Gestion de la classe au secondaire L’activité enseignante, une architecture com

Gestion de la classe au secondaire L’activité enseignante, une architecture complexe de gestes professionnels Dominique BUCHETON, Professeur, IUFM de Montpellier, LIRDEF, France, dominique.bucheton@montpellier.iufm.fr Lisa-Marie BRUNET, Aurélie LIRIA, étudiantes, IUFM de Montpellier, LIRDEF, France. Mots clés : activité enseignante - geste professionnel - Résumé La communication présentée s’inscrit dans plusieurs questions de recherche emboîtées. La première vise à décrire l’activité enseignante réelle : sa dimension est ergonomique. Sa finalité est de donner à voir ce que c’est que ce métier, quels gestes professionnels il requiert pour mettre en activité des élèves et leur faire apprendre quelque chose. La deuxième s’inscrit dans le cadre de l’action menée auprès des élèves : savoirs sur la discipline enseignée, conceptions de l’élève et de son éducabilité, système de valeurs dans lequel s’est inscrit le rapport au métier et à l’expérience. D’où une question éthique pour la formation : peut-on, doit-on faire émerger et travailler en formation des éléments qui relèvent de l’identité personnelle, privée. Les dimensions, professionnelle et privée, dans les métiers de l’éducation sont-elles dissociables ? 2. Le geste professionnel : un geste langagier médiateur de la coactivité maître-élèves. Nous développerons peu ici le propos et nous renvoyons à l’article à paraître dans Repères N°30, ainsi qu’à notre communication au colloque AIRDF de Québec d’Août 2004 (CDROM à paraître. Le geste de métier ( Jorro 2002), renvoie à un savoir faire partagé et reconnu par la profession, rattaché à un genre scolaire bien identifié par le maître et les élèves (ex : le geste de correction de copie, la lecture magistrale du texte par le maître avant de commencer l’étude d’un texte). Il s’est construit dans l’histoire de l’école, il est généralement la mise en œuvre d’un genre de l’activité professionnelle. Nous appelons gestes professionnels les arts de faire et de dire qui permettent la conduite spécifique de la classe. Le geste professionnel est situé. Il ne se confond pas avec le genre mais le met en œuvre, l’actualise, l’ajuste. Le genre est statique, le geste dynamique. - C’est un agir essentiellement langagier mais aussi non langagier. Cette médiation langagière du maître est hétéronome (Bucheton 2000). Elle conjugue divers systèmes sémiotiques qui se modulent et modèrent mutuellement. Le regard, le ton de la voix a ppuient, nuancent ou démentent tel ou tel propos ; la baguette magistrale découpe, anticipe ou accompagne la lecture d’un texte au tableau. - Cette médiation est disymétrique : la parole du maître encadre les taches données aux élèves. Elle étaye, accompagne, instrumente le développement de la pensée et du langage de l’élève (Bruner-Vygotski). La situation scolaire, à la différence d’autres formes d’apprentissage, se caractérise par cette disymétrie entre la parole du maître et celle des élèves. - Elle est située. Ce couplage langage-action et situation est éminemment complexe. Il est un concentré de multiples transactions et ajustements intra- et intersubjectifs. - Elle est socialement, culturellement, historiquement construite dans l’expérience scolaire des maîtres et des élèves, dans celle de la communauté de pratiques enseignantes à laquelle les maîtres s’identifient (dimension sociolinguistique et sociologique de l’agir dans la classe). - Elle est dynamique, ouverte et largement imprévisible. L’ajustement de l’agir langagier du maître (qui supporte son cours d’action) sur ce qui se passe en classe, à partir de ce qu’il perçoit, entend, comprend des actions, propos, silences, gestes, regards multiples des élèves est permanent. Ce système d’action – rétroaction- réflexion - prise de décision dans la dynamique du cours, module le canevas préétabli et laisse de ce fait une grande place à un travail important de gestion des imprévus : événements cognitifs, affectifs ou relationnels. Cette part d’imprévisibilité de l’agir est une dimension forte de la professionnalité. -Elle se développe sur le principe d’une auto-organisation et régulation spécifique. Chaque classe constitue une petite communauté de pratiques et de paroles (Lave 1988) qui très vite se construit ses propres règles internes de travail et de communication (Durand 1996). De même, chaque situation (type de tâche, thématique, type de regroupement, type d’outils mobilisés 2 etc.) enclenche un système de régulation interne temporaire (François 1994) qui autoengendre sa propre dynamique idéologique, cognitive et langagière. - C’est un geste de réflexivité en acte qui s’ajuste sur l’action et la réflexivité langagière de l’élève, sur les difficultés possibles de la leçon, sur les événements qui surviennent dans son déroulement, sur les instruments ou supports utilisés, comme sur la connaissance de la classe (savoirs pré-requis, culture, engagement). - Il est partiellement pré-pensé (et s’articule alors aux gestes de métier), partiellement inventé dans l’action. Il s’inscrit dans des préoccupations, une intentionnalité plus ou moins conscientisées, plus ou moins mobilisées et mobilisable. L’activité de l’enseignant consiste : 1) à mettre en jeu avant la classe une multitude de cadres de pensée et d’expérience (Goffman). Certains sont en partie implicites et non verbalisés : ce sont des savoirs théoriques, des modèles didactiques, des doxa, des habitus, la micro socio-culture de la classe. D’autres cadres sont explicites : les contenus de savoir, choisis pour la leçon et leurs scénarios, parfois pré-écrits dans le « livre du maître » ou dans des préparations personnelles. 