LA MATERNELLE : AU FRONT DES INÉGALITÉS LINGUISTIQUES ET SOCIALES CE RAPPORT A
LA MATERNELLE : AU FRONT DES INÉGALITÉS LINGUISTIQUES ET SOCIALES CE RAPPORT A ÉTÉ COMMANDÉ PAR XAVIER DARCOS MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE AU PROFESSEUR ALAIN BENTOLILA QUI EN A ASSURÉ LA DIRECTION SCIENTIFIQUE Décembre 2007 Alain BENTOLILA, Professeur de linguistique à l’Université de Paris 5, a assuré la direction et la coordination de cette étude. Il a été accompagné dans ce travail par une commission composée de : - Marie-Carmen DUPUY : Membre du Conseil scientifique de l’Observatoire National de la Lecture - Bruno GERMAIN : Chargé de mission à l’Observatoire National de la Lecture - Catherine JOUSSELME : Professeur des universités – Directrice de la Fondation Vallée - MARIE-ROSE MORO : Professeur des Universités - Service de Psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent à l’Hôpital Avicenne - ODILE SAMANIEGO : Inspectrice de l’Education Nationale Val de Marne - ALAIN SEKSIG : Inspecteur de l’Education Nationale chargé de la politique de la ville et de l’éducation prioritaire à l’Inspection académique de Seine Saint-Denis - GABRIEL TARLÉ : Inspecteur de l’Education Nationale Dordogne. La Commission remercie de sa contribution l’Inspection académique de l’Oise qui a effectué un travail précieux de synthèse des rapports d’inspection. LA MATERNELLE : AU FRONT DES INÉGALITÉS LINGUISTIQUES ET SOCIALES UNE ECOLE À PART ENTIÈRE L’excellente réputation dont a joui longtemps l’école maternelle, auprès de l’opinion publique française en général comme au-delà des frontières de notre pays, a largement ralenti – et même rendue suspecte – toute interrogation à son sujet. Le paradoxe de l’école maternelle actuelle, c’est l’illusion sur laquelle elle repose. Illusion issue de ses performances passées, à l’époque où elle était en avance sur son temps. Epoque de dynamisme, même de militantisme pédagogique innovant de ses enseignants, époque où elle était l’objet d’une attention particulière. La maternelle vit aujourd’hui sur ses acquis. Suivie par la quasi- totalité des enfants bien que non-obligatoire, surpeuplée, elle fait illusion aux parents qui y voient ce qu’elle montre le mieux : de la bienveillance, de la présence dans le tissu social, une forme d’encadrement, des productions d’élèves joliment mises en scène. Elle fait illusion à certains enseignants qui pensent créer une pédagogie active et efficace fondée sur l’interaction, la participation, l’action en classe. Elle fait enfin illusion à l’institution elle-même qui n’ose pas évaluer vraiment la maternelle d’aujourd’hui et ce qu’elle « produit en termes d’apprentissage et d’acquisition ». Considérons ce simple fait des plus éclairants : la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, pour nombre d’acteurs de l’école maternelle à employer le terme « élève » lorsqu’il s’agit de désigner l’enfant qui la fréquente ! A trop vouloir faire de l’école maternelle une école « autre », on risque de contribuer - par endroit - à en faire « autre chose » qu’une école. Afin de garantir la spécificité de la maternelle il nous apparaît légitime de revoir la configuration des cycles de l’école primaire. Les classes de maternelle composeraient ainsi institutionnellement le cycle 1, le CP et le CE1 le cycle 2, et les CE2, CM1 et CM2 le cycle 3. Sans nier donc l’originalité de la maternelle, grâce à la réorganisation des cycles, et en insistant toujours sur l’extrême importance des échanges entre cycles afin de garantir la continuité de l’apprentissage, nous pensons nécessaire d’affirmer avec force que l’école maternelle d’aujourd’hui est une école à part entière, non une école entièrement à part. Refonder l’école maternelle comme une école à part entière, c’est définir fermement ses objectifs, ses missions et fonctions, ses programmes propres, la formation soutenue et approfondie de ses professeurs et lui donner un encadrement spécifique. Cela devrait passer, selon nous, par son inscription claire dans le cadre de l’obligation scolaire. Une double obligation : celle des parents de scolariser leur enfant, celle également de la République de préparer au mieux la réussite scolaire des élèves qui lui sont confiés. Si le taux d’inscription en école maternelle avoisine en effet les 100%, on sait toutefois que le taux de présence en classe au quotidien est souvent aléatoire pour de nombreux enfants, quasi inexistant le samedi matin. En fonction de son emploi du temps personnel, de ses humeurs, de ses traditions, la famille peut retirer l’enfant à sa guise au prétexte, très souvent avoué sans ambages, que « l’école maternelle n’est pas obligatoire ». Ainsi, certains enfants, souvent parmi les plus fragiles, ne vont à l’école maternelle que de manière partielle, ce qui ne permet plus aux enseignants de compter, pour tous, sur une formation progressive et contrôlée. Les enseignants sont ainsi contraints de prévoir, selon les jours et les horaires, des