Enseigner le jazz: enseigner l'improvisation? Erwin Siffer Diplôme d'Etat de Ja

Enseigner le jazz: enseigner l'improvisation? Erwin Siffer Diplôme d'Etat de Jazz Promotion 2006/2008 Cefedem Rhône-Alpes SOMMAIRE Avant propos 1 1) APPRENDRE LE JAZZ a) Mon parcours – Apprendre le « piano » « jazz » 3 – Jongler avec des gestes, improviser 3 – « Qu'est-ce que je fais de ma main gauche? » 5 b) Représentations dominantes de l'improvisation, polémiques – A la fois acte et résultat de l'acte 5 – Interviews 6 – Le jazz, c'est de l'improvisation? 8 c) Peut-on s'improviser improvisateur? – Le paradoxe : préparer l'improvisation 9 – Les « routines » du corps 9 – Que penser des oppositions usuelles : théorie / pratique, oral / écrit ? 11 2) ENSEIGNER LE JAZZ a) Le jazz dans l'institution, peur de l'institutionalisation – Dérives 13 – Enseigner l'improvisation 14 – Jazz dans l'école de musique 16 c) Savoir-faire et codes musicaux, langage – Essais et erreurs 17 – Codes et langage 18 – Savoir-faire et improvisation en groupe 18 d) Le pouvoir et la responsabilité du pédagogue : – rôle et responsabilité 19 – musicien-enseignant 20 – cursus et évaluation 20 3) DISPOSITIFS, PROPOSITIONS PEDAGOGIQUES a) Proposition de pistes d'improvisation faisant appel à la coordination des deux mains – Répartition des mains 22 – Les deux mains complémentaires, ou la « main à dix doigts » 23 – Inversion des rôles 23 – Musique de piano 24 b) Proposition de consignes pour un groupe d'élèves – Autonomie 25 c) L'imitation 25 Conclusion 26 Bibliographie 27 « Pour jouer de la musique il faut apprendre à jouer, mais pour apprendre à jouer il faut jouer. Comment sortir du paradoxe ? Il n’est apparemment d’autre choix que de renoncer à apprendre… ou renoncer à jouer. A moins de ne renoncer ni à l’un ni à l’autre et de « se jeter à l’eau ». Mais la pratique de la musique est-elle une « technique du corps » au même titre que la natation ? « Se jeter à l’eau », faire sans savoir déjà faire, constitue un moment pédagogique problématique dans le cas de l’apprentissage de la musique, en ce qu’il semble devoir nous faire renoncer à la musique dans sa perfection. La notion de « technique du corps », issue de l’anthropologie, permet d’appréhender la dimension culturelle de la formation du musicien, de considérer l’approche pédagogique et ses contenus pratiques non du point de vue de leur efficacité en soi mais de leur rapport à un contexte donné, et d’ouvrir ainsi une réflexion sur le rapport spécifique que nous entretenons avec l’art musical et ses significations non seulement pédagogiques et esthétiques, mais aussi sociales et politiques. » Noémi Lefebvre, chercheuse en sciences politiques, conférence « De la natation appliquée à l’éducation musicale; pour une anthropologie des techniques du corps. », le 19/12/2006 à l'Espace Varèse - CNSMD de Lyon, in Enseigner la musique n 10. AVANT PROPOS Le geste est le grand absent des méthodes de piano jazz qui proposent soit de considerer l'instrument comme s'il était monodique (faire des phrases musicales à l'image des saxophonistes), soit, la plupart du temps, de plaquer des accords. Le piano a en effet la particularité d'être un instrument harmonique, qui peut produire plusieurs sons simultanément, mais aussi celle d'être joué avec les deux mains. Or, je n'ai pas vu dans les méthodes, et trop rarement en assistant à des cours, qu'on mette en avant les spécificités instrumentales du piano en les questionnant : pourquoi la mélodie serait elle toujours à droite et l'accompagnement à gauche par exemple?... Le répertoire classique fait la part belle aux mélodies de main gauche, et plus généralement à une diversité éblouissante de gestes. A l'inverse, on assiste parfois dans le jazz à un conservatisme latent (« apprends d'abord à faire ceci, main droite puis main gauche, ensuite on verra »). Certains pédagogues contournent la notion de geste, son rapport à l'improvisation dans le jazz, et ne savent quelle place accorder à l'improvisation dans l'enseignement. Pour pouvoir improviser, il faut disposer de gestes « routines », en l'occurence pour le piano jazz, de types de coordination des deux mains. Mais enseigner le jazz, est ce enseigner l'improvisation? Apprend-on d'un côté le jazz et de l'autre le piano?... Si les méthodes de piano jazz ne prennent quasiment pas en compte la question des rôles que peuvent assumer les deux mains, les interprétations actuelles (à la radio) de pianistes de jazz regorgent de trouvailles d'indépendance et de coordination. Ces gestes sont donc appris mais pas enseignés : je fais, pour ma part, le pari qu'ils s'enseignent, et ceci de maniére créative. L'idée serait de ne pas simplifier pour l'élève, de « décortiquer » « à sa place », ni de le mettre « dans le bain » directement, mais d'élaborer dans des contextes musicaux choisis un questionnement fécond sur des différents types de « répartition des mains » que chacun peut s'inventer : les fonctions que chaque main peut assurer (l'accompagnement, la mélodie, des effets, des rythmes plus ou moins complémentaires...) et leur combinaisons possibles. Les querelles d'église entre jazzmen accordant plus ou moins d'importance à l'improvisation entretiennent un flou sur la notion de transmission orale, et expliquent peut-être l'absence de chapitres sur le geste constatée dans les méthodes les plus répandues. Pourtant, engager une reflexion sur le rapport entre geste et improvisation est complexe et fondamental pour qui désire apprendre le jazz. Nous allons tenter de proposer des dispositifs pour que les élèves manipulent différents gestes et se saisissent des enjeux musicaux et de créativité qui y sont liés. En souhaitant un apprentissage actif et en sollicitant des pratiques musicales de référence en jazz, nous essayerons de nous appuyer sur les possibilités qui s'offrent à l'élève en fonction de son projet 1 personnel, pour ne pas repousser l'improvisation à « plus tard ». La musique qui en résulte ne serait « ni celle de l'élève, ni celle du maître » : ni simplifiée pour l'élève, ni livrée de but en blanc. Nous allons tenter de confronter les logiques d'apprentissage aux réalités observables du terrain. Ainsi, la compétence à acquérir est de faire siens des gestes en les associant à des sons. En ce qui concerne l'enseignement du jazz, nous verrons qu'un certain mythe de la créativité y est entretenu. Qu'est-ce qu'improviser? Pourquoi y a t-il une « nébuleuse jazz » de la non technique, des discours du type « trouve ton propre son, tes propres idées, les « plans » n'existent pas » ... 2 APPRENDRE A) MON PROPRE PARCOURS Apprendre le « piano » « jazz » Lorsque j'ai demandé à mon professeur de piano jazz des idées d'accompagnement, il m'a renvoyé directement à Beethoven : « Tu cherches des idées de mains gauches différentes? Vas voir chez Beethoven ». L'apprenti pianiste de jazz aborde en effet la plupart du temps le jazz comme un saxophoniste : il joue essentiellement des lignes avec sa main droite seule. Les spécificités instrumentales du piano ne sont ainsi pas prises en compte. Pourquoi? J'ai donc commencé à établir une liste personnelle de styles de mains gauches différentes (accords, arpèges, contrepoint...) et de types d'accompagnement, et j'ai finalement engagé une réflexion sur les différents rôles que les deux mains peuvent assumer. J'ai rarement entendu qu'on propose à un élève d'inverser les rôles, par exemple : jouer les accords « à droite » et la mélodie « à gauche ». Pourtant ces procédés sont typiques du jazz que l'on entend aujourd'hui, c'est presque à la mode. Le plus souvent, on ne fait pas se poser cette questions aux élèves : on imagine qu'elle ne doit entrer en compte que « tard » dans l'apprentissage. De même, la pratique de l'improvisation se réserve malheureusement encore le plus souvent aux élèves les plus avancés, en fin d'études musicales et non comme une pratique en tant que telle, à explorer dès les débuts de l'apprentissage. Il faudrait, selon certains professeurs, d'abord apprendre à jouer « correctement » la melodie, puis l'accompagnement : on peut se poser la question de la pertinence de cette segmentation des apprentissages. Jongler avec des gestes, improviser L'aisance dans la gestion des deux mains dépend de plusieurs facteurs, comme l'âge de l'élève, son type de mémoire (auditive, visuelle), le registre de sa voix, son goût personnel plus ou moins prononcé pour le rythme, la mélodie, l'harmonie, etc ... Mais pour coordonner les mouvements, faut-il comprendre, mécaniser, faire chanter les membres comme disent les batteurs, être endurant, contrôler les sensations, s'approprier avec le corps, tout ça à la fois?... L'aspect créatif du choix de gestes et le développement de la « palette personnelle de gestes » ne sont pas envisagés de manière systématique. C'est pourtant par là que se matérialise de mon point de vue le sens du travail instrumental : pouvoir choisir sa façon de jouer, son interprétation, et finalement composer, gérer la musique dans son ensemble, l'organisation globale des sons et donc des mouvements nécessaires à leur naissance. Tel geste donne tel son : développer et inventorier un uploads/Management/ enseigner-le-jazz 2 .pdf

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  • Publié le Jan 06, 2022
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