© Humensis Francine Mazière L’ANALYSE DU DISCOURS Histoire et pratiques Quatriè
© Humensis Francine Mazière L’ANALYSE DU DISCOURS Histoire et pratiques Quatrième édition mise à jour 7e mille © Humensis À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT Jean Perrot, La Linguistique, no 570. Olivier Soutet, La Syntaxe du français, no 984. Sylvain Auroux, La Philosophie du langage, no 1765. Claude Hagège, La Structure des langues, no 2006. Michel Meyer, La Rhétorique, no 2133. Louis-Jean Calvet, La Sociolinguistique, no 2731. ISBN 978-2-13-081395-8 ISSN 0768-0066 Dépôt légal – 1re édition : 2005 4e édition mise à jour : 2018, novembre © Presses Universitaires de France / Humensis, 2018 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris © Humensis Introduction Le syntagme « analyse du discours » (désormais AD) désigne un domaine qui s’est développé en France dans les années 1960-1970, de prime abord au sein des sciences du langage, même si une interdisciplinarité s’est immédiatement imposée. Cet ouvrage s’appuie essentiellement sur la littéra- ture développée alors. Il contient aussi des souvenirs personnels, des bribes de communications, de discus- sions. Il se fait l’écho de disputes et de solidarités intellectuelles. Son objectivité est donc celle d’un témoignage et d’un point de vue. Aujourd’hui, le paysage est accidenté. Au sein des sciences humaines, depuis quarante ans, l’AD est interrogée essentiellement par les disciplines qui l’ont le plus fréquentée, la communication mais aussi l’histoire ou la sociologie, où l’on s’y réfère de façon souvent oblique. Cependant c’est au sein de la linguistique qu’elle est visitée, annexée, attaquée, concurrencée – tout à la fois donc citée et méconnue – par des théories et des pratiques se réclamant de la pragmatique, de l’ana- lyse de conversation, de l’analyse textuelle. Elle est en général revendiquée comme domaine, avec un souhait de fondation disciplinaire, au nom de catégories propres, ou au nom d’un objet complexe qui serait le langage « réel », opposé à l’objet « idéel », la langue du linguiste. L’AD y est aussi parfois citée avec dédain ou nostalgie comme illustrant une époque révolue, qui prônait l’engagement et l’inquiétude du sens politique, 3 © Humensis sans écho pour notre modernité qui connaîtrait la fin des idéologies et se défendrait du matérialisme. Mais, plus souvent, elle y est sollicitée sous une forme res- treinte, en appoint d’analyses textuelles par exemple, comme outillage linguistique où puiser, en totale méconnaissance des enjeux de sens qui furent les siens. Facilement diluée, l’AD résiste cependant, en raison d’une fondation matérialiste, dans son histoire même, qui lui assure quelques solides principes : – toute AD tient compte de la langue en tant qu’objet construit du linguiste, et des langues empiriques particulières en tant que dotées de formes parti culières ; – toute AD ne prend en compte que des productions attestées ; – elle configure les énoncés à analyser en corpus construits, souvent hétérogènes, selon un savoir revendiqué, linguistique, historique, politique et philo sophique ; – elle construit ses interprétations, ses « lectures », par une critique matérialiste et des méthodes assu- mées, en tenant compte des données de langue(s) et d’histoire, en prenant en compte les capacités linguistiques réflexives des sujets parlants, mais aussi en refusant de poser à la source de l’énoncé un sujet énonciateur individuel qui serait « maître en sa demeure ». Ce sont encore ces trois concepts, langue, sujet, his- toire, qui structurent à des degrés divers l’analyse du discours, même si de nombreux déplacements théo- riques sont intervenus, dans le rapport à la langue et au sujet principalement. Ici, nous avons voulu insister sur ce qui singularise l’AD dans le champ des analyses de productions 4 © Humensis langa gières afin de la définir comme une série d’exi- gences et de propositions construites, expérimentées, issues d’une histoire, celle de la « sémantique discursive ». Les premiers dispositifs d’analyse ont permis cepen- dant à l’AD de formuler des approches théoriques, par opposition ou par adhésion aux évidences des années 1960 : la linguistique structurale puis générative, l’énonciation et les traditions herméneutiques, la socio- linguistique et la discourse analysis anglo-saxonne, les traitements automatiques, et une philosophie du lan- gage qui repensait le sens. La complexité et la singu- larité des positions de l’AD dans l’analyse du sens se mesurent à travers la permanence de ses joutes autant que par ses multiples inventions. C’est pourquoi nous avons choisi de ne pas séparer l’histoire de l’AD de ses formes pratiques. Ainsi se justifie le plan. Un premier chapitre situe les positions de l’AD par rapport aux éléments concep- tuels dominants dans les années 1960 ; le chapitre