LA CHARTE DES NATIONS UNIES Commentaire article par article sous la direction d

LA CHARTE DES NATIONS UNIES Commentaire article par article sous la direction de Jean-Pierre COT et Alain PELLET Secrétaire de la rédaction : Mathias FORTEAU Préfaces de Kofi ANNAN et Javier PEREZ de CUELLAR Tome I 3e édition mise à jour, revue et augmentée dans le cadre du Centre de Droit international de Nanterre (CEDIN) à l’occasion du 60e anniversaire des Nations Unies ECONOMICA 49, rue Héricart, 75015 Paris Fonctions et pouvoirs ARTICLE 10 L’Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes prévus dans la présente Charte, et, sous réserve des dispositions de l’Article 12, formuler sur ces questions ou affaires des recommandations aux Membres de l’Organisation des Nations Unies, au Conseil de sécurité, ou aux Membres de l’Organisation et au Conseil de sécurité. De tous les articles qui concernent dans la Charte les pouvoirs de l’Assemblée générale de l’ONU, l’article 10 constitue assurément la base de compétence la plus large qui lui soit reconnue. Certes, il s’agit en même temps d’une base conditionnée dans un domaine particulier où un autre organe, le Conseil de sécurité, exerce une « responsabilité principale »1 ; mais c’est à travers les pouvoirs généraux qui lui sont reconnus par la clause de l’article 10 que se manifeste le rôle générique qui lui est dévolu dans la mise en œuvre des objectifs et principes de l’Organisation mondiale2. A ce titre du reste, il apparaît comme une véritable disposition-cadre, que viennent préciser les divers articles qui se rangent à sa suite sous la rubrique de ses « fonctions et pouvoirs ». Il convient certainement de ne pas sous-estimer sa cohérence propre ; en même temps, celle-ci ne revêt sa pleine signification qu’à la lumière tout à la fois de la limite externe posée à son action par l’article 12, des attributions spéciales de compétence des articles 13, 14 à 17 et 22 ainsi que du régime fonctionnel qui lui est attaché par les articles 18 à 21. 1 Selon la formule de l’article 24 de la Charte. 2 V. M. VIRALLY, L’Organisation mondiale, A. Colin, coll. U, 1972. 642 La Charte des Nations Unies Cette situation, que les diverses clauses rattachées évoquées ci-dessus tendent à renforcer, s’explique certainement par le statut particulier de l’Assemblée générale qui est l’organe plénier de l’Organisation, là où se matérialise avec tous ses paradoxes, à travers les discussions, les délibérations ou les recommandations, cette communauté internationale fonctionnelle que forment les « peuples des Nations Unies »1. A l’évidence, quoiqu’on dise de la portée de ses délibérations, qui est loin d’être insignifiante comme on se plaît parfois à le souligner d’un strict point de vue juridique, l’Assemblée générale apparaît à travers les pouvoirs de l’article 10 comme un symbole ; celui des « Nations Unies », en tant que « centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes »2. Ce caractère plénier produit une double conséquence. D’une part, il fait de l’Assemblée générale un lieu de représentation, où s’exprime à travers l’égalité souveraine des Etats une sorte de conscience morale mondiale. D’autre part, ce caractère plénier rattache son activité à l’idée de démocratie internationale. A l’heure où les Nations Unies tentent avec difficulté de promouvoir, précisément à travers l’Assemblée générale, une culture de paix, de dialogue des cultures et de démocratie, il n’est pas inutile de relever la dimension démocratique qui s’attache aux pouvoirs qui lui sont dévolus. Elle apparaît ainsi comme l’expression la plus remarquable d’une société internationale fondamentalement « délibérante » selon l’expression du professeur P.-M. DUPUY3, qui, malgré menaces et conflits en permanence et en tous genres, semble vouloir privilégier au moins formellement la négociation, au nom d’une interdépendance nécessaire4. On pourrait d’ailleurs être tenté de voir dans l’activité multiforme de l’Assemblée générale sur la base de l’article 10, l’aveu d’une impuissance que cache mal cette « démocratie de la parole »5 que l’on se plaît tant à moquer. Comme cela a été montré, ses implications ont cependant des « répercussions sensibles » sur la structure de l’ordre international6. Dans tous les cas, sa formulation reflète parfaitement le double caractère des pouvoirs qui lui ont été attribués : en premier lieu, un caractère général (I) ; en second lieu, un caractère conditionné (II). 1 V. la formule d’ouverture du préambule. 2 V. article 1, paragraphe 4. 3 V. P.-M. DUPUY, Droit international public, Précis Dalloz, 7e éd., p. 5. 4 Idem, p. 6. 5 Ibidem, pp. 6-7. 6 V. P.-M. DUPUY, ouvrage préc. p. 7. Article 10 643 I. UNE COMPETENCE GENERALE Cette généralité doit d’emblée être relativisée dans la mesure où elle n’a de valeur que dans le cadre de la spécialité fonctionnelle de l’Organisation. En effet, aussi étendues que soient les compétences de cet organe, elles sont nécessairement bornées par les objectifs et principes qui lui sont assignés – eux-mêmes pouvant être libéralement interprétés, ainsi que la CIJ a eu l’occasion de le rappeler il y a déjà une décennie1. Ainsi considérée, cette généralité de sa compétence d’action apparaît sur trois plans : généralité des domaines d’action, sous réserve de la nuance pouvant être introduite entre « questions » et « affaires » et à l’exception de la clause de réserve de l’article 12 ; généralité des organes concernés par son action et généralité des destinataires de ses recommandations. On laissera de côté ce dernier point, qui introduit une distinction subtile mais de faible portée, en fonction de la nature de la question ou de l’affaire dont l’Assemblée est amenée à connaître, laquelle sert de base à l’exercice d’une compétence principale ou subsidiaire pour se concentrer sur les deux premiers aspects. A. Une compétence générale d’action Elle l’est à un double titre : d’abord parce que l’Assemblée générale, à la façon du roi MIDAS, peut à peu près tout faire, notamment discuter et formuler des recommandations ; ensuite parce que son action sur ce double plan a elle-même un caractère général dans la mesure où elle s’étend tant aux « questions » qu’aux « affaires » dont elle est saisie. 1. Sans doute les formules utilisées dans l’article 10 ne laissent-elles pas de surprendre, tant elles sont vagues et imprécises et sans doute, pourrait-on dire, ambivalentes. Cela tient précisément à la généralité qui caractérise l’action de l’Assemblée générale. Elle peut en effet « discuter » et « recommander », ce qui paraît de prime abord porter indication d’une double compétence relativement distincte bien que complémentaire l’une de l’autre. La première, au sens littéral, consiste à discuter, c’est-à-dire, selon le « Dictionnaire Quillet », « examiner, débattre une affaire, une question ; étudier le pour et le contre ; échanger des points de vue, d’ordinaire avec animation »2. Il s’agit donc essentiellement ici d’une opération discussive et même discursive, qui renvoie à l’analyse contradictoire des idées aux fins d’éclairer les divers aspects du thème débattu. Il s’agit en même temps d’une phase préalable, 1 V. AC 8 juillet 1996, 2 avis (OMS et ONU). 2 V. Dictionnaire Quillet de la langue française. 644 La Charte des Nations Unies de caractère procédural, qui prépare une nouvelle étape qui est celle de la décision. Telle est bien la seconde compétence de l’Assemblée générale qui prend des décisions d’une nature particulière, qualifiées de recommandations. Il convient d’abord de relever la reconnaissance par la Charte de la fonction créatrice de droit de l’Assemblée générale dans la généralité de ses modalités d’exercice, exercée sous la forme de résolutions, qui sont des règles de droit international qui n’ont pas un caractère juridiquement obligatoire. Cette compétence tend ainsi à faire de cet organe une « autorité normative »1, mais créatrice de règles à effet limité quant à leur caractère de contrainte2. Les actes3 que l’Assemblée générale est ainsi amenée à prendre, quelle que soit la complexité de la terminologie en vigueur, constituent de ce fait une simple invite à « un ou plusieurs destinataires à adopter un comportement déterminé qui peut être une action ou une abstention »4. L’action de l’Assemblée est donc à la fois processuelle et décisionnelle, la discussion étant un élément du processus de la décision qui par son intervention clôt celui-ci. 2. Compétence générale d’action également d’un point de vue matériel. Selon l’article 10, l’Assemblée générale peut en effet discuter et formuler des recommandations sur « toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte… ». La distinction a certainement son importance ; mais au-delà des nuances qu’elle introduit dans la détermination de la compétence de l’Assemblée générale, elle paraît surtout renvoyer au caractère étendu du champ d’action de cet organe. a) En ce qui concerne la distinction entre les questions et les affaires pouvant relever de la compétence de l’Assemblée générale, une mise en perspective des compétences particulières développées dans les divers articles qui complètent cette compétence permet de dégager un critère de délimitation assez clair. L’identification de ce critère n’est cependant pas 1 V. J. DEHAUSSY : « Les actes unilatéraux et l’action uploads/Management/ cot-pellet.pdf

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  • Publié le Aoû 01, 2021
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