LES PRATIQUES MANAGÉRIALES, CLÉS DE LA MAÎTRISE DES EFFETS DE L’INTERCULTURALIT

LES PRATIQUES MANAGÉRIALES, CLÉS DE LA MAÎTRISE DES EFFETS DE L’INTERCULTURALITÉ SUR LES ALLIANCES STRATÉGIQUES INTERNATIONALES Karim Trabelsi F.F.E. | « Annales des Mines - Gérer et comprendre » 2015/3 N° 121 | pages 21 à 31 ISSN 0295-4397 DOI 10.3917/geco1.121.0021 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2015-3-page-21.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour F.F.E.. © F.F.E.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Si cet intérêt de la communauté académique a permis par la suite de relativiser ce postulat en dévoilant, au contraire, les bienfaits de la diversité culturelle, rares sont les études qui ont porté explicitement sur les pratiques d’intégration culturelle et sociale des acteurs et sur la régulation des retombées de cette diversité. À partir de ce constat, outre la mise en lumière des effets bénéfi ques et perturbateurs des dissemblances culturelles sur le fonctionnement et la performance des alliances transfrontalières, nous étudierons dans cet article les pratiques clés du succès en matière de management interculturel. Les entretiens semi-directifs que nous avons menés auprès de 22 allianceurs (managers d’alliances) et de 11 salariés tunisiens et français opérant dans 11 alliances franco-tunisiennes asymétriques stables révèlent que l’audit culturel, la généralisation et l’accélération du rapprochement interculturel (via la sensibilisation des parties prenantes à l’interculturalité, la formation interculturelle interne et/ou externe, la mise en place d’une organisation aplatie et la promotion de la parité au niveau de l’équipe managériale et des équipes de travail) représentent des pratiques clés d’une gestion réussie de la diversité culturelle au sein d’une alliance stratégique entre entreprises de nationalités différentes. Introduction Sous l’impulsion de la globalisation des marchés et d’une concurrence mondiale farouche, de plus en plus d’entreprises nouent des alliances stratégiques interna- tionales(1) dans le but d’atteindre une taille critique et (1) De manière générale, une alliance stratégique peut être consi- dérée comme « un lien tissé volontairement entre plusieurs fi rmes souveraines restant indépendantes (en dehors de ce lien). Elle se caractérise par la mise en commun par au moins deux en- treprises d’une fraction de leurs ressources pour la poursuite d’objectifs conjoints dans un espace donné et l’obtention d’avan- tages réciproques » (JOLLY, 2001). Une alliance est internationale dès lors qu’elle présente au minimum une dimension transfron- talière : a) soit parce que l’une de ses entreprises parties pre- nantes collabore avec un partenaire d’une nationalité différente, b) soit parce que celle-ci travaille dans un contexte étran- ger où la rencontre de cultures organisationnelles et de po- litiques nationales différentes est perceptible, ou encore, un rayonnement supérieur, d’accéder à des ressources et à des capacités spécifi ques (ROTHAERMEL et BOEKER, 2008) et de renforcer ainsi leur compétitivité (MEIER, 2004 ; BLANCHOT, 2006 ; KALE et SINGH, 2009). En dépit de cet engouement, ces alliances ne font pas généralement long feu et les résultats ne sont que rarement à la hauteur des objectifs visés (BRULHART, 2005). Les études traitant de leur issue le confi rme, faisant état d’une durée de vie limitée : 7 alliances sur 10 ne dépassent pas le cap des dix années d’existence (MESCHI, 2005). En 2010, il a été fait mention d’un taux d’échec de l’ordre de 50 % (KAPLAN et al., 2010). Les joint-ventures internationales connaissent un taux de fi n prématurée particulièrement élevé : il varie entre 30 et 70 %, selon le contexte étudié (PRÉVOT c) si elle exerce son activité dans un contexte où les deux situa- tions précédentes sont simultanées (BLANCHOT, 2006). © F.F.E. | Téléchargé le 16/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.72.167.92) © F.F.E. | Téléchargé le 16/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.72.167.92) 22 GÉRER & COMPRENDRE - SEPTEMBRE 2015 - N° 121 RÉALITÉS MÉCONNUES et GUALLINO, 2010). Les échecs fréquents de ces opérations de rapprochement sont souvent imputés par la littérature aux différences culturelles organi- sationnelles et nationales, qui rendraient incertain le processus d’intégration (FRANCK, 2000). Relativisant ce constat, Egg (2000) et Meier (2004) précisent que ce ne sont pas les divergences culturelles en tant que telles qui induisent l’échec, mais bien l’inadéquation et/ou l’ineffi cacité du système managérial instauré dans ces alliances. Dans une étude menée en 2009 par le Cabinet