MÉTIER | Le français dans le monde | n° 433 | mars-avril 2021 D es points de re

MÉTIER | Le français dans le monde | n° 433 | mars-avril 2021 D es points de repère pour ne pas oublier : voilà ce que repré­ sentent les notes que l’on prend en salle de cours, la liste des courses à faire, les bouts de phrases que l’on grif­ fonne en écoutant au téléphone des informations à retenir et… les notes de voyage que l’on prend dans un joli calepin ou sur notre dernière appli dans l’espoir d’en faire du Flaubert. Et ces notes sont aussi des bribes de discours, diffé­ remment organisées selon qu’elles concernent des messages courts (appels téléphoniques ou listes des courses) dans le but de fixer l’essentiel d’une tâche à accomplir, ou plus longs (conférence, cours magistral, chapitre d’un manuel) pour retenir les informations im­ portantes qui seront ensuite re­ prises et « traitées » en vue d’une restitution sous forme de genres discursifs structurés, plus ou moins complexes selon leur destination. Tâche complexe Mais la prise de notes en soi est déjà une tâche complexe d’un point de vue à la fois cognitif et linguistique, car l’écriture rapide qu’elle de­ mande et la réduction de l’informa­ tion à la portion congrue, détermi­ nées par les besoins du « noteur », comportent la mise en place d’un ensemble d’opérations cognitives et de compétences linguistiques exigeantes par rapport au temps ré­ duit dont on dispose. Et la gestion temporelle des informations se pré­ sente, d’après Annie Piolat (2010), « particulièrement épineuse » pour une série de raisons. Tout d’abord, la nécessité de coor­ donner rapidement la compréhen­ sion du message et sa transcription selon les limites imposées par la mémoire de travail du noteur. Pour s’adapter à la capacité limitée de PRISE DE NOTES ET POINTS DE REPÈRE « Question d’écritures » est une rubrique destinée à la formation des enseignants. Comme son nom l’indique, dans chaque numéro du FDLM, nous proposons un moment de réflexion sur deux pages autour d’une situation d’écriture élucidée en trois points : • Un rappel des caractéristiques linguistico-culturelles d’un élément déclencheur qui pourra tour à tour concerner un lieu, une modalité, une typologie, etc. • La justification du choix d’utilisation de l’amorce en question dans la classe de FLE. • La proposition d’une démarche pédagogique avec exemplification des tâches et des activités qui peuvent mener à une production écrite. La réflexion est accompagnée d’une fiche d’activités pour la classe, à destination des enseignants, qui indiquera le niveau des destinataires, l’objectif de la tâche finale en production écrite et les matériaux à utiliser (papier-crayon, médias, Internet…). Pour chaque activité on précise l’organisation du travail (individuel, binôme, groupe, plénière…) et la/les compétences visées (CO, CE, PO, PE… mixte). « Il découvrit alors de chaotiques bribes de discours se succédant sans lien ou se répétant parfois à satiété avec une singulière insistance. » Raymond Roussel, Locus Solus FICHE D’ACTIVITÉS téléchargeable sur WWW.FDLM.ORG © Voyagerix - Adobe Stock 32 QUESTION D’ÉCRITURES Le français dans le monde | n° 433 | mars-avril 2021 PAR PAOLA BERTOCCHINI ET EDVIGE COSTANZO – méthode planifiante qui utilise les indications explicites du discours source (ex. : plan annoncé par l’ora­ teur et repris au fur et à mesure). Cela donne une prise de notes hié­ rarchisée à travers des titres et sous- titres qui demandent au noteur de « remplir des cases » tout en éva­ luant l’importance de l’information pour décider des priorités à retenir ; – méthode préplanifiée, utilisée surtout pour les comptes rendus de réunions où les catégories discur­ sives sont prévisibles, car la prise de notes va s’effectuer à partir de grilles déjà préparées, avec l’avantage de pouvoir intégrer les informations indépendamment de l’ordre dans lequel elles apparaissent dans le discours ; – méthode par mots-clés, où la réduction des informations aux concepts majeurs se fait par des « mots-clés » appartenant au dis­ cours source, ou élaborés par le noteur pour synthétiser l’informa­ tion. C’est sûrement la méthode la plus « active » du point de vue co­ gnitif, mais elle a l’inconvénient de remettre à la réutilisation des notes la tâche de retrouver les éléments linguistiques nécessaires à reconsti­ tuer l’articulation du discours. À chacun donc de choisir la méthode la plus convenable en fonction de ses besoins immédiats et de ses cette dernière, qui rend de fait im­ possible la transcription mot à mot d’un discours oral dont le débit n’est pas celui d’une dictée, le noteur doit faire appel à des procédures de res­ serrement pour activer l’énergie at­ tentionnelle nécessaire à la compré­ hension. Et ces procédures doivent être automatisées pour permettre de noter l’essentiel d’une parole que l’on