“La 3e voie…” Chapitre 7 L'enseignement explicite Clermont Gauthier, Steve Biss
“La 3e voie…” Chapitre 7 L'enseignement explicite Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard tiré de : Enseigner Sous la direction de Vincent Dupriez et Gaëtane Chapelle (PUF (coll. Apprendre), 2007 p 107 à 116 L'enseignant est un facteur majeur d'explication de la variance de la réussite sco- laire. Car un enseignement de qualité peut influencer la réussite des élèves, et ce, au- delà de l'année scolaire au cours de laquelle un étudiant a bénéficié des interventions d'un enseignant. Voilà ce que plus de 35 ans de recherches sur l'efficacité de l'enseigne- ment ont décrit abondamment. Désormais, l'explication de la réussite ne peut plus être attribuée seulement aux caractéristiques des élèves ou de leur milieu. Ces recherches sur l'efficacité de l'enseignement - dont il faut noter qu'elles appartiennent pour la plupart à la tradition anglo-saxonne d'études corrélationnelles, expérimentales ou quasi expéri- mentales conduites dans les classes, en cela fort différentes des travaux francophones en sciences de l'éducation plus spéculatifs et théoriques - ont permis de répertorier les diffé- rentes stratégies et techniques d'enseignement qu'utilisent les enseignants efficaces, c'est-à-dire ceux qui permettent le meilleur gain d'apprentissage chez leurs élèves. Ces différentes stratégies ont ensuite été comparées à celles des enseignants moins perfor- mants ou novices. L'hypothèse fut alors faite - et confirmée par de nombreuses re- cherches empiriques de type expérimental ou quasi expérimental 1 -qu'en entraînant des novices à utiliser ces interventions dites efficaces l'on obtiendrait une amélioration des résultats scolaires des élèves. 1 . N.L. Gage, “Comment tirer un meilleur parti des recherches sur les processus d'enseignement ?” in M. Cra- hay et D. Lafontaine (dirs), L'art et la science de l'enseignement, Bruxelles, Labor, 1986, p. 304-305 ; C. Gau- thier et coll., Pour une théorie de la pédagogie, Sainte-Foy, PUL, 1997. 2 http://3e.voie.free.fr Gauthier, Bissonnette, Richard Quelle est l'efficacité de l'enseignement explicite ? L'un des chercheurs les plus reconnus sur le thème de l'efficacité de l'enseigne- ment est Barak Rosenshine 2. Il a mis en évidence par des recherches empiriques qu'un enseignement explicite et systématique comportait de nombreux avantages, pour un cer- tain nombre de disciplines différentes, et divers publics d'élèves. Cette méthode d'ensei- gnement, qui consiste à présenter la matière de façon fractionnée, à vérifier la compré- hension, et à s'assurer d'une participation active et fructueuse de tous les élèves, se ré- vélait ainsi particulièrement appropriée pour l'apprentissage de la lecture, des mathéma- tiques, de la grammaire, de la langue maternelle, des sciences, de l'histoire et, en partie, des langues étrangères. Cet enseignement explicite se révélait par ailleurs particulière- ment adapté aux jeunes élèves, à tous ceux qui apprennent lentement, quel que soit leur âge, aux élèves de milieux défavorisés mais également à des élèves plus performants. L'efficacité de la démarche d'enseignement explicite auprès d'élèves en difficulté d'ap- prentissage a été reconfirmée plus récemment par les travaux de Swanson (qui ont entre autres été publiés dans le Journal of learning disabilities en 1999, 2000 et 2003). Par ailleurs, l'évaluation d'une réforme entreprise au Wisconsin a permis d'identifier les pra- tiques pédagogiques efficaces utilisées dans les classes (1re à 3e année du primaire) à effectifs réduits (15 élèves). Les enseignants efficaces dans les classes à effectifs réduits ont majoritairement recours à des pratiques pédagogiques directives, explicites, systé- matiques et centrées sur l'enseignement, afin de permettre aux élèves d'acquérir les sa- voirs de base. Enfin, une importante étude comparative et longitudinale dans 9 pays et sur 4 continents dans des écoles appartenant à différents milieux socioéconomiques dont la performance scolaire des élèves était faible, moyenne ou forte, intitulée International School Effectiveness Research Project (ISERP) et dirigée par Reynolds et ses collabora- teurs 3 indique que les écoles identifiées comme efficaces ont massivement recours aux méthodes d'enseignement dites explicites. Ce constat se vérifie dans plusieurs pays évo- luant pourtant dans des systèmes scolaires très différents. Dans leurs conclusions, et contrairement à ce que certains affirment, les auteurs de cette recherche précisent que certaines dimensions associées aux écoles efficaces semblent “transcender” les cultures. Les gains d'apprentissage constatés dans les différents milieux semblent associés à un type d'approche pédagogique commun chez les enseignants : un enseignement directif et explicite. Comment se déroule l'enseignement explicite ? Selon les études sur l'efficacité de l'enseignement, un enseignement explicite en- gendrerait donc des effets positifs sur l'apprentissage. Mais qu'entend-on par “enseigne- ment explicite” ? Plusieurs modèles différents d'enseignement explicite ont été élaborés au fil des ans, chacun mettant l'accent sur un aspect particulier 4. Cependant, au-delà de leurs différences, ils possèdent des points communs et, en