de conseil Bain & Co auprès de 10 000 cadres de 73 pays, la culture fi gurait (ex æquo avec la stratégie) au premier rang des préoccupations managériales en matière de réussite des opérations de développement à l’international (COISNE, 2012). Pourtant, les perfor- mances affi chées par ces combinaisons culturelles sont loin d’être satisfaisantes et continuent d’alimenter recherches et expérimentations. Mais, même si elles sont abondantes et variées, rares sont les études académiques ayant trait aux théma- tiques du management interculturel et de la perfor- mance des alliances transfrontalières à établir des corrélations entre ces deux dimensions et à identifi er explicitement les pratiques d’une gestion effi cace de l’interculturalité (REN et al., 2009). L’explication qui peut être avancée de cette rareté tient au fait que les entreprises internationales qui réussissent l’intégration de leurs différences culturelles ne communiquent que très peu sur leurs best practices afi n de préserver les avantages que procurent celles-ci face à la concurrence (BARMEYER et MAYRHOFER, 2008). Le présent article se donne comme ambition d’iden- tifi er les pratiques clés du succès du management interculturel des alliances transfrontalières. En nous référant à une revue de la littérature sur l’interculturalité et les alliances, nous exposerons d’abord les principaux effets négatifs et positifs des écarts culturels sur les liens inter-organisationnels et interpersonnels. Ensuite, nous mettrons en exergue les procédés théoriques de management de la diversité culturelle permettant aussi bien de contrecarrer les impacts indésirables des dissemblances culturelles que d’exploiter pleine- ment les bienfaits que celles-ci véhiculent. Enfi n, nous dégagerons les procédés les plus décisifs dans la réussite de ce processus managérial à travers l’étude de 11 cas d’alliances franco-tunisiennes asymétriques stables. Les effets de l’interculturalité sur les alliances stratégiques internationales Si des audits culturels entrepris dès la phase de négociation des contrats d’alliances internationales permettent de prendre conscience de l’ampleur de l’éclectisme culturel qui caractérisera ces futurs rappro- chements, ils ne procurent pas, à eux seuls, suffi sam- ment d’éléments pour permettre de manager effi cace- ment des équipes de travail multiculturelles. Selon Dupriez et Simons (2002), Blanchot (2006) ou encore Coisne (2012), ces audits devraient s’accompagner d’une évaluation des impacts (aussi bien bénéfi ques que préjudiciables) qui sont susceptibles d’apparaître dans le futur. Un tel diagnostic constituera, dans un premier temps, un référentiel pour la conception d’un dispositif managérial de cohabitation et d’intégration culturelle. Dans un deuxième temps, il donnera lieu à l’élaboration d’un tableau de bord permettant aux allianceurs (managers d’alliances) d’orienter les comportements individuels vers une maîtrise des effets de l’interculturalité : « Les défi s liés aux situations interculturelles ne se limitent pas aux phases d’approche et aux premiers mois d’une situation nouvelle : ils sont permanents, récurrents, et se rencontrent tout au long du processus » (ASLANOFF, 2013). Les effets positifs de l’interculturalité… La littérature sur la gestion de la diversité a donné naissance à un courant de recherche qui considère l’interculturalité comme une source d’enrichissement pour l’organisation et qui s’inscrit en faux contre le caractère nuisible de toute forme de différence (ADLER, 2002). Yeganeh (2006) va jusqu’à assimiler la diversi- té culturelle à une ressource immatérielle à exploiter et à une source d’avantage compétitif, les équipes multi- culturelles possédant un fort potentiel de productivité grâce à la large gamme des ressources, des points de vue et des compétences de leurs membres. Dans le cadre spécifi que des alliances entre entreprises de nationalités différentes, plus les dissemblances culturelles (tant organisationnelles que nationales) sont signifi catives, et plus le potentiel de création de valeur collective est important, puisque l’utilité de la contribu- tion du partenaire local s’accroît logiquement d’autant plus que grandit l’écart entre les routines requises par l’entreprise en voie d’internationalisation et celles qu’elle détient déjà (BLANCHOT, 2006). De surcroît, l’encastrement des capacités des entreprises dans des contextes sociaux distincts ne peut qu’entraîner une moindre transparence et augmenter, uploads/Management/ geco1-121-0021-pdf.pdf

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  • Publié le Oct 16, 2022
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