2) à les ajuster en ligne dans le contexte de la classe avec l’activité des élèves dans leur diversité. Ce contexte, dynamique et évolutif de la classe est crée en partie par la co- activité du maître et des élèves, en partie par des éléments de contexte, externes à la classe (disposition des élèves, instruments didactiques, etc.). Cet ajustement du geste professionnel du maître permet la mise en place, la régulation, l’évaluation des gestes spécifiques d’étude des élèves, la modification des contrats didactiques pendant la leçon. C’est une régulation tout à la fois collective et individuelle. Les émotions jouent un rôle important dans la régulation de l’engagement du maître comme des élèves. Il s’inscrit dans des configurations interactionnelles maître –élèves plus ou moins euphoriques ou dysphoriques qui rythment la leçon (Veyrunes 2004) et lui donne une part de sa dynamique. Une dimension plus spécifique du geste professionnel est son ancrage dans des configurations d’autres gestes qui font avec lui système. L’efficacité du geste spécifique serait alors plus liée à différents niveaux de configurations d’ensemble. Ce que nous montrerons plus particulièrement dans la communication. 3. Un corpus d’étude limité et sa méthodologie Où on verra comment à partir d’un corpus limité mais avec une méthodologie lourde on arrive à rendre compte d’une partie de la complexité de l’activité de l’enseignant. Où on verra aussi combien méthodologies, objets de recherches et résultats se co-construisent, s’auto-limitent. D’où la prudence quant aux résultats. Des gestes de métier aux gestes professionnels : une architecture complexe. Outre la préoccupation centrale dans la leçon spécifique d’enseigner un contenu spécifique (A), nous en avons identifié dans les séances étudiées quatre autres : - le tissage : c’est la préoccupation de l’enseignant qui l’amène à articuler les différentes unités de la leçon. Cette préoccupation s’actualise en deux modalités principales : souligner l’entrée en matière, opérer la transition à la fin de l’unité. - l’étayage : c’est le geste que l’enseignant fait avec l’élève pour accompagner un geste d’étude qu’il ne peut mener seul. Cette préoccupation s’actualise en trois sous-catégories : le soutien, la demande d’approfondissement, le contrôle des réponses, lesquelles prennent la forme d’une dizaine de formes d’adresse spécifiques que nous avons identifiées (rang D’). Le contrôle des réponses s’apparente dans notre corpus à une forme embryonnaire d’institutionnalisation du savoir. Elle est collective et s’adresse à la classe ou individualisée. - Le maintien d’une certaine atmosphère. Il s’agit ici de rendre compte du climat général cognitif et relationnel qui autorise ou non la prise de parole de l’élève et son niveau d’engagement attendu dans l’activité. Ce sont des gestes langagiers qui soit par leur dimension ludique ou coercitive, soit par la nature du feed- back affectif, soit par les formes diverses de l’enrôlement (nominatif, regard insistant etc) détendent ou crispent les élèves, les stimulent ou non. -La gestion des dimensions spatio- temporelles : il s’agit d’une préoccupation vaste et très pragmatique : le contrôle du timing par des regards fréquents ou inexistants à la pendule, les déplacements de l’enseignant, le contrôle de ceux des élèves, l’utilisation des instruments d’enseignement divers. Les enseignants sont-ils conscients de cette logique conceptuelle qu’ils actualisent? Se contentent-ils d’un « faire répétitif », ces gestes de métier sont-ils interrogés ? Qui pilote la classe ? Le maître, la méthode ? Où se situe l’espace de décision du maître ? Il est clair ainsi que dans une la logique observée, l’écriture des élèves pendant la leçon de lecture ne peut prendre place à moins d’un coup de force du maître, d’une rupture importante assumée. Peut-il l’accomplir seul ? Et pourtant des différences de styles, identifiables. L’étude bien que limitée apporte des résultats quant aux éléments de style ( nous reprenons la définition de Clôt : le style comme actualisation dans la pratique singulière d’un genre). Autrement dit où se logent ces arts de faire d’ajustement et d’inventivité en acte de l’enseignant ? Notre étude révèle que si la dimension didactique et notamment les conceptions uploads/Management/ gestion-de-la-classe-au-secondaire.pdf

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  • Publié le Jan 23, 2022
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