activités notablement peu liées aux apprentissages, mais plutôt à l’expression personnelle, voire à la garderie déguisée, au prétexte que tous les enfants n’en profiteraient pas. Comment espérer accompagner au mieux les élèves et les préparer à la suite de leur scolarité dans ces conditions ? L’école maternelle en fait actuellement les frais. Ne rien faire, c’est faire perdurer cet état de fait. L’obligation scolaire à 3 ans révolus, c’est aussi pour l’Ecole une manière de montrer son engagement pour la réussite. L’école maternelle « s’oblige » ainsi à préparer, dans un souci de continuité des apprentissages, un parcours serein, construit et dédramatisé, de la maternelle vers l’élémentaire, reposant sur des bases solides et garanties. La spécificité de la maternelle ne viendra plus de son exclusion de la scolarisation obligatoire et d’une liberté mal maîtrisée, mais au contraire de l’organisation volontariste de ses missions, de son implication comme base des apprentissages futurs. TEMPS SCOLAIRE ET REALITÉ DE L’APPRENTISSAGE L’analyse rigoureuse d’un nombre important de rapports d’inspection (Oise, Val de Marne, Seine Saint-Denis) donne une idée assez précise d’une école où la classe est faite au fil de l’eau, selon les envies, selon les compétences de l’enseignant, selon le quartier. L’école maternelle a souvent privilégié ce qui se voit, s’expose, s’affiche, au plus grand plaisir des parents et des élèves. Le « bien vivre » a parfois pris le pas sur le « bien apprendre ». L’organisation et la rotation du travail en petits groupes, qui sont une nécessité pédagogique, ont souvent des conséquences très inquiétantes sur les temps réels d’apprentissage à l’école maternelle. Les séquences où l’apprentissage s’effectue sous le contrôle attentif et lucide de l’enseignant sont en fait extrêmement réduites. Dans une journée d’école maternelle se succèdent en effet des temps d’activités bien différents. On constate une alternance entre des moments où tout le groupe classe est réuni autour de l’enseignant pour une activité éducative orale et collective (rituels, chants et comptines, motricité et souvent expression libre), et des temps de travaux en petits groupes, les ateliers. Généralement les ateliers du matin et ceux de l’après-midi, ne portent pas sur des travaux de même nature. On réserve en deuxième partie de journée, des tâches qui réclament une concentration et une médiation moindres, tandis que les ateliers du matin localisés, avant ou après la récréation, sont consacrés à des activités exigeantes souvent avec une trace écrite. Chaque atelier peut porter sur un domaine précis : numération, graphisme, lecture, mais ils peuvent aussi se décliner dans un même champ de compétences. Le travail demandé a pour support le plus souvent, une page d’exercices ou une fiche photocopiée. Ce temps d’ateliers comporte de véritables apprentissages avec objectifs, consignes, réflexions et corrections. Cette séance dure environ 45 minutes à l’intérieur de laquelle on peut mesurer souvent moins de 30 minutes de concentration. Ces ateliers représentent le seul temps fort de travail individuel avec production d’une trace écrite, sur une matinée Dans cette séance du matin, les élèves sont répartis en groupes, l’enseignant encadre donc un seul atelier dirigé avec un travail d’apprentissage abordant une notion nouvelle ou difficile. Les 2 ou 3 autres groupes d’élèves sont en activités d’entraînement, de réinvestissement, surveillés à distance par l’enseignant ; l’atelier peinture reste souvent sous le contrôle de l’ATSEM. On pourrait espérer que les élèves fassent au cours de la journée au moins deux ateliers par rotation mais, la plupart du temps, les groupes tournent sur les 4 jours de la semaine. Un élève fera donc chaque jour un seul atelier avec une fiche ou exercice écrit, et sur la semaine, il ne sera qu’une seule fois dans le groupe contrôlé par l’enseignante. On admettra qu’une demi-heure par semaine d’apprentissage directement accompagnée par la maîtresse apparaît plus qu’insuffisant. Rares sont en réalité les classes où un exercice écrit de graphisme ou de numération est proposé chaque jour et à tous les élèves. Les emplois du temps et la rotation des ateliers en maternelle sont donc à revoir, le temps de concentration quotidien pour chaque élève doit absolument être augmenté de manière significative. S’ajoute à cela le fait que les activités sont fréquemment construites autour d’un thème au lieu de s’articuler sur des progressions de compétences à travailler. Des progressions précises devraient être proposées, fondées sur de véritables objectifs. Horaires et programmes devraient être précisés par niveau de classe, même si les compétences sont réparties sur un cycle. Il conviendrait enfin de mieux maitriser la durée et l’organisation d’activités « uploads/Management/ bento-mater.pdf
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- Publié le Jan 03, 2021
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