Pour le livre de Thierry Zintz et Mathieu Winand, Management et évaluation de l

Pour le livre de Thierry Zintz et Mathieu Winand, Management et évaluation de la performance, un défi pour les organisations sportives, De Boeck, Bruxelles. Chapitre 6 La performance financière des organisations sportives à but non lucratif: quels enjeux, quels outils ? Wladimir Andreff1 Dans la quasi-totalité des secteurs économiques, la performance financière des organisations est un indicateur à la fois de leur bien fondé et de leur raison d’être, de la qualité de leur gestion et, sous-jacente, celle de leur gouvernance, de leur profitabilité et de la bonne santé de chaque organisation, donc de ses chances de survie à moyen et long terme. La performance financière d’organisations sportives à but non lucratif, telles les associations sous le régime de la loi de 1901 en France ou les Verein en Allemagne, ou des formules juridiques voisines dans toute l’Europe du sport, est différente et spécifique. Son analyse varie selon que l’organisation opère exclusivement dans le sport amateur et de loisir ou qu’elle dispose d’une section (d’une société2) de sport professionnel ou d’athlètes et d’équipes de haut niveau3. En France, les budgets des 264.700 clubs sportifs, dont près de 175.000 sont affiliés à des fédérations agréés au niveau national, représentent une masse financière de 8.800 millions d’euros et les 219 clubs professionnels 1.945 millions d’euros (Bourg et Nys, 2012). Ce chapitre présente diverses conceptions de la performance financière et de sa relation avec la gouvernance d’une organisation (1). Ce cadre d’analyse est appliqué aux organisations sportives disposant d’une section professionnelle ou de haut niveau (2) et à celles qui n’en 1 Professeur émérite à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Président d’honneur de la International Association of Sports Economists et de la European Sports Economics Association. 2 En France, les associations sportives dont les recettes de manifestations payantes dépassent 1,2 million € ou dont les rémunérations dépassent 0,8 million € ont l’obligation de créer une société commerciale: entreprise unipersonnelle en responsabilité limitée, société anonyme à objet sportif ou société anonyme sportive professionnelle. 3 Il ne sera pas question ici des organisations sportives (centres de remise en forme, de body building, aquagym, fitness, etc.) du secteur commercial de l’offre de pratique sportive, malgré leur importance relative.; pPour le seul fitness commercial, le nombre de pratiquants est estimé à plus de 4 millions en Allemagne, 2,5 millions aux Royaume Uni, 2 millions en Italie, 1,6 million en France et 400.000 en Belgique. Mais leur but est lucratif. Le sport de haut niveau rémunéré à statut officiellement amateur est ici regroupé avec le sport professionnel;. iIls différediffèrent peu sous l’angle de la performance financière. 1 disposent pas (3). Les outils de performance financière et de bonne gouvernance sont cruciaux en temps de crise pour les organisations sportives (4). 1. Performance financière et gouvernance des organisations Comment saisir la notion de performance financière? La grande majorité des économistes évaluent la performance financière d’une organisation d’après le résultat net d’exploitation révélé par sa comptabilité: perte d’exploitation (déficit), équilibre des produits et des charges (des revenus et des dépenses) ou bénéfice (profit). Ce dernier doit être recherché car il assure la poursuite de l’exploitation, la pérennité de l’organisation et lui permet de croître dès lors que le profit est en partie ou en totalité réinvesti dans l’organisation. A défaut de profit, l’équilibre comptable revenus/dépenses est acceptable en ce qu’il n’obère ni l’exploitation, ni l’existence de l’organisation; cependant, il ne lui permet pas d’autofinancer sa croissance pour laquelle elle doit alors recourir à l’emprunt, donc s’endetter. Le déficit doit être évité; il révèle des difficultés d’exploitation et annonce une incapacité d’autofinancement et un besoin d’endettement, ne serait-ce que pour couvrir le déficit. Si ce dernier perdure, il porte préjudice à l’investissement et à l’expansion de l’organisation d’une part et, d’autre part, il fait perdre confiance aux créanciers, les amenant à demander sa liquidation pour récupérer leurs créances. L’endettement, durable ou a fortiori croissant, est une trace historique des déficits répétés et cumulatifs de l’organisation. Ce modèle dominant suppose qu’en économie de marché les organisations cherchent à faire des bénéfices et à éviter tout déficit, i.e. qu’elles maximisent leur profit sous la contrainte des ressources dont elles disposent et de celles qu’elles peuvent se procurer par emprunt tout en restant solvables. La profitabilité est l’indice majeur d’une bonne gestion, conduite par une structure de gouvernance efficace, dégageant un surplus pour les ayants droit – un dividende pour les propriétaires d’une firme privée. C’est faire peu de cas du secteur social et des AS associations sportives à but non lucratif dont les ayants droit sont des adhérents, non des propriétaires. Une vision plus adaptée de