entend et comprend. Une prise de notes spontanée révèle, à ce propos, l’utilisation généralisée de mots isolés et/ou abrégés, de symboles universellement compris comme + ou –, etc., mais il est in­ déniable que, pour être vraiment efficace, elle demande un appren­ tissage. Or, cette procédure, déjà pas évidente pour un initié, s’avère compliquée et même peu abordable pour un débutant en langue étran­ gère qui va souffrir d’une charge cognitive excessive, due aux raisons suivantes : – la nécessité d’utiliser des opéra­ tions de hauts niveaux, alors que les routines linguistiques nécessaires ne sont que très partiellement acquises ; – le fait qu’encore une fois le cultu­ rel se mélangeant au linguistique l’opération peut être plus ou moins « transférable » d’une langue à l’autre. Comment s’y prendre en classe de FLE La prise de notes « à la française » donne lieu, toujours selon Piolat, aux quatre méthodes suivantes : – méthode linéaire, ainsi appelée car elle suit la linéarité du discours entendu évitant ainsi d’opérer une sélection de l’information qui de­ manderait un traitement cognitif important, ce qui présente des avan­ tages pratiques indéniables, mais ne semble pas très productif du point de vue de la conceptualisation/mé­ morisation ; stratégies d’apprentissage. Et, pour favoriser au maximum le resserre­ ment de l’information, les tâches en­ visageables pour une classe de FLE ne peuvent que concerner les trois niveaux de structuration que com­ porte cette opération, c’est-à-dire le lexique, la syntaxe et les ensembles conceptuels. Pour le premier, là où Piolat parle de « procédés abréviatifs » de na­ ture différente, utilisables dans des langues de la même famille, on peut proposer toute une série d’activités qui vont de la prise de conscience des compétences personnelles ac­ quises dans ce domaine, comme la « traduction » en français courant de messages rédigés selon les abrévia­ tions des textos, à l’utilisation de ta­ bleaux d’abréviations couramment employés en français dans différents domaines et facilement repérables sur Internet (ex. : https://www. espacefrancais.com/liste-des-abre­ viations-les-plus-employees). Le second joue sur la mise en place de « procédés substitutifs » qui comprennent des symboles mathé­ matiques ou iconiques (https:// concours-fonction-publique.pu­ blidia.fr/actualites/pratique/les- principales-abreviations-utiles-a- la-prise-de-note), mais aussi des opérations linguistiques comme l’utilisation des champs séman­ tiques ou la nominalisation pour lesquels on peut utiliser toute la panoplie des activités prévues pour la compréhension et proposer des tâches qui demandent de « noter » des énoncés en utilisant une struc­ ture nominale et les abréviations les plus connues et vice-versa (ex. : « La population mondiale a consi­ dérablement augmenté ces cin­ quante dernières années, ce qui a provoqué des crises économiques graves » peut donner « Augment° poplt° mondiale 50 drnières années => crises éco grves »). Quant au troisième, en vue de la mise en discours que demandera l’actualisation fonctionnelle des notes (ex. : rapport de réunion) ou une véritable récriture (cas de notes de voyage), des exercices propédeutiques sur les marqueurs de la localisation dans le temps, des rapports logiques de cause-consé­ quence, d’opposition, d’intention, sur la pronominalisation anapho­ rique, feront l’affaire à côté d’ac­ tivités de repérage de mots-clés dans des textes oraux ou écrits qui se valent d’une mise en forme matérielle des notes (schémas, cartes mentales …) où l’espace même de la feuille est géré de façon non linéaire, mais sûrement plus conforme aux concepts à retenir. n BIBLIOGRAPHIE •  Carette E., 2001, « Mieux apprendre à comprendre l’oral en langue étrangère », in Le français dans le monde : Recherches et applications, n° 34, janv., p. 128-132. •  Giordan A., Saltet J., 2019, Ap­ prendre à prendre des notes, Paris, Flammarion (Librio). •  Gaonac’h D., Fradet A., 2003, « La mémoire de travail : développe­ ment et implication dans les acti­ vités cognitives », in Kail M., Fayol M. (éds.), Les Sciences cognitives et l’école, Paris, PUF. •  Le Millin Y., 2012, La Prise de notes efficace, Paris, Dunod, 2e édition. •  Piolat A., 2010, « Approche cogni­ tive de la prise de notes comme écriture de l’urgence et de la mémoire externe », Le français aujourd’hui, n° 170, mars, p. 51-62, disponible sur le site : https:/ /www. cairn.info/revue-le-francais-au­ jourd-hui-2010-3-page-51.htm L’écriture rapide que demande la prise de notes et la réduction de l’information comportent la mise en place d’opérations cognitives et de compétences linguistiques exigeantes 33 uploads/Management/ fdlm-433-032021.pdf

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  • Publié le Mar 13, 2021
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