1  Introduction Introduction Les organisations privées et publiques sont confr

1  Introduction Introduction Les organisations privées et publiques sont confrontées depuis plusieurs années à des modi- fications majeures de leur environnement. La fin des Trente Glorieuses a correspondu à la montée en puissance de la finance afin de compter au mieux des ressources de plus en plus rares. Le contrôle de gestion a vu alors se développer de nouvelles pratiques (multiplication des plans d’économies, développement du cost killing) et de nouveaux indicateurs (EBIT et Free Cash-Flows). Les pratiques du contrôle de gestion se sont trouvées tout à la fois enri- chies (de nouveaux objets à piloter) et mises en danger par une mauvaise utilisation du contrôle. Celui-ci y a parfois perdu de sa pertinence. Parallèlement, le monde a connu deux révolutions majeures qui ont affecté le contrôle : la mondialisation et le développement des technologies de l’information et de la communi- cation ont produit davantage de données, plus difficiles à comprendre et à interpréter. Le contrôle n’a jamais été aussi nécessaire, aussi outillé et aussi compliqué. Cela en rend la pratique passionnante. La performance est devenue elle-même plus difficile à appréhender. Outre que la perfor- mance financière s’est complexifiée (pensons à l’apparition des normes comptables inter- nationales IFRS en 2005), il faut aussi tenir compte de la performance opérationnelle, de la performance sociale et de la performance environnementale. Mutatis mutandis, toutes ces questions sociétales résonnent au sein de chaque organisa- tion et, en particulier, de l’entreprise du secteur marchand. Elles interpellent l’ensemble des fonctions de contrôle au sein des organisations et en particulier le contrôle de gestion. Face à toutes ces questions et à ces nouveaux enjeux, qu’est-ce que le contrôle de gestion aujourd’hui ? 1. Une pratique de déclinaison de la stratégie et du management L’évolution du contrôle de gestion tout au long du xxe siècle montre sa capacité à s’adapter aux changements successifs des entreprises. Né dans les années 1920 pour aider les diri- geants à maîtriser la gestion d’entreprises en expansion et constituées par fusions succes- sives, comme General Motors ou du Pont de Nemours, le contrôle de gestion s’est servi du langage financier et comptable pour présenter une image commune de la contribution des différentes composantes de l’entreprise de grande taille à la performance globale. Les diffé- rents outils du contrôle et le mode de contrôle par les actions ou par les résultats développés à cette époque étaient en phase avec le modèle de l’organisation, inspiré des principes taylo- riens dominant à cette époque. À la suite des bouleversements rapides de l’environnement économique et concurrentiel, de l’accélération du changement technologique et de la mondialisation croissante de l’éco- nomie, les entreprises ont été confrontées à de nouveaux défis. Elles ont dû s’adapter, déve- lopper de nouvelles stratégies et modifier leurs structures organisationnelles pour mieux ©2019 Pearson France - Contrôle de gestion + Vidéos, 4e édition Nicolas Berland, Yves De Rongé Contrôle de gestion – Perspectives stratégiques et managériales 2 coller à la réalité du monde économique. La fonction contrôle de gestion a également dû évoluer pour continuer à jouer son rôle au sein de l’entreprise. De nouveaux outils ont été conçus (méthode ABC-ABM, Balanced Scorecard, etc.), d’autres modes de contrôle person- nels et culturels ont vu leur influence se renforcer, et une articulation nouvelle entre le langage opérationnel et fonctionnel et sa traduction comptable et financière est en cours de construction. Cet ouvrage se veut un reflet de l’évolution du contrôle de gestion, tant comme discipline des sciences de gestion que comme pratique de gestion dans les organisations du monde d’aujourd’hui. Si l’on examine d’abord la pratique du contrôle de gestion dans les organisa- tions contemporaines, une question centrale vient à l’esprit : à quoi et à qui sert un système de contrôle de gestion ? Même si cette question semble très simple, elle est en fait redoutable, et l’observation des pratiques d’entreprise montre qu’y apporter une réponse constitue l’une des plus grandes difficultés de cette discipline. En effet, la pratique du contrôle de gestion est pleine de para- doxes, d’ambiguïtés, voire de contradictions qui, s’ils rendent la discipline passionnante, n’en facilitent pas toujours la compréhension. 