Travail, usure mentale De Christophe DEJOURS BIOGRAPHIE Professeur de psycholog

Travail, usure mentale De Christophe DEJOURS BIOGRAPHIE Professeur de psychologie au CNAM, psychanalyste et psychiatre, Directeur du laboratoire de psychologie du travail, Christophe DEJOURS est l’un des principaux spécialistes de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail. Il a notamment écrit : ▻Le facteur humain, 2ème édition, PUF, 1999. ▻Souffrance en France : la banalisation de l’injustice sociale, Seuil, 1998. ▻La France malade du travail (en collaboration avec Jacques de BANDT et Claude DUBAR), Bayard Edition, 1995. ▻Le corps entre biologie et psychanalyse – préface de F. DAGOGNET, 2ème édition. Payot, 1989. ▻Recherches psychanalytiques sur le corps ; Payot, 1989. ▻Plaisir et souffrance dans le travail, Edition de l’AOCIP , 1988. ▻Psychopathologie du travail (ouvrage collectif sous la direction de C. DEJOURS, C. VEIL, A. WISNER), Entreprise moderne d’édition, 1985. LES POSTULATS 1 L’organisation du travail exerce sur l’Homme une action spécifique dont l’impact est l’appareil psychique. Dans certaines conditions, une souffrance émerge qui a pu être imputée au choc entre une histoire individuelle porteuse de projets, d’espoirs et de désirs et une organisation du travail qui les ignore. Cette souffrance, de nature mentale commence quand le rapport Homme - Travail est bloqué c'est-à-dire quand la certitude que le niveau atteint d’insatisfaction ne peut plus diminuer. De plus, contre la peur au travail, comme contre l’insatisfaction, des stratégies défensives sont élaborées par les Hommes de sorte que la souffrance n’est pas immédiatement repérable. Ainsi déguisée ou masquée, la souffrance ne peut-être décelée qu’au travers d’une enveloppe formelle propre à chaque métier, qui constitue sa symptomatologie. Cependant, dans certains cas la souffrance s’avère propice à la productivité. Non pas tant la souffrance elle-même que les mécanismes de défense déployés contre elle. De même, il est possible que le contenu d’un travail puisse être source de satisfaction sublimatoire : ▻ lorsqu’il est librement organisé, ou délibérément choisi et conquis ▻ ou lorsque les exigences intellectuelles motrices et psychosensorielles de la tâche s’accordent spécifiquement avec les besoins du travailleur considéré, on parle alors de « plaisir de fonctionnement ». Mais il faut reconnaître que la tendance générale à la division accrue du travail, dont le système Taylorien est la caricature, compromet les possibilités en même temps qu’elle étrique le choix et la marge laissée au libre aménagement de la tâche. LES HYPOTHESES La souffrance change avec les différents types d’organisation du travail mais ne disparaît jamais pour autant. Elle se présente en France comme à l’étranger sous des formes nouvelles : TMS (troubles musculosquelettiques), LER (lésions avec efforts répétitifs), le karôshi souvent fatal, le burn- out où dévouement et disponibilité sont poussés à l’extrême, le harcèlement moral, etc.). Face à ces contraintes organisationnelles liées à une productivité toujours plus accrue, générant ainsi ces nouvelles souffrances au travail, hommes et femmes, sont-ils capables d’inventer des stratégies individuelles et collectives de défense spécifique ? La « normalité », comme équilibre entre souffrance et défense, est – elle possible sachant qu’elle n’est jamais définitivement acquise et doit constamment être réajustée et renégociée ? MODES DE DEMONSTRATION 2 C. DEJOURS aborde le sujet de la souffrance dans ce qu’elle a d’appauvrissant à travers divers exemples historiques, en partant du mouvement ouvrier et du rapport entre travailleurs, patrons et Etat. Ainsi, il parcourt à travers ces divers exemples, les différentes organisations de travail du XIXème siècle à nos jours et analyse en quoi elles sont contraignantes ou pas à la santé psychique de l’Homme. Avec le sous prolétariat sont nées les premières idéologies défensives contre le travail répétitif et aliénant spécifique au système taylorien. Le taylorisme fait l’objet dans cet ouvrage d’une étude particulière concernant ses conséquences sur la santé mentale et du corps. Pus il montre en quoi ces attitudes défensives se sont banalisées que l’on soit dans l’atelier, au bureau ou dans l’entreprise et en quoi ses stratégies sont utiles à l’équilibre du travailleur pour ne pas sombrer dans la souffrance, la maladie, l’exclusion ou la mort. Il explique également en quoi la psychodynamique du travail est depuis quelques années perçue comme l’instrument de révélation et d’analyse de la souffrance au travail dans des entreprises profondément remaniées par les nouvelles formes d’organisation du travail. Celle-ci analyserait les destins de cette souffrance en fonction des conditions qui président à sa transformation en plaisir ou à son aggravation pathogène. Lors de son premier essai, C. DEJOURS voyait dans l’intervention ergonomique une réelle efficacité sur l’amélioration des conditions de travail, aujourd’hui, elle ne constituerait qu’un