24 Psychologie Sociale de la Communication 217 Chapitre 1 — La communication ve

24 Psychologie Sociale de la Communication 217 Chapitre 1 — La communication verbale Au cours des communications quotidiennes, en particulier les interactions en face à face, les gens parlent, ils prennent des postures variées, orientent leurs regards, bougent éventuellement leurs mains, etc. En somme, ils se comportent de différentes façons, utilisent différents types de signaux. Bien qu’elle soit critiquée par un nombreux grandissant de chercheurs (voir, ex. : Jones et Lebaron, 2002), une distinction qui revient souvent dans la littérature sur la communication est celle entre les signaux verbaux, d’un côté, et les signaux non verbaux, de l’autre. Et de fait, ces deux types de signaux ont souvent été étudiés séparément, comme s’il s’agissait de phénomènes indépendants. Dans ce chapitre et le suivant, nous allons nous pencher tour à tour sur chacun de ces types de signaux, en tâchant de ne pas passer sous silence la question de leur cooccurrence et de leur intégration. 1. Différences entre communications verbale et vocale Au sein de la communication verbale, nous pouvons opérer une distinction entre la communication verbale et la communication vocale. On a tendance à souvent les confondre, à estimer que tout ce qui passe par la bouche est de la communication verbale et donc que tout ce qui est verbal passe par la voix. Ce n’est pas le cas. Il s’agit de deux dimensions orthogonales indépendantes l’une de l’autre. Tableau 1. Exemples de communications verbales et vocales VOCALE NON-VOCALE VERBALE Paroles Écriture NON-VERBALE Intonation, débit Mouvements, expressions faciales On appelle communication verbale toute communication utilisant des mots. Ainsi, sont verbales les communications vocales, écrites et signées (voir tableau 1). La communication verbale a comme caractéristique de ne pas imiter les référents (i.e., les objets auxquels les signaux font référence). On dit de la communication verbale qu’elle est digitale car elle utilise des symboles1, à savoir des signaux abstraits et arbitraires (ex. le mot « cheval » est arbitraire et abstrait, tout comme les lettres le composant). La communication non-verbale, en revanche, tente d’imiter les référents. On dit de la communication non verbale qu’elle est analogique car elle utilise des signes, à savoir des signaux qui sont liés physiquement ou causalement au message qu’ils transmettent (ex. une personne qui rougit parce qu’elle est gênée). 1 Dans les pages qui suivent, nous allons utiliser les mots signes et symboles de manière interchangeable. Ce n’est pas idéal d’un point de vue pédagogique mais il est difficile de faire autrement, tant la terminologie est non consensuelle. Pour les besoins du cours, il vous suffit de retenir que, même si l’on parle de signes pour la communication verbale et la communication non verbale, dans le premier cas, les signes ne cherchent pas à imiter le réfèrent, tandis que, dans le second, ils cherchent à l’imiter. Par ailleurs, et nous y reviendrons, si le caractère arbitraire ou non permet de distinguer les deux types de communication, il s’agit plus d’une question de degré (les signes ou symboles de la communication verbale sont plus arbitraires que les signes de la communication non verbale) que d’une question du tout ou rien. Dimensions clés : contrôlabilité, collectivité & gain 25 Psychologie Sociale de la Communication 217 2. Le langage Communiquer, c’est tenter d’évoquer une image dans l’esprit de l’interlocutrice. Une manière de comprendre cela est de dire, qu’en communicant, on fait de la « télépathie par signaux ». Étudier le langage revient donc à étudier les relations entre les mondes empirique et symbolique, le premier étant le monde perçu par les cinq sens et le second étant le monde représenté. Ainsi, l’étude du langage permet de comprendre les relations entre les référents et les signaux linguistiques utilisés pour évoquer ces référents dans l’esprit de l’interlocuteur. Retenons le fait qu’on ne peut jamais être sûr de la réussite de l’entreprise, on ne sait jamais avec certitude ce qu’on évoque réellement chez l’interlocutrice en utilisant un mot car nous n’avons pas accès à la boîte noire qui est son esprit. Pour l’instant du moins, il ne nous est pas possible de voir ce qui se passe dans la tête de notre interlocuteur. De fait, on a tous connu une situation dans laquelle on a dit quelque chose en pensant à un concept précis et la personne à laquelle on s’est adressé en a compris un autre. Cet aspect est une propriété fondamentale de la communication selon Ludwig Wittgenstein (1921). Toutefois, il