce contrôle devant intervenir au moins une fois tous les trois ans. 1.4 Comités d’audit et règles d’audit Les entreprises doivent mettre en place un comité d’audit indépendant pour superviser le processus de vérification. Ce comité est responsable du choix, de la désignation, de la rémunération et la supervision des auditeurs. Il doit également mettre en place des procédures pour recevoir et traiter les réclamations mettant en cause la comptabilité, les contrôles internes comptables et l’audit, et pour garantir le traitement confidentiel des observations émanant du personnel de la société concernant des problèmes comptables ou d’audit (loi Sarbanes-Oxley, section 301). 4 En outre, la loi prévoit la rotation des auditeurs externes (section 203). Par ailleurs, dans le souci de réduire les conflits d’intérêts, les auditeurs externes ne peuvent offrir à l’entreprise dont ils vérifient les comptes, des services autres que ceux qui sont directement reliés à cette activité (notamment des services liés à la mise en place de systèmes d’information) (loi Sarbanes-Oxley, section 201). 1.5 Création du Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB) Dans le cadre de la loi (sections 101-109), un nouvel organisme de réglementation et de surveillance est créé, le Public Company Accounting Oversight Board. Cet organisme doit superviser les cabinets d’audit, établir des normes, mener des enquêtes et sanctionner les personnes physiques ou morales qui ne respectent pas les règles. Dépendant de la SEC, ce nouvel organisme de contrôle comprend cinq membres nommés par celle-ci, et dispose de pouvoirs d’enquête et de sanction. 1.6 Sanctions Des sanctions pénales sont créées et d’autres considérablement renforcées. Nous retiendrons à titre d’exemple que la certification d’états financiers non conformes à la réglementation est passible d’une amende d’un million de dollars ou d’un emprisonnement de 10 ans au plus. En outre, la commission intentionnelle de la même infraction fait passer l’amende à 5 millions de dollars et l’emprisonnement à 20 ans (section 906 de la Loi Sarbanes-Oxley). La falsification de documents dans le but de faire obstacle à une enquête fait l’objet d’une amende à laquelle peuvent venir s’ajouter des peines de prison pouvant atteindre 20 ans (section 802)6. 2. Le contrôle interne dans la loi Sarbanes-Oxley Dans le cadre de l’amélioration du contenu des rapports évoquée ci-dessus, la loi Sarbanes- Oxley contient divers articles concernant les nouvelles responsabilités des dirigeants d’entreprise en matière de contrôle interne. Il s’agit notamment des sections 302 et 404. Il 6 Cette nouvelle sanction semble être l’une des conséquences de la destruction des documents de la société Enron par le bureau du Cabinet Andersen à Houston. 5 paraît cependant utile de fournir brièvement une définition de la notion de contrôle interne et de s’interroger sur l’éventuel diagnostic sur les insuffisances du contrôle interne sous-jacent à la loi Sarbanes-Oxley. 2.1 Définition du contrôle interne L’Ordre des experts comptables français fournit une définition qui nous paraît claire et d’application universelle (OECCA, 1977, pp. 8-9) : le contrôle interne est « l’ensemble des sécurités contribuant à la maîtrise de l’entreprise. Il a pour but, d’un côté, d’assurer la protection, la sauvegarde du patrimoine et la qualité de l’information, de l’autre, d’assurer l’application des instructions de la direction uploads/Management/ audit-financier-loi-sox.pdf
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- Publié le Fev 26, 2022
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