1 GOUVERNANCE ET AUDIT EXTERNE LEGAL : une approche historique comparée à trave

1 GOUVERNANCE ET AUDIT EXTERNE LEGAL : une approche historique comparée à travers l’obligation de reddition des comptes David CARASSUS Maître de conférences en Sciences de Gestion Université de Pau et des Pays de l’Adour – IAE / CREG Domaine universitaire BP 575 – 64 000 PAU david.carassus@univ-pau.fr – http:/www.univ-pau.fr/~carassus Georges GREGORIO Maître de conférences en Sciences de Gestion Université de Pau et des Pays de l’Adour – IAE / CREG Domaine universitaire BP 575 – 64 000 PAU georges.gregorio@univ-pau.fr Communication aux 9èmes journées d’histoire de la comptabilité et du management mars 2003 2 Les scandales financiers à répétition, les états comptables irréguliers de certaines sociétés cotées et l’effondrement boursier de ces derniers mois ont créé un véritable traumatisme au plan international. Les premières réactions, venues des Etats-Unis, lieu de la plupart des affaires actuelles, exigent, par exemple pour la SEC le 27 juin 2002, que les directeurs généraux et financiers des grandes sociétés cotées certifient en prêtant serment la sincérité des comptes ou, au contraire, qu’ils admettent publiquement les « zones d’ombre » existant dans leurs états financiers. Le Sarbanes-Oaxley Act, promulgué par le président des Etats-Unis, conforte, le 30 juillet 2002, cette idée de poursuite des dirigeants et de responsabilité des conseils d’administration. De manière générale, ces premières évolutions légales participent à l’amélioration de la gouvernance, entendue comme l’ensemble des « mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire » (CHARREAUX, 1997a, p. 1). Comme l’indique PESQUEUX, c’est en effet « tout l’environnement politique et social de l’entreprise qui demande aujourd’hui des comptes. Le Sommet de la Terre de Johannesburg (Afrique du Sud) – et c’est extrêmement significatif – a mis en avant le terme anglais d’accountability1, mais en lui rendant son sens originel, celui de donner une image fidèle de l’ensemble des activités de l’entreprise, avec une connotation de responsabilité »2. Les nouvelles réglementations financières répondent à ces inquiétudes en redéfinissant non seulement la responsabilité des équipes dirigeantes, mais aussi celle des organisations chargées de l’audit externe légal. Concernant ce dernier point, le Sarbanes-Oaxley Act aborde ainsi le rôle des auditeurs légaux en modifiant les règles d’indépendance des cabinets d’audit chargés de certifier les comptes des émetteurs d’actions cotées. En voulant instituer une nouvelle gouvernance plus transparente et efficace face à certaines insuffisances, les textes actuels remettent ainsi au centre des préoccupations les notions de responsabilité, d’audit externe et de reddition des comptes. L’obligation de reddition des comptes3 apparaît en effet comme un sous-ensemble de la gouvernance qui implique « le contrôle, l’évaluation et la supervision des agents organisationnels pour s’assurer qu’ils agissent pour le mieux des intérêts des actionnaires et des détenteurs d’intérêts » (KEASEY et WRIGHT, 1993, p. 291). De son côté, l’audit externe légal peut être considérée comme mécanisme incitant ou obligeant le ou les individus à qui une responsabilité a été déléguée à agir conformément aux intérêts des partenaires de l’organisation (CHARREAUX, 1997b, p. 427). L’audit externe est ainsi conduit « pour enquêter sur l’exercice de la responsabilité assumée et pour établir dans un rapport si l’exercice de la responsabilité est correct et juste » (GLYNN, 1993, p. 98). Les modes de gouvernance, occupant le cœur des débats actuels, nous choisissons de réaliser ici une analyse historique de certains de ses éléments structurants. Plus 1 Accountability est traduit par obligation de reddition des comptes. 2 in Le Monde, Economie, 17/12/02, p.III. 3 Pour un survey des définitions de l’obligation de reddition des comptes, cf. CARASSUS (2000). Communication aux 9èmes journées d’histoire de la comptabilité et du management mars 2003 3 particulièrement, nous nous focalisons sur l’obligation de reddition des comptes en tant que lien principal entre gouvernance et audit externe. En effet, contrairement à ce que laisse penser certains dans le cadre des débats actuels, le besoin de reddition des comptes ne date pas d’aujourd’hui. L’audit externe apparaît aussi très tôt lié à l’obligation de reddition des comptes, et plus généralement aux modes de gouvernance. D’après FLINT (1988, p. 19), l’audit externe a été préoccupé pendant des siècles « par une comptabilité honnête et juste de l’argent et de la propriété dans les affaires des états, des services des gouvernements centraux et locaux, et dans le monde des affaires ». En outre, il semble nécessaire, comme l’évoque ce dernier auteur, que les liens entre gouvernance et audit externe soient étudiés, en plus de cette analyse historique, aussi bien dans le secteur public (partie 1) que dans le secteur privé (partie 2). Cette analyse historique, ainsi complétée par