la performance financière d’une organisation renvoie à la notion de contrainte budgétaire, i.e. l’impératif pour elle de ne pas dépenser plus que le montant de ses revenus. Cette notion permet de distinguer entre les systèmes économiques – l’économie de marché et l’économie planifiée d’Etat (Kornaï, 1980) – ou entre les secteurs – privé, public, social - de l’économie de marché où les organisations rencontrent des contraintes de type différent (Kornaï et al., 2003). Dans les secteurs marchands, les organisations subissent 2 une contrainte budgétaire dure; il leur est impossible de dépenser durablement plus que leurs revenus sous peine de disparaître (faillite). Dans d’autres secteurs, une contrainte budgétaire lâche (CBL) permet durablement de dépenser plus que ses revenus sans disparaître, quand l’organisation est assurée d’être financièrement renflouée ou de bénéficier de subventions d’exploitation publiques; les organisations à but non lucratif sont un cas d’espèce. Par delà les justifications du renflouement ou du subventionnement d’organisations offrant des services à dimension sociale, telles l’éduction physique et la pratique sportive, que signifie une bonne performance financière pour de telles organisations? Celles-ci vont souvent présenter un déficit non sanctionné par leur disparition. La gestion déficitaire est alors jusqu’à un certain point encouragée par la certitude du renflouement. Plus la survie de l’organisation est indépendante de son résultat d’exploitation, plus le déficit risque de se perpétuer ainsi que les mauvaises pratiques qui en découlent: arriéré de paiement et fiscal, endettement excessif, recherche de bailleurs de fonds à fonds perdus, opérations financières occultes, insolvabilité et finalement mise en règlement judiciaire. La CBL est associée à une mauvaise gouvernance de l’organisation sportive professionnelle (Andreff, 2007a) et aux institutions et règles qui la font apparaître. Certains mettent en cause le statut (Verein) à but non lucratif, dont les ayants droit sont les adhérents et les supporters, car il favorise trop les performances sportives (victoires, recrutement d’athlètes, adhésions), au détriment de la performance financière, dont les ayants droit seraient des propriétaires – inexistants dans une Verein (Dietl et Franck, 2007a). Même sans aller jusque là, l’analyse de la contrainte budgétaire pose la question de trouver une structure de gouvernance forte dans une organisation à but non lucratif en l’absence de propriétaires privés. Ainsi conçue, la performance financière reste étroitement quantitative. Une acception plus large et qualitative s’intéresse à la structure du financement des organisations sportives et à la stabilité de leurs sources de financement. Les différentes sources de financement d’une organisation se distinguent par leur importance relative dans le budget total, par leur stabilité, croissance ou décroissance, et par leur caractère pérenne ou éphémère. Bénéficiant de la croissance rapide d’une source de financement (ex: les droits de retransmission TV), une organisation peut plus facilement afficher un déficit sans grave conséquence. En même temps, la croissance des revenus tirés de la télévision peut rendre cette organisation «télé- dépendante», trop dépendante d’une seule source de financement majeure. La structure de financement et sa déformation dans le temps sont instructives quant à la situation courante et aux perspectives d’expansion de l’organisation. Particulièrement utile en temps de crise, elle différencie les organisations sportives à section professionnelle et à sportifs de haut niveau 3 des autres (Tableau 1).; Sson analyse est pertinente non seulement pour les grandes mais aussi pour les petites ASassociations sportives. Insérer Tableau 1 2. La performance financière des organisations sportives professionnelles L’approche dominante de la performance financière est, au mieux, adaptée aux équipes des ligues de sports professionnels nord américains qui sont supposées maximiser leur profit (Fort et Quirk, 1995). Les clubs sportifs européens cotés en Bourse – étant des sociétés par actions – sont une autre exception. En principe, ils ces clubs devraient dégager des profits pour financer leur activité, distribuer des dividendes aux actionnaires et soutenir le cours de l’action. Des actionnaires déçus par l’absence de dividendes et par un cours de l’action stagnant ou en baisse, dû à une profitabilité faible ou à un déficit, sont incités à vendre leurs actions, ce qui précipite plus encore la baisse du cours. Telle est l’histoire de plus de la moitié des clubs de football qui, après avoir été cotés en Bourse dans l’engouement du début des années 2000, ont quitté la cote. Elle confirme l’analyse (Aglietta et al., 2008) selon laquelle l’entrée en Bourse n’est, pour un club sportif professionnel, ni une source de financement stable et durable, ni une garantie de bonne gestion, en particulier s’il ne respecte pas sa contrainte budgétaire et dépense plus uploads/Management/ chapitre6w-andreff-fb.pdf

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  • Publié le Mai 15, 2021
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