prétend qu’il n’est pas indispensable d’être compris comme on le souhaite pour que la communication soit fonctionnelle. Les référents évoqués par un certain signal chez moi et mon interlocuteur seront généralement suffisamment ressemblants que pour ne pas mettre en péril notre interaction. Et de fait, même si l’on n’est pas sûre de ce que l’on va évoquer chez notre interlocutrice, cela ne nous empêche pas de communiquer avec elle. 3. Un système de symboles Le nombre de langues à travers le monde est généralement estimé aux alentours de 6.000. Malgré cette grande diversité, il existe des éléments communs à toutes les langues : • Les phonèmes : ce sont les plus petites unités de son non-porteuses de sens (ex. /x/, /a/, /ch/, /v/, etc.). Ces phonèmes sont assemblés en morphèmes qui sont les plus petites unités porteuses de sens. Ceux-ci peuvent prendre la forme de mot ou de syllabe comme les préfixes, les suffixes ou encore les désinences. Par exemple, le préfixe « a » indique la privation, le suffixe « ment » indique la forme adverbiale, la désinence « ons » indique la première personne du pluriel. • La grammaire : elle établit les règles régissant la formation de mots et de phrases. Ces règles sont implicites et explicites mais surtout partagées par un groupe donné qui considère que cette langue est sienne. 4. Les modèles du signe A. Le modèle dyadique du signe de Ferdinand de Saussure Ferdinand de Saussure, linguiste suisse du début du XXe siècle, a développé une théorie structuraliste du signe (qui a été publiée à titre posthume en 1916 sur base de notes de cours prises par ses étudiants). S’il était intéressé par le langage, il s’est malgré tout limité à étudier la langue parce qu’il voyait dans le langage des dualités qui en compliquaient l’étude. Ainsi, dans le langage, il y a à la fois le répertoire de signes qui est propre à une communauté donnée et qui va être utilisé par ses membres mais il y a Dimensions clés : contrôlabilité, collectivité & gain 26 Psychologie Sociale de la Communication 217 aussi l’appareil vocal et, si on s’intéresse au langage, pour de Saussure, indirectement on est également obligé de s’intéresser aux deux versants de la même pièce, c’est-à-dire à la fois l’appareil vocal qui est utilisé pour faire vivre les signes et aux signes eux-mêmes qui existent indépendamment de leur utilisation. Ensuite, selon de Saussure, dans le langage, on est toujours obligé de s’intéresser à la fois au passé et au présent. Or, il peut y avoir un décalage important entre la façon dont le langage a été utilisé par cette communauté dans le passé et les évolutions, les changements qui ont lieu, qui font qu’aujourd’hui on n’utilise pas le même mot avec le même sens qu’il y a un siècle. Tout cela l’a amené à proposer de se limiter à la langue, à la façon dont les locuteurs vont utiliser cette langue. Il s’est dit que, finalement, la langue c’est ce qu’il y a de plus stable, on peut l’étudier indépendamment de son usage par les membres d’une communauté et donc elle est peut-être plus facile à étudier et peut être considérée un peu comme un étalon de mesure (i.e., en étudiant la langue, on étudie quand- même le langage, même si c’est de façon incomplète). Il est à noter que, selon de Saussure, la linguistique devrait être une sous-discipline de la psychologie sociale. Il n’a pas été suivi sur ce propos, mais, pour lui, étudier des signes sans les ancrer dans le contexte social dans lequel ils ont vu le jour est une aberration. Cela explique pourquoi il trouvait que la psychologie sociale était une discipline pertinente pour étudier la langue, puisque cette dernière prend en compte le contexte dans la création et l’utilisation des signes au sein d’une communauté. On doit à de Saussure les premières réflexions sur ce que c’est un signe, que l’on peut définir comme étant une unité linguistique ayant un caractère conventionnel. Ces réflexions l’ont amené à développer un modèle dyadique du signe selon lequel le signe est composé de deux faces : il y a d’un côté le signifié (autrement dit, le concept auquel le signe fait référence) et le signifiant (autrement dit, la forme graphique ou sonore que va prendre le signe). On pourrait dire que le signifié est le contenu (le concept) et le signifiant est la forme (l’image acoustique associé à ce concept). Il faut imaginer ces deux éléments comme étant intimement liés telles les deux faces d’une feuille de papier. Ils ne sont séparés « artificiellement » que pour les uploads/Management/ chap-2-et-3.pdf

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  • Publié le Mar 03, 2021
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