une comparaison intra-organisationnelle, nous permettra, de manière descriptive, de comprendre la nature des relations et leurs évolutions entre gouvernance et audit externe au travers de l’obligation de reddition des comptes. Dans ce cadre, cette analyse nous permettra de voir par exemple, comme l’affirment BETHOUX et al. (1986, p. 14) ou encore BENETEAU (1999, p. 70), si l’audit externe s’est étendu du secteur privé vers le public. De manière plus prescriptive, cette analyse historique comparée nous permettra de mettre en évidence les incohérences d’évolution entre gouvernance et audit externe, et donc de proposer des changements adaptés nécessaires à la résolution des problèmes actuels. Gouvernance publique et audit externe : d’une logique de reddition des comptes administrative à une logique managériale et politique Lorsque l’origine de l’obligation de reddition des comptes est recherchée, le secteur public est souvent identifié comme domaine de première application en contrepartie de l’attribution de fonds par les contribuables. Ce type de reddition est alors centré sur l’objectif de collecte et/ou d’utilisation honnête et régulière de ressources monétaires. Au fil des temps, cette obligation évoluera vers des logiques politiques et managériales de façon homogène avec les modes de gouvernance et d’audit externe. 1.1) Une origine publique de la reddition de comptes audités L’origine de l’obligation de reddition des comptes audités, en tant que mécanisme clé de la gouvernance, semble remonter à des temps antérieurs. FLINT (1988, p. 19) observe d’ailleurs que les personnes responsables de la détention de ressources, entre autres monétaires, ont toujours été le sujet d’un audit externe. Si l'antériorité de son origine semble être accepté, la détermination d’une date précise est, elle, plus difficile. A cette fin, GLYNN (1993, p. 15) cite « Politique » d’ARISTOTE. Ce dernier écrit, en effet, que « pour protéger des escroqueries sur la trésorerie, il faut distribuer l’argent public devant la ville entière, et déposer les copies des comptes dans Communication aux 9èmes journées d’histoire de la comptabilité et du management mars 2003 4 des services variés ». GRAY et JENKINS (1993, p. 53) suggèrent, eux, que l’histoire de l’obligation de reddition des comptes est aussi vielle que la civilisation. Pour cela, il remonte aux temps d’HAMMURABI, roi de Babylone. D’après les auteurs, « quand il promulgua son code légal vers 2000 avant Jésus-Christ, il apparaît avoir prêté beaucoup d’attention à l’obligation de reddition des comptes de ceux à qui était confié l’argent des autres ». Or, si ces premières sources abordent l’origine de l’obligation de reddition des comptes, elles ne mentionnent pas les modalités de contrôle qui peuvent y être associées. D’après NORMANTON (1966), il faut en effet attendre l’an 350 avant J-C. afin qu’apparaissent des activités les plus proches de l’audit moderne. L’auteur cite à ce propos ARISTOTE qui observe que « dix logistae et dix euthuni étaient choisi au sort. Chaque responsable public devait leur rendre des comptes. Ils présentaient leurs résultats à la cour. Quiconque détournait des fonds devait rendre dix fois la somme dérobée. Dans le cas d’erreurs administratives, la cour l’évaluait et le responsable devait la rendre sur un délai de 9 mois, à défaut le remboursement doublait »4. Ces contrôleurs, indépendants des responsables qu’ils examinaient, sont alors chargés de détecter les fraudes et les erreurs administratives, puis de rapporter leurs résultats aux personnes les ayant nommés. Les premières références au terme audit semblent, elles, apparaître avec l’empire romain. Mc MICKLE (1978, p. 8) observe en effet que l’auditus, terme utilisé dans un sens judiciaire, impose aux responsables publics, les questeurs et proconsuls des provinces, de réaliser un compte rendu de leurs activités devant une cour de justice. L’intervention d’un tiers, l’auditeur tel que nous l’entendons aujourd’hui, n’était pas alors prévue. L’origine commune de l’obligation de reddition des comptes et de l’audit externe semble dès lors pouvoir être affectée aux organisations publiques. La reddition de comptes audités y est pratiqué dans une logique administrative et légale dans le sens de PATRY (1994, p. 308). La relation de reddition de comptes fait en effet essentiellement référence à un rapport de supérieur à subordonné, ce dernier étant contrôlé en fonction des priorités définies par le sommet hiérarchique de l'organisation. Il s’agit alors non seulement de s’assurer que les fonds sont correctement utilisés et de la manière qui a été autorisée, mais aussi de garantir que les pouvoirs octroyés ne sont pas outrepassés. En contrepartie des pouvoirs délégués, ce système originel de reddition des comptes impose ainsi aux acteurs publics de répondre de uploads/Management/ historique-de-l-x27-audit-public-extene-pdf 1 .pdf

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  • Publié le Dec 21, 2021
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