NOM DE L OUVRAGE : Modes de contrôle des dirigeants et performance des firmes A

NOM DE L OUVRAGE : Modes de contrôle des dirigeants et performance des firmes Auteur : Gérard CHARREAUX(*) Il est de tradition depuis Berle et Means (1932) de tenter d'établir une relation entre la séparation des fonctions de propriété et de direction et la performance des firmes. La rupture du lien propriété/direction entraînerait des conflits d'intérêts entre les actionnaires et les dirigeants qui poursuivraient d'autres objectifs que le traditionnel objectif de maximisation de la valeur de marché des fonds propres. Il s'ensuivrait une baisse de l'efficacité économique des firmes et pour certains auteurs, la nécessité de renforcer la réglementation. Ce thème allait être repris abondamment par le courant managérial (Baumol, 1959; Marris, 1964; Williamson, 1964; Monsen et Downs, 1965), puis revisité notamment dans le cadre des théories de l'agence et des coûts de transaction. Les débats théoriques portent principalement sur l'efficacité des nombreux systèmes de contrôle qui interviendraient pour contraindre les dirigeants à gérer conformément aux intérêts des actionnaires. La problématique utilisée dans cette littérature, privilégie la relation actionnaires / dirigeants comme élément déterminant de la performance. En caricaturant, trois thèses principales s'affrontent: celle de la convergence des intérêts, celle de la neutralité et celle de l'enracinement. Les résultats contradictoires obtenus dans les différentes études empiriques sont vraisemblablement liés au cadre restrictif utilisé qui privilégie le seul conflit actionnaires / dirigeant et la liaison structure de propriété / performance. Au delà de cette dernière, la question soulevée par ce courant de littérature apparaît plus générale et porte en fait sur les déterminants organisationnels de la performance des firmes, voire plus généralement des organisations. Le caractère étroit de la plupart des études qui ont été réalisées jusqu'à présent et qui se sont sauf exception, centrées sur la relation actionnaires / dirigeants, s'explique pour les raisons suivantes. Premièrement, elles ont pour l'essentiel été conduites aux États-Unis où le contexte idéologique et économique attribue un rôle prioritaire aux relations actionnaires / dirigeants. Au delà de l'élargissement du cadre d'analyse, de façon à considérer l'ensemble des contractants avec la firme, un intérêt renforcé doit être apporté au mécanisme par lequel s'établit la performance, autrement dit, aux choix stratégiques qui sont faits par les dirigeants et qui déterminent la performance. Les objectifs de cet article sont multiples. Dans la première partie, après avoir présenté les principales étapes par lesquelles s'est constitué le cadre d'analyse actuel, nous en proposerons une critique et un élargissement, tenant compte des conflits entre les dirigeants et l'ensemble des cocontractants à la firme (stakeholders). POUR UN ÉLARGISSEMENT DU CADRE D'ANALYSE LIMITE AUX RELATIONS ACTIONNAIRES / DIRIGEANTS 1 - L'émergence du cadre d'analyse actuel Bien que les analyses de Baumol, Marris, Williamson et Monsen et Downs soient à l'origine d'une majeure partie des idées qui fondent le cadre d'analyse actuel, nous insisterons principalement sur les modèles théoriques des droits de propriété et de l'agence, qui fixent les bases du référentiel le plus souvent retenu et qui permettent une extension de l'analyse allant bien au delà du simple conflit conflits actionnaires / dirigeants. Le potentiel des théories des droits de propriété et de l'agence pour dépasser le traditionnel conflit actionnaires / dirigeants apparaît de façon explicite dans les travaux fondateurs d'Alchian et Demsetz (1972), de Jensen et Meckling (1976), de Fama (1980) ou de Fama et Jensen (1983 a et b), cependant la relation actionnaires / dirigeants y reste fortement privilégiée. Alchian et Demsetz proposent une définition de la firme néo-classique qui s'inscrit dans le cadre de la théorie des droits de propriété. La question posée initialement consiste à justifier l'existence de la firme par rapport au marché en montrant, sous certaines hypothèses, sa supériorité comme mode d'organisation. Le courant traditionnel de la théorie des droits des propriétés tel qu'on le trouve exposé notamment par Furubotn et Pejovich (1972) estime que la divergence d'objectifs entre le dirigeant qui maximise sa fonction d'utilité et les actionnaires qui recherchent la maximisation de leur richesse, implique une atténuation des droits de propriété dans les firmes managériales. Les firmes managériales dont le capital est dispersé et où les dirigeants possèdent le plus de pouvoir discrétionnaire seraient ainsi moins performantes. En considérant uniquement le cas de la firme managériale avec une séparation complète des fonctions de propriété et de direction, Fama (1980) étudie le cas extrême de séparation propriété/décision. D'une part, il insiste sur l'absence de bien-fondé de la notion de propriété de la firme; seule la propriété des facteurs de production lui apparaît pertinente. D'autre part, il distingue clairement les fonctions de direction et d'assomption du risque, confondues chez Alchian et Demsetz. La théorie des