ce sens, appartiennent à la famille “instructionniste”. Tous sont centrés sur l'enseignement par opposition aux mo- dèles moins structurés, centrés sur l'élève et basés sur une pédagogie de découverte. L'enseignement explicite préconise la formalisation d'une stratégie d'enseigne- ment structurée en étapes séquencées et fortement intégrées. Dans cette approche, l'en- seignant, de manière intentionnelle, utilise un ensemble de moyens qui soutiennent l'ap- prentissage des élèves. Globalement, cette stratégie passe par les actions de dire, de montrer, de guider. Dire, au sens de rendre explicites pour les élèves les intentions et objectifs visés dans la leçon. Dire, aussi au sens de rendre explicites et disponibles pour 2 . B.V. Rosenshine, “Vers un enseignement efficace des matières structurées”, in M. Crahay, D. Lafontaine (dirs), L'art et la science de l'enseignement, Bruxelles, Labor, 1986, p. 304-305. 3 . . D. Reynolds, B. Creemers, S. Stringfield, C. Teddlie, G. Schaffer, World Class School. International Perspec- tives on School Effectiveness, London, Routledge / Falmer Press, 2002. 4 . Par exemple, les approches du Behavior Analysis, du Southwest Lab, de DISTAR ou de Success for all sont autant de variantes d'un enseignement systématique, centré sur l'enseignement. 3 http://3e.voie.free.fr Gauthier, Bissonnette, Richard les élèves les connaissances antérieures dont ils auront besoin. Montrer, au sens de rendre la demande explicite pour les élèves, en exécutant devant eux la tâche à accom- plir et en énonçant le raisonnement suivi à voix haute. Guider, au sens de chercher à ce que les élèves rendent explicite leur raisonnement implicite en situation de pratique et de leur fournir une rétroaction appropriée afin qu'ils construisent des connaissances adé- quates avant que les erreurs ne se cristallisent dans leur esprit. Il est possible de distinguer trois étapes dans un enseignement explicite : (1) la mise en situation, (2) l'expérience d'apprentissage, (3) l'objectivation. Première étape : la mise en situation La mise en situation est l'étape au cours de laquelle les élèves se préparent à ef- fectuer un apprentissage. Elle comporte trois stratégies : (1) la présentation de l'objectif d'apprentissage ; (2) la traduction de l'objectif en résultats d'apprentissage escomptés ; (3) l'activation, la vérification et, au besoin, l'enseignement des connaissances préa- lables. En présentant l'objectif d'apprentissage, l'enseignant indique clairement aux élèves les contenus qui seront abordés durant la leçon. L'utilisation d'un schéma organi- sateur ou d'un “advanced organizer” peut faciliter la présentation de l'objectif d'appren- tissage puisqu'un tel instrument permet de démontrer explicitement les liens existant entre la connaissance nouvelle et celles apprises antérieurement. Cette stratégie favorise également l'activation des connaissances qui y sont reliées. La traduction d'un objectif en résultats d'apprentissage concrétise ce qui est visé sur le plan des savoirs et des savoir- faire et peut prendre la forme suivante : « À la fin de cette leçon, vous serez en mesure de... (suivi d'un verbe d'action). » Le rappel des connaissances permet de vérifier la solidité des connaissances né- cessaires à l'apprentissage et révèle s'il est nécessaire de procéder à leur ré- enseignement. L'élève qui ne maîtrise pas les connaissances préalables développe habi- tuellement un sentiment d'impuissance, voire d'incompétence par rapport aux tâches proposées. Deuxième étape : l'expérience d'apprentissage La seconde étape, dite “l'expérience d'apprentissage” comprend trois stratégies distinctes, mais complémentaires : le modelage, la pratique guidée et la pratique auto- nome. Le modelage. L'enseignant présente l'objet d'apprentissage d'une façon claire, précise et concise, à l'aide d'exemples et de contre-exemples, en vue de favoriser un niveau de compréhension le plus élevé possible. Ainsi, il se préoccupera de rendre vi- sibles, au moyen du langage, tous les liens à faire entre les nouvelles connaissances et celles apprises antérieurement. Tout raisonnement, toute stratégie ou procédure suscep- tibles de favoriser la compréhension du plus grand nombre seront également présentés explicitement. Pour ce faire, l'enseignant « met un haut-parleur sur sa pensée » en ver- balisant aux élèves les liens qu'il effectue pour comprendre la tâche, les questions qu'il se pose, ainsi que les stratégies qu'il sollicite pour la réaliser. Fait à noter, lors du modelage, l'information est présentée en petites unités, dans une séquence allant généralement du simple vers le complexe et du facile vers le difficile, et ce, afin de respecter les limites de la mémoire de travail des élèves. Le recours aux exemples et aux contre-exemples est l'élément clé de cette étape de l'enseignement explicite. Cela facilite la compréhension de l'objet d'apprentissage et améliore la qualité du modelage. On comprendra que la présentation d'exemples et de contre-exemples qui ne peuvent être réutilisés par les élèves lors des étapes suivantes (pratique dirigée et autonome) uploads/Management/ gauthier-2007-c.pdf
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- Publié le Jul 24, 2021
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