II expose comment des déplacements de concepts dans l’analyse linguistique distributionnelle permettent d’in- tégrer des pratiques textuelles, philologiques, et de mettre en place une première forme d’AD ; le cha- pitre III rend compte d’une mise en question des méthodes et d’une refondation ; le chapitre IV prend acte des effets de l’interdisciplinarité, des reconfigu- rations induites et de la fécondité actuelle ; enfin, le chapitre V se recentre sur les fondamentaux de l’AD en accordant une place centrale au travail de Denise Maldidier. Ceci est une quatrième édition. Le caractère souvent peu théorique de certaines productions nous avait obligée à revenir dans la troi- sième édition sur la présentation des concepts 5 © Humensis fondateurs, et en particulier à reprendre le chapitre I « Un cadre hérité », qui était devenu « Définitions et inventions dans un cadre hérité ». Dans le point III du chapitre IV, après avoir confirmé par quelques références de publications nouvelles la poursuite des mouvements d’intégration annoncés, on avait alors donné un témoignage de l’amorce d’un mouvement inverse, l’expansion des forces émancipa- trices du noyau historique de l’AD. Dans cette même troisième édition, les Annexes « Écritures d’analyses de discours » avaient disparu pour permettre un chapitre V « De l’aval à l’amont » qui éclaire l’horizon de rétrospection de l’AD en donnant accès au travail pionnier de Denise Maldidier. Cette quatrième édition donne lieu à quelques actualisations au fil du texte et à un ajout dans le chapitre V centré sur des points sensibles, le travail des historiens toujours d’actualité, les déplacements majeurs du côté de l’analyse du discours numérique, la question toujours vive de la langue. © Humensis CHAPITRE PREMIER Définitions et inventions dans un cadre hérité Le caractère composite de l’AD oblige à un rappel des configurations disciplinaires dominantes en France dans les années 1960-1970, à la présentation de reconfigurations des concepts hérités et à la définition de propositions inédites. Les points abordés succincte- ment dans ce chapitre veulent permettre de mieux comprendre comment s’est formé le domaine, c’est- à-dire sur quelles revendications il s’est constitué, par quels refus, et quels conflits l’ont fortifié (chap. II et III). I. – Langue, parole, exemple vs. usage, discours, énoncé Dans la mesure où l’AD s’est d’abord installée au sein des sciences du langage, il faut revenir en premier sur les concepts du domaine. Développée en linguis- tique, l’AD ne travaille pas sur la langue comme sys- tème, elle travaille sur l’usage de la langue. Le choix de l’attesté comme unique objet dit une conception particulière du langage. En grammaire, on peut raisonner sur des phrases construites, comme « le loup mange l’agneau », sans doute non attestées, mais propres à exemplifier une structure syntaxico-sémantique. Mais en ce cas, ni le 7 © Humensis loup ni l’agneau n’ont de référent dans le monde. Ils ont un sens lexical qui leur garantit simplement une validité sémantique à visée générale et écarte « l’agneau mange le loup ». L’AD tient compte uniquement de l’énoncé attesté, et de la mobilisation de référents qui en découle. Dans le plus petit fragment attesté, elle voit un « produit », informé, en première approxima- tion, par un contexte, à la fois linguistique, rhétorique, historique, sociologique, mondain. La structure syn- taxique, ou l’un de ses termes, prennent alors sens à travers une mise en usage actualisée, et donc poten- tiellement modificatrice de la forme grammaticale, qu’il se spécifie dans une fable (« Le loup l’emporte et le mange », où la pronominalisation efface « l’agneau », par insertion dans le fil du récit : un agneau qui se désaltérait, dit par l’écriture de La Fontaine), ou comme cri du berger – voire de la bergère, ce qui changerait encore le sens – (« Au loup ! », où la posi- tion d’énonciation permet l’effacement du nom de la victime), ou comme titre de journal (« Dégâts des loups », qui ne prend sens que dans une suite de faits divers mémorisés et appréciés). L’AD prendra en compte les effacements, les anaphores, les figures, les énonciateurs et leurs positions, le temps, l’espace, les croyances, des préconstruits inscrits dans la structure, qui les piège par le seul fait d’énoncer. Si l’on passe de la structure aux termes, l’AD ne définirait pas le mot loup dans une classification lexicographique mais pourrait prendre en compte comment une interdiscur- sivité en affecte le sens : « le grand méchant loup » affecte l’usage de loup dans tel ou tel contexte langagier et social, de même que uploads/Management/ francine-maziere-l-x27-analyse-du-discours-histoire-et-pratiques-2018 1 .pdf
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- Publié le Jul 19, 2021
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