formes organisationnelles due à Fama et Jensen19 ne modifie pas sensiblement la problématique établie par Jensen et Meckling et Fama. Elle consacre à partir d'une analyse de la structure des différents contrats, l'importance de la fonction d'assomption du risque résiduel et le rôle fondamental des créanciers résiduels, c'est à dire des apporteurs de fonds propres. En caricaturant, les arguments présentés pour justifier l'attention portée aux conflits actionnaires dirigeants nous semblent au nombre de trois. Premièrement, le contrôle des inputs fait du dirigeant le créancier résiduel. L'ouverture du capital entraînant un partage des profits abaisse le pouvoir incitatif du système et implique le recours à des systèmes de substitution, rémunération indexée, conseil d'administration, prises de contrôle. Deuxièmement, les actionnaires n'étant pas incités à contrôler directement les dirigeants dans les firmes managériales, Troisièmement, la séparation des fonctions d'assomption du risque et de direction implique. 2 - Critiques et extensions a- Les partenaires impliqués Les modèles théoriques précédents s'ils privilégient l'étude des relations entre actionnaires et dirigeants n'excluent pas l'intégration dans l'analyse d'autres partenaires. Les notions de propriété des inputs ou de relation d'agence permettent d'aménager un cadre de réflexion beaucoup plus général et d'intégrer le facteur travail qui est le grand absent des analyses précédentes. Dans le modèle d'Alchian et Demsetz, l'analyse de la gestion du facteur travail est très réduite; le rôle des syndicats est cependant évoqué comme facteur de contrôle des dirigeants. Les analyses de Williamson (1985, chapitre 12) et de Cornell et Shapiro (1987) élargissent singulièrement le cadre d'analyse habituel. Williamson appliquant la théorie des coûts de transaction à l'analyse de la gestion de la firme (corporate governance) examine les relations entre la firme et l'ensemble de ses partenaires: main d'oeuvre, capital, fournisseurs, clients, Société et dirigeants, à partir de son schéma contractuel traditionnel. La démarche de Cornell et Shapiro se situe dans un tout autre contexte que celle de Williamson. Il s'agit en fait d'examiner l'incidence des conflits entre les dirigeants et l'ensemble des cocontractants sur la politique financière. L'intégration des créances implicites liées notamment aux garanties accordés aux clients et aux promesses faites aux salariés, en matière de sécurité d'emploi, conduit à adopter une vision élargie du bilan, où la notion de capital organisationnel occupe une place centrale. Au delà de l'élargissement de l'analyse à l'ensemble de la coalition dont on peut trouver une présentation plus achevée, liant notamment les courants théoriques de l'agence, des coûts de transaction et organisationnels, dans la littérature stratégique récente (Hill et Jones, 1992), il convient également de revenir sur l'analyse du rôle joué par les actionnaires et les créanciers. Les schémas présentés par Jensen et Meckling ou par Fama et Jensen sont caricaturaux; on considère soit que le dirigeant est le principal actionnaire, soit que le capital est dispersé et qu'aucun actionnaire ne pèse de façon déterminante. La catégorie des créanciers mérite également d'être analysée plus précisément, en distinguant notamment, les créanciers obligataires et les banques. Le rôle disciplinaire des banques est souvent souligné. Pour Stiglitz (1985, p.143) les banques ont souvent des intérêts en jeu importants dans les firmes; la nature des contrats auxquels elles recourent font qu'elles portent principalement leur attention sur le risque de faillite et qu'elles recueillent leur information en conséquence. Leur intérêt est de limiter le risque. b - Rôle et objectifs du dirigeant et nature de la firme Chez Alchian et Demsetz, le dirigeant occupe la position centrale du processus productif et est chargé d'assurer la meilleure productivité possible en contrôlant les différents membres de l'équipe. Il y a délégation de cette fonction. L'analyse est centrée sur les raisons qui font émerger la firme comme mode de production efficace. Williamson tout en étant proche de cette vision, s'en sépare cependant; la théorie des coûts de transaction fonde son analyse sur les transactions et non sur les relations d'agence et surtout conçoit la firme comme un instrument de gestion (corporate governance) et non comme une fonction de production. Quelle que soit la définition du rôle du dirigeant, gestionnaire des transactions, des relations d'agence, des facteurs de production, quel objectif peut-on lui attribuer? La formulation traditionnelle consiste à retenir le critère de maximisation de l'utilité sans préciser définitivement les arguments de la fonction d'utilité, où pourraient apparaître certes la richesse, mais également, le pouvoir, la notoriété, etc. Une telle formulation peut aussi être rapprochée de celles suggérées récemment tant par Myers (1990), dans sa tentative de généraliser la théorie du free cash-flow de Jensen23 (1986) que par Castanias et uploads/Management/ ficher-de-lecture-8-copie.pdf

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  • Publié le Fev 18, 2021
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