soulagement limité car reste en deçà de l’organisation du travail contrairement à la psychodynamique du travail qu’il propose comme outil pour agir dans l’entreprise à travers sa méthodologie, exposée ici en troisième partie. RESUME DE L’OUVRAGE 3 I. L’histoire de la santé des travailleurs A. Le XIXème siècle et lutte pour la survie Période de développement du capitalisme industriel caractérisée par l’accroissement de la production, par l’exode rural et par la concentration de populations urbaines nouvelles. La lutte pour la santé à cette époque s’identifie à la lutte pour la survie : « vivre, pour l’ouvrier, c’est ne pas mourir » (Guérin). Le mouvement hygiéniste est en quelque sorte la réponse sociale au danger, mais celui – ci désigne les moyens mis en œuvre pour préserver la santé des classes aisées et non celle de la classe ouvrière. L’académie des sciences morales et politiques a pour rôle de rétablir dans le domaine des faits moraux et politiques, l’autorité de la science, du droit et de la raison. Parallèlement à ce mouvement, apparaît le mouvement des « grands aliénistes » suscité par la curiosité pour ces phénomènes insolites par leur ampleur que sont la « déviance » et les atteintes individuelles à l’ordre social. Le développement de l’hygiène, les découvertes de Pasteur un peu plus tard, les recherches en psychiatrie sont en quelque sorte le versant positif de l’activité médicale. C’est sur elle que s’appuie la réponse sociale à l’explosion de la misère ouvrière. Mais la médicalisation du contrôle social ne saurait suffire, et c’est en fait aux ouvriers eux-mêmes que l’ont doit les principales améliorations matérielles de la condition ouvrière. Les revendications ouvrières accèdent à un niveau proprement politique. On conçoit alors que les luttes ouvrières de cette période historique aient essentiellement 2 objectifs : le droit à la vie et la construction de l’instrument nécessaire à sa conquête : la liberté d’organisation. B. De la première guerre mondiale à 1968 Le mouvement ouvrier a acquis des bases solides et atteint la dimension d’une force politique qui ira croissant dans les rapports de force. Ainsi l’organisation des travailleurs s’est traduite par la conquête primordiale du droit de vivre même si les conditions d’existence sont loin d’être unifiées pour l’ensemble de la classe ouvrière. Se dégage alors un front spécifique concernant la protection de la santé et plus particulièrement du corps. Sauver le corps des accidents, prévenir les maladies professionnelles et les intoxications par les produits industriels, assurer les travailleurs de soins et de traitements convenables dont bénéficiaient jusqu’à présent surtout les classes aisées, tel est l’axe autour duquel se développent les luttes sur le front de la santé. 4 La guerre de 1914-1948 est une période où la ponction faite par les morts et blessés dans le réservoir de main d’œuvre, les efforts de reconstruction, la réinsertion des invalides dans la production forment les conditions d’un bouleversement du rapport homme - travail. C’est aussi l’introduction du taylorisme comme technologie d’assujettissement du corps et de disciplinarisation. L’organisation scientifique du travail fait naître des contraintes physiologiques inconnues jusque là, notamment les contraintes de temps et de rythme de travail. En clivant radicalement travail intellectuel et travail manuel, ce système neutralise l’activité mentale des ouvriers. C’est un corps exploité, sans défense, qui devient ou risque de devenir un « corps malade ». Le mouvement ouvrier bien qu’existant n’est pas encore capable de faire contrôler l’application des lois. La guerre permet tout de même quelques progrès autour de la journée de travail, de la médecine de travail et de la réparation des affections contractées au travail. Lors de la seconde guerre mondiale, le mouvement ouvrier continue à développer son action pour l’amélioration des conditions de vie (durée de travail, retraites, salaires, vacances) et simultanément il dégage un front propre concernant la santé. Pour celui-ci, la cible de l’exploitation serait le corps, victime du travail industriel. Le mot d’ordre de la réduction de la journée de travail a fait place en 1968 à la lutte pour l’amélioration des conditions de travail, pour la sécurité, pour l’hygiène et pour la prévention des maladies. C. Troisième période : après 1968 Apparaît après 1968, la lutte pour la protection de la santé mentale. Cette lutte s’explique par l’essoufflement du système taylorien sur le terrain économique qui conduit à lui chercher des solutions de rechange ; sur le terrain du contrôle social où ce système organisationnel ne fait plus la preuve de sa supériorité puis sur le terrain idéologique où le système taylorien est dénoncé comme déshumanisant par les ouvriers mais aussi par une partie du patronat. Les années 70 voient éclater uploads/Management/ christophe-dejours.pdf

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  • Publié le Apv 18, 2021
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