13 ACT U A L I T É D E L A FO R M AT I O N P E R M A N E N T E N ° 2 1 1 • C E
13 ACT U A L I T É D E L A FO R M AT I O N P E R M A N E N T E N ° 2 1 1 • C E N T R E I N F FO A u XXIe siècle, la rentabi- lité des organisations pro- fessionnelles est une exi- gence largement présente qui oriente et organise de manière intensive toute l’activité des entre- prises publiques ou privées. D’au- tre part, les nombreux dispositifs d’insertion nous rappellent l’exis- tence de publics à risque pour les- quels l’absence de qualification est trop souvent un lourd handicap. Dans ce contexte, viser l’efficacité des formations professionnelles devrait aller de soi. Est-ce le cas ? Une large enquête menée en novembre 2003 auprès des entre- prises et des opérateurs de forma- tion de Picardie sur le thème de la “mesure de l’efficacité de la forma- tion”, par l’Agefos-PME Nord- Picardie, en liaison avec la section Picardie de l’ANDCP et l’Associa- tion des diplômés de l’Institut fran- çais de gestion Picardie-Champ- agne-Ardenne, permet de dresser un tableau nuancé de la question (Gueulle, Desgraupes et Gerard, 2003). Il en ressort en effet que si le souci de l’efficacité des formations est présent tant du côté des entre- prises que des opérateurs de forma- tion, il n’y a pas d’“opérationna- lisation” généralisée de dispositifs d’évaluation qui permettrait d’at- tester de cette efficacité, aux diffé- rents niveaux auxquels elle peut intervenir. Tout se passe comme si tout le monde avait conscience de l’importance et de la nécessité de l’investissement formation, perçu comme tel par tous les acteurs, mais que la mise en œuvre de moyens opérationnels pour estimer le retour d’investissement n’est pas réalisée, soit parce que les outils à utiliser n’existent pas, soit parce que cha- cun pense que c’est l’autre qui va réaliser cette évaluation, soit parce qu’il est supposé qu’il va de soi que l’investissement en formation est inévitablement suivi d’un retour, soit enfin parce que – même s’il n’y avait pas de retour d’investisse- ment – cela ne changerait rien à la nécessité de former. Il est dès lors légitime de pen- ser qu’il s’agit d’adopter un nou- veau paradigme, connu depuis long- temps, mais que les systèmes de formation professionnelle, et peut- être singulièrement le système fran- çais, peinent à mettre en œuvre : l’enjeu est de passer d’une forma- tion “obligation légale” à une formation génératrice de véri- tables compétences, de véritables changements, eux-mêmes généra- teurs d’insertion, de performance, de productivité et de compétitivité. Pour cela, la formation doit être réellement efficace, que ce soit au niveau des entreprises ou des dispo- sitifs d’insertion, de la société et du système social dans son ensemble. Se poser la question de l’effica- cité, c’est dès lors se poser celle de la “redevabilité” des acteurs de la formation vis-à-vis des bailleurs, des financeurs et des commanditaires de la formation, mais aussi des finan- ceurs et des commanditaires vis-à- vis des collectivités et de la société dans son ensemble. Diagnostic, enjeux et perspectives du concept d’efficacité en formation Par François-Marie Gerard François-Marie Gerard est directeur adjoint du Bief (Bureau de conseil en éducation, formation, et gestion de projets). Bief, place des Peintres, 5, B-1 348 Louvain- la-Neuve, Belgique. Tél. : +32 10 45 28 46 ; site : www.bief.be Vous voulez une formation “efficace”, mais qu’est-ce pour vous que l’“efficacité”, quelles sont vos priorités ? Les questions à poser sont nombreuses, et tout en dépend. François-Marie Gerard nous propose de visiter en détails les concepts – et les enjeux qui leur sont liés. Panorama. D o s s i e r U ne difficulté majeure lorsqu’on parle d’efficacité de la forma- tion est que tout le monde ne parle pas de la même chose, non seule- ment en fonction de différentes pos- tures qu’on peut avoir dans le sys- tème – comme cela sera développé plus loin – mais aussi parce que le concept même d’efficacité a des sens divers et peut se confondre avec d’autres concepts qui y contribuent. Un premier propos est donc d’essayer de clarifier rapidement les concepts fondamentaux de la problématique, avant de les appro- fondir. L’efficacité L’efficacité d’une formation est liée à l’atteinte de ses objectifs. On ne peut donc parler d’efficacité d’un système de formation – à un Vous avez dit “efficacité” ? “ “ L’impact d’une action de formation est lié à sa pertinence, qui n’est pas toujours suffisamment analysée et établie 14 ACT U A L I T É D E L A FO R M AT I O N P E R M A N E N T E N ° 2 1 1 • C E N T R E I N F FO niveau collectif ou individuel – qu’en relation avec les objectifs de la formation, ou encore avec les répercussions que cherche à avoir tout système de formation au pro- fit de l’organisation, voire des indi- vidus, dans laquelle il prend place (Gerard, 2001, 2003 ; Roegiers, 1997). Une formation ou un sys- tème de formation sera efficace : - si les compétences visées sont acquises par les apprenants ; - si les compétences acquises sont mises en œuvre, que ce soit en entreprise, mais aussi dans le cadre de l’insertion professionnelle : si un stagiaire ne trouve pas d’emploi et ne peut donc utiliser ses compéten- ces, sa formation ne peut être consi- dérée comme efficace ; - si la mise en œuvre des com- pétences a un impact, en termes de résultats opérationnels pour l’entreprise, ou en termes de déve- loppement personnel au niveau individuel. L’évaluation de l’impact, aussi importante soit-elle, est toujours une opération délicate pour au moins deux raisons : d’une part, la formation n’est jamais qu’un élé- ment parmi d’autres et il est diffi- cile d’isoler sa contribution exacte, et – a fortiori – d’analyser en quoi les effets, obtenus ou non, sont liés à la qualité du système de forma- tion. D’autre part, l’impact d’une action de formation est lié à sa per- tinence, qui n’est pas toujours suf- fisamment analysée et établie. L’efficience L’efficience est un concept sou- vent confondu avec l’efficacité, à cause notamment du mot anglais efficiency qui signifie... “effica- cité” ! L’efficience concerne le rapport entre l’efficacité et les moyens investis. On parle aussi souvent du rap- port “coût-efficacité”, ou, plus cor- rectement, du rapport “efficacité- coût”, mais cette formulation est limitative, car elle tend à faire croire que l’efficience n’est liée qu’aux aspects financiers, alors qu’elle peut concerner tous les types de ressources : institution- nelles, humaines, matérielles, financières, spatiales, temporelles ou encore méthodologiques. Trop souvent limitée aux seuls aspects financiers, l’efficience a souvent mauvaise presse auprès des acteurs du terrain qui y voient surtout un prétexte à diminuer les moyens affectés à la formation, que ce soit en réduisant le nombre des formateurs, ainsi que les budgets consacrés aux moyens didactiques ou à la formation, ou encore en augmentant les temps et les limites des prestations. La pertinence La pertinence d’une formation signifie que les objectifs de la for- mation sont ceux qui sont néces- saires. Cela concerne non seule- ment les objectifs en termes de contenus et/ou de compétences, mais aussi en termes de public- cible : une formation est pertinente si ce sont les personnes qui doivent être formées qui le sont. Il est légi- time de penser à cet égard que ce sont les personnes les moins for- mées et les moins qualifiées qui devraient être formées en priorité... Idéalement, l’évaluation de la pertinence doit bien sûr se faire avant l’action de la formation. Il s’agit alors d’une évaluation a priori, de type prédictif, ce qui en fait la principale difficulté, car la validité de toute évaluation pré- dictive est toujours sujette à cau- tion, surtout en ce qui concerne sa durée. Des objectifs de formation pertinents au moment de l’analyse des besoins sont peut-être devenus obsolètes au moment de la mise en œuvre de l’action de formation, en raison de changements de conjonc- ture économique, de personnel, d’orientation stratégique, etc. L’évaluation de la pertinence peut donc aussi se réaliser durant la formation, pour s’assurer que la pertinence existe toujours et est bien celle mise préalablement en évidence. La qualité La qualité de la formation peut être comprise, au sens large, comme le fait que la formation, et, plus largement, le système de formation, satisfait à un certain nombre d’exigences, dont la per- tinence, l’efficacité, l’efficience, mais aussi l’équité, l’adhésion, la cohérence… (Gerard, 2001 ; De Ketele et Gerard, 2007). Au sens restreint, un système de forma- tion sera de qualité s’il cor- respond à un certain nombre de normes, de type Afnor ou Iso. Paradoxalement, il n’est pas inter- dit de penser que l’application rigide de ces normes, perçues par- fois comme formelles, risque de dénaturer la véritable qualité des systèmes de formation. La performance La performance est le résultat ultime de l’ensemble des efforts d’une organisation. S’il s’agit d’un système ou d’un organisme de formation, leur performance sera uploads/Management/ diagnostic-enjeux-et-perspectives-du-concept-defficacite-en-formation-fm-gerard-pdf 1 .pdf
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- Publié le Dec 17, 2021
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