2. À quoi et à qui sert le contrôle de gestion ? La perspective managériale et stratégique du contrôle de gestion a été soulignée par bien d’autres auteurs avant nous. Ainsi Anthony, considéré comme l’un des fondateurs de la discipline, soulignait déjà en 1965 que « le contrôle de gestion (management control) est le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l’organisa- tion »1. Les dimensions stratégiques et finalisées du contrôle de gestion sont déjà présentes. Le contrôleur est absent, sans doute pour mieux souligner qu’il n’est pas l’acteur principal. La stratégie, elle, est présente puisque que le contrôle de gestion permet d’atteindre des objectifs. Il est tourné vers la performance et doit permettre d’être efficace, c’est-à-dire d’at- teindre ses buts, et d’être efficient, à savoir le faire en minimisant les moyens mis en œuvre. Cette définition est déjà très riche et comprend bien les enjeux auxquels doit faire face le contrôle de gestion. Paradoxalement quelques années plus tard, en 1988, Anthony a consi- dérablement simplifié sa définition : « Le contrôle de gestion est le processus par lequel les managers influencent d’autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre les straté- gies de l’organisation »2. Au moins deux évolutions sont frappantes. Le contrôle ne sert plus à s’assurer que, mais il se contente d’influencer. L’outil devient alors moins contraignant et davantage tourné vers la communication des grandes orientations. Les objectifs atteints de manière efficace et efficiente ont laissé la place à la mise en œuvre de la stratégie. Sans doute parce que, pour Anthony, les objectifs ne suffisent plus à définir la stratégie, mais aussi peut-être parce que la performance ne peut plus être résumée par l’efficience et l’efficacité. Plus près de nous, Chiapello définit le contrôle comme « tout processus créateur d’ordre »3. La définition est encore plus englobante, mais sans doute souligne-t-elle mieux ce qu’est, au 1. Anthony R.N., Planning and control systems, a framework for analysis, Division of Research, Harvard Business School, Boston, 1965. 2. Anthony R. N., The management control function, The Harvard Business School Press, Boston, 1988. Trad. française La fonction contrôle de gestion, Publi-Union, Paris, 1993. 3. Chiapello E., « Les typologies des modes de contrôle et leurs facteurs de contingence : un essai d’organi- sation de la littérature », Comptabilité, Contrôle, Audit, tome 2, vol. 2, septembre 1996, p. 51-74. ©2019 Pearson France - Contrôle de gestion + Vidéos, 4e édition Nicolas Berland, Yves De Rongé 3  Introduction fond, le contrôle de gestion. Chiapello distingue alors six dimensions permettant de carac- tériser un mode de contrôle. Chiapello E., « Les typologies des modes de contrôle et leurs facteurs de contingence : un essai d’organisation de la littérature », Comptabilité, Contrôle, Audit, tome 2, vol. 2, septembre 1996, p. 51-74. Figure I.1 – Six axes de classification des modes de contrôle. En définitive, il ressort de cette figure qu’il serait sans doute plus sage de parler des contrôles de gestion que du contrôle de gestion, tant cette pratique est riche et renvoie à des réalités différentes. C’est en tenant compte de cette diversité que nous avons écrit ce livre où, systé- matiquement, nous essayerons de faire ressortir le contrôle de gestion comme : • un mode de management et de mise sous tension de l’organisation ; • en vue d’élaborer et de décliner une stratégie ; • en s’appuyant sur des modes de contrôle différents selon les contextes. Cela nous amène à proposer une définition du contrôle de gestion compris comme l’en- semble des pratiques créatrices d’ordre4 et de sens reposant sur l’exploitation de données chiffrées financières et non financières. Le contrôle de gestion, en concevant et gérant le système d’informations de l’entreprise, est au carrefour des différentes fonctions qui portent chacune leurs points de vue, leurs inter- rogations, leurs outils de gestion et leurs méthodes et concepts spécifiques. On comprend alors intuitivement que la compréhension du système de contrôle de gestion nécessite une approche multidisciplinaire qui va recourir aux sciences comptables, aux sciences mathéma- tiques (outils de recherche opérationnelle en production par exemple), de l’information et de la communication, à l’économie, la sociologie, la psychologie, la philosophie, l’histoire, la sémiologie, etc. Cette diversité d’approches transparaît dans les différents chapitres de cet ouvrage. 4. Le contrôle de gestion comme pratique créatrice d’ordre est emprunté à Chiapello (1996). ©2019 Pearson France - Contrôle de gestion + Vidéos, 4e édition Nicolas Berland, Yves De Rongé Contrôle de gestion – Perspectives stratégiques et managériales 4 3. Mode d’emploi et principes de construction de ce livre L’ouvrage est découpé en cinq parties. 3.1. L’environnement organisationnel du contrôle de gestion Le chapitre 1 positionne le contrôle de gestion par rapport à un ensemble de pratiques qui lui ressemblent, le concurrencent et le renforcent. Il est une composante du contrôle orga- nisationnel. Si faire du contrôle de gestion revient à uploads/Management/ f0226-intro.pdf

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  • Publié